Le service logistique de ManoMano, une ressource de premier plan pour croître
Par Mehdi Arhab | Le | Retail
Grégoire Hirtz, directeur des opérations du groupe ManoMano, nous décrit les enjeux, avancées et axes de progression du service logistique de la startup. Pour l’acteur du commerce en ligne spécialisé dans le domaine du bricolage et du jardinage, la logistique constitue aujourd’hui un axe différenciant et un levier majeur pour continuer à se développer. Les relations qu’il entretient avec ses prestataires logistique et transports sont d’ailleurs l’une des raisons de sa réussite. Décryptage :
Avant que la logistique soit l’un des piliers de sa réussite, ManoMano avait décidé à sa naissance de s’affranchir des contraintes en la matière en portant uniquement une marketplace qui mettait en relation acheteurs et vendeurs. Jusqu’à l’automne 2018, les expéditions étaient directement assurées par les marques et distributeurs partenaires. Mais pour grandir, la startup aux plus de dix millions de références d’outillage, de peinture ou encore de meubles d’extérieur créée par Christian Raisson et Philippe de Chanville, a apporté une brique supplémentaire à son modèle de base : une offre logistique pour ses partenaires.
ManoMano, qui avait annoncé pour 2020 - dernière donnée connue -, un volume d’affaires de plus d’un milliard d’euros dans cinq pays européens (la France, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne), s’est largement développé depuis. Son modèle de croissance actuel a certes été confronté à un contexte économique international difficile, avec la guerre en Ukraine, l’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt ou encore le ralentissement du niveau des investissements dans le secteur de la tech, mais son approche stratégique lui a permis de se différencier face aux grands noms du secteur. La logistique joue aujourd’hui un grand rôle dans la réussite du groupe. Elle lui permet de renforcer son positionnement, tant au niveau du catalogue que des services et de l’accompagnement des clients.
Grégoire Hirtz, directeur des opérations du groupe depuis mai 2023, s’attache avec les 130 personnes qui lui rapportent à façonner modèle propre et original. Membre du comex, lui et son équipe gèrent 100 000 SKU. Il est rattaché à Christian Raisson. Son périmètre de responsabilité couvre la supply chain, la qualité, le service clients et le paiement. Entré au sein du groupe en 2021 comme VP Delivery & Fulfillment, toujours dans son périmètre d’intervention et qui représente « l’un des plus gros postes d’investissement du groupe », il a auparavant travaillé dans plusieurs secteurs différents : l’industrie automobile, dans le conseil chez McKinsey. Son expérience chez Amazon en France et aux États-Unis, puis chez Cubyn, une start-up de logistique, ont forgé sa passion et son expertise pour les opérations et le e-commerce. Et pour un acteur de ce secteur, aussi spécifique que ManoMano, la gestion de la logistique et des livraisons n’a rien d’évident.
Un service logistique pour accompagner la croissance
Avec son service fulfillment, ManoMano assure le stockage, la préparation et l’expédition des commandes, et même le service après-vente. Le groupe s’appuie sur trois hubs logistiques en France, en Italie et en Espagne. Opérés par des prestataires, les produits des vendeurs de la startup y sont stockés et toutes les commandes à honorer y sont préparées. La plateforme du groupe en France, située à Châtres (77), d’une surface de 36 000 m² et dont la gestion a été déléguée à ID Logistics, a permis à ManoMano d’absorber la hausse de ses activités et d’accompagner la montée en puissance de son offre ManoFulfillment.
La phase de réception est l’une des plus complexes dans les activités e-commerce. Nous avons une gamme de références très large à gérer … Il faut donc être en mesure de recevoir des flux en quantité très importantes, les reconnaître puis les traiter
Ce choix d’assurer la logistique n’est pas neutre. Il témoigne la volonté de ManoMano d’améliorer ses relations avec ses marques et distributeurs partenaires et d’assurer une meilleure expérience à ses clients particuliers et professionnels. « Cette offre a été pensée pour offrir un meilleur accompagnement à nos marchands et les aider à mieux gérer leur volume pour ceux qui souhaitent s’affranchir des contraintes logistiques », explique Grégoire Hirtz. En absorbant ces contraintes, le groupe a fait un pari risqué car à mesure que le nombre de références (et de marchands) augmente sur la plateforme, ce sont autant de nouvelles expériences qui doivent être proposées aux clients, avec leur potentiel lot de défaillances aussi à la réception et à l’expédition. « Beaucoup l’oublient, mais la phase de réception est l’une des plus complexes dans les activités e-commerce. Nous avons une gamme de références très large à gérer. Pour les équipes, c’est un défi au quotidien à relever. Il faut donc être en mesure de recevoir des flux en quantité très importantes, les reconnaître puis les traiter. D’innombrables produits identiques sont vendus par nos différents partenaires, nous devons donc ainsi assurer au moment de l’expédition de traiter le produit du marchand et pas d’un autre », expose le directeur des opérations.
Il nous faut parvenir à tirer avantage de nos gros paniers pour générer des synergies et optimiser nos coûts logistiques. Mais en pratique, livrer un râteau, une perceuse, une tondeuse et une grosse piscine en même temps n’a rien d’évident
La gestion de cette complexité n’a rien d’évident mais les équipes de Grégoire Hirtz y parviennent sans trop d’accrocs. Si la startup est aujourd’hui en mesure de contrôler sa logistique de bout en bout pour offrir une expérience de livraison standardisée à ses clients, elle doit tout de même encore monter en puissance pour faire de sa logistique un levier inattaquable. Sa promesse : une livraison plus rapide (entre 24h et 48h) et un accompagnement des clients tout au long du processus d’achat. Mais là encore, rien n’est simple. « Il nous faut parvenir à tirer avantage de nos gros paniers pour générer des synergies et donc optimiser nos coûts logistiques. Mais en pratique, livrer un râteau, une perceuse, une tondeuse et une grosse piscine en même temps n’a rien d’évident », souligne Grégoire Hirtz.
Des prestataires essentiels à sa réussite
Dès lors, pour s’améliorer et construire un modèle ingénieux, mieux vaut choisir des partenaires qui comprennent vos enjeux. Cela, Grégoire Hirtz l’a bien compris et son arrivée avait d’ailleurs entraîné la sélection de nouveaux prestataires logistiques et transports. Un choix assumé et payant.
« Nous sommes sur un marché spécifique. Les bonnes relations que nous entretenons avec nos partenaires logistiques et transport sont primordiales. Elles nous permettent d’assurer un niveau de qualité maximal. Nous ne pouvons nous appuyer sur ce qui existe compte-tenu de notre activité, même si des modèles comme ceux d’Amazon ou de Cdiscount peuvent constituer d’excellentes sources d’inspiration. La majeure partie des produits que nous livrons sont hors gabarit. Nous devons toujours faire coexister différentes typologies de produits sans que cela ne vienne gêner notre proposition de valeur. Contrairement aux acteurs traditionnels du e-commerce qui font le choix de les séparer, ce mode de fonctionnement est inhérent à notre verticale. Cela demande, à nos prestataires et nous, beaucoup d’agilité. Il nous faut parler la même langue. »
Sans ses prestataires, ManoMano ne pourrait délivrer ce qu’il souhaite comme il le fait aujourd’hui. Ses prestataires lui ressemblent et font preuve de beaucoup d’ouverture d’esprit. « Nous travaillons avec tous en co-construction de façon à atteindre l’excellence opérationnelle. Ils nourrissent notre savoir comme nous nourrissons le leur, notamment sur la partie tech. La logistique a souvent souffert d’un retard comparé à d’autres secteurs. Elle vient juste d’entamer sa transformation de ce point de vue. De fait, nous accompagnons nos prestataires sur cette partie quand ils en ont besoin », indique Grégoire Hirtz.
Et si les géants du e-commerce comme Amazon apparaissent comme des référence, ManoMano a bien compris qu’il a un coup à jouer. Et c’est pourquoi la start-up implique autant ses prestataires. « Le pilotage de la relation de nos transporteurs est similaire. Nous travaillons de façon extrêmement rapprochée de manière à adresser au mieux les sujets de qualité et à améliorer nos schémas », assure le directeur des opérations.
Un choix concluant mais rien n’est joué
Nous enregistrons sur nos activités logistiques entre 50 à 80 % de croissance
Les activités logistiques de ManoMano ne cessent depuis de prendre de la place et son service ManoFulfillment séduit grandement. « Nous enregistrons sur nos activités logistiques entre 50 à 80 % de croissance », se félicite Grégoire Hirtz. « Il nous faut donc être à la hauteur et développer de nouvelles compétences, réduire nos taux de casse, aider nos partenaires distributeurs et marques à progresser sur leurs forecast et le packaging. Le défi est immense », poursuit-il.
Tout bien pesé, si ManoMano a pris un risque, le jeu en valait finalement largement la chandelle. Les effets de cette approche unifiée n’ont en effet pas tardé à se faire ressentir puisque le taux de satisfaction des marchands et des clients n’a cessé de s’améliorer au fil du temps. « Nous devons continuer à apporter les meilleures réponses possibles à nos partenaires et clients, d’autant plus dans ce contexte économique. Notre activité est très liée à celle de la construction et l’inflation ainsi que la hausse des taux d’intérêt peuvent influer sur notre santé ». De fait, pour Grégoire Hirtz, la stratégie supply chain, au sens large, doit reposer sur un duo service et coût. Et le niveau d’exigence doit être très haut sur chacun des deux angles cités. Les Opérations peuvent à ses yeux être un pilier du futur du groupe et il est important que ses équipes démontrent qu’elles sont en mesure de répondre aux enjeux de l’entreprise, au coût défini, pour l’aider à grandir.
Il y a un besoin de mettre en commun et de réfléchir à la manière de standardiser et mutualiser beaucoup de choses, aussi bien sur la partie entreposage que la partie transport, pour progresser
À tout cela s’ajoute la dimension RSE. En plus de cette gestion quotidienne, la direction des opérations œuvre pour rendre sa solution de gestion des commandes de plus en plus responsable. Les opportunités les plus visibles reposent évidemment sur le renforcement du processus de commande (préparation et emballage). Mais le groupe a aussi beaucoup fait pour transformer ses flux de marchandises, des fournisseurs aux commerçants en passant par les plateformes logistiques. « Le monde de la supply chain est granulaire. Il compte beaucoup d’acteurs : fournisseurs, entrepôts, transporteurs du premier et dernier kilomètres, transporteurs intermédiaires, centres de tri et de livraison … Chacun essaie de fonctionner de façon optimale mais opère encore à son échelle. Il y a un besoin de mettre en commun et de réfléchir à la manière de standardiser et mutualiser beaucoup de choses, aussi bien sur la partie entreposage que la partie transport, pour progresser. Le déploiement d’une chaîne de distribution efficace nécessitera d’aligner les objectifs sur toute la chaîne », conclut Grégoire Hirtz.