Stratégie supply

Picnic : «  Ce projet d’automatisation à Utrecht nous a mis dans le vert  »

Par Mehdi Arhab | Le | Retail

Michiel Muller, patron de Picnic et Grégoire Borgoltz, directeur des opérations, reviennent avec nous, dans un entretien croisé, sur les différentes implications du projet d’automatisation mené à bien avec TGW sur le centre de distribution du groupe à Utrecht. Ils évoquent également leurs objectifs dans les années et nous partagent leurs perspectives pour les années qui viennent.

Michiel Muller, patron de Picnic (à gauche) & Grégoire Borgoltz, directeur des opérations (à droite) - © D.R.
Michiel Muller, patron de Picnic (à gauche) & Grégoire Borgoltz, directeur des opérations (à droite) - © D.R.

Où en êtes-vous de vos projets d’automatisation de vos centres de distribution ?

Notre croissance ira de pair avec l’automatisation et pour cela, nous devons développer des programmes qui répondent à nos besoins

Michiel Muller : Nous avançons calmement sur le sujet. Aux Pays-Bas, notre niveau de croissance est tel qu’il sera nécessaire de mener d’autres projets de ce type. Nos volumes ne cessent d’augmenter et l’automatisation nous a aidé et nous aidera à les assumer. Notre croissance ira de pair avec l’automatisation et pour cela, nous devons développer des programmes qui répondent à nos besoins. Nous continuons à travailler sur la question. Certains de nos centres de distribution pourraient accueillir une installation spécifique à terme.

Ce projet d’automatisation à Utrecht nous a mis dans le vert et d’autres nous permettront de nous y maintenir

Grégoire Borgoltz : Le fait de vouloir améliorer nos marges, qui sont extrêmement faibles dans ce secteur d’activité, nous avait poussé à mener un tel projet sur le site d’Utrecht. La majeure partie de nos coûts sont liés à la préparation de commandes, les autres étant liés pour l’essentiel à la distribution. Nous devions donc les optimiser, en gagnant en efficacité de façon importante. C’est chose faite, en partie grâce à cette installation de TGW. Ce projet d’automatisation à Utrecht nous a mis dans le vert et d’autres nous permettront de nous y maintenir. Le calcul économique est simple : si chaque commande que nous préparons nous coûte moins cher avec l’automatisation, alors nous avons tout intérêt à en introduire. Mais faut-il encore que nos volumes soient suffisants pour lancer une telle démarche.

Quels KPI avez-vous retenus ?

Grégoire Borgoltz : Le premier et le plus important est relatif à l’UPH (Unit per Hour). Il correspond au nombre de produits qu’un opérateur va toucher en une heure. C’est avant tout sur cet indicateur que nous nous basons pour en connaître sur la pertinence de notre choix.

Que réclame un tel projet pour Picnic ?

Une solution goods to people ne peut que nous aider à être plus efficaces dans un site comme celui d’Utrecht

Grégoire Borgoltz : Tout d’abord, il est important de rappeler que ces investissements nous paraissent nécessaires pour atteindre nos objectifs et toucher du doigt l’excellence opérationnelle. Une solution goods to people ne peut que nous aider à être plus efficaces dans un site comme celui d’Utrecht. C’est pour nous aussi un moyen de réduire nos problématiques RH, non pas que nous ayons du mal à recruter, bien au contraire. Nous avons la chance d’être établis dans une des plus grandes villes du pays (NDLR : Utrecht est la quatrième ville du pays). Le besoin d’automatisation apparaît surtout dès lors que nos capacités sont saturées et que nous devons gagner en efficacité et en productivité. Pour ce qui est de nos opérations, nos hubs logistiques fonctionnent toujours de la même manière. À ce niveau, il n’y a pas de changement notable.

Ce centre à Utrecht a servi de laboratoire et nous a permis d’intégrer dans nos centres de préparations manuels des briques technologiques mécanisées

Michiel Muller : Ce que nous avons appris avec cette installation, c’est que nous gagnons en efficacité de façon notable. Ce que cela a réclamé en termes d’investissements était à nos yeux justifié. Nous sommes positionnés sur un marché difficilement rentable et l’équation économique est loin d’être simple. L’automatisation nous permettait de répondre à certains de nos enjeux et nous a aidé à toucher du doigt nos objectifs de rentabilité. Outre les convoyeurs, d’autres équipements ont dû être installés, comme les ensacheuses. Ce centre à Utrecht a servi de laboratoire et nous a permis d’intégrer dans nos centres de préparations manuels des petites briques technologiques d’automatisation.

Grégoire Borgoltz : Sur ce point, lorsque nous avons ajouté des ensacheuses sur notre premier centre de distribution en France, nous avons gagné, instantanément, 3 % d’efficacité. Cela avait été déjà le cas aux Pays-Bas. Ce genre d’investissement est lourd, mais il est nécessaire et le prouve à terme. Une telle machine nous permet de mobiliser du personnel où nous en avons réellement besoin.

Et d’un point de vue des RH, comment avez-vous accompagné la conduite du changement ?

Grégoire Borgoltz : Notre devise, « Think, Dare, Do » ( « pense, ose, agis »), dit tout de nous et de notre culture d’entreprise. Nous baignons dans le changement. En moins de dix ans, nous avons créé un modèle original et nous sommes parvenus à nous implanter dans un nombre incalculable de villes. Le pari est réussi de ce point de vue même si beaucoup de choses peuvent encore être faites. Et forcément, les équipes nous suivent. Rien n’a été laissé au hasard, chaque décision est mûrement réfléchie.

Nous sommes une jeune entreprise, une startup, certains diront - chose que je partage au demeurant - et, de fait, l’innovation nous irrigue au quotidien

Michiel Muller : L’automatisation est un changement important, certes, mais cela ne nous a pas réclamé grand-chose en matière de conduite du changement. Nos équipes sont représentées par de jeunes personnes qui sont largement habituées et pénétrées par les nouvelles technologies. Cela leur parle. Nous sommes une jeune entreprise, une startup, certains diront - chose que je partage au demeurant - et, de fait, l’innovation nous irrigue au quotidien. Elle est une brique essentielle de notre réussite et l’automatisation en est un élément.

Grégoire Borgoltz : Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que ce projet d’automatisation à Utrecht nous a fait passer dans une autre dimension, sur tous les plans et notamment du point de vue des RH. C’est sur ce site que nous employons le plus de personnes. Lorsque son arrivée est bien pensée et préparée, l’automatisation sert plus qu’elle ne dessert. Elle n’a pas été une source de menace pour les emplois, bien au contraire.

Le fait d’être établi dans une grande ville vous aide sans doute à attirer du personnel …

Michiel Muller : Assurément. Les personnes que nous recrutons n’habitent, le plus souvent, pas très loin du site. Utrecht est une grande ville, l’une des plus importantes du pays et elle est située non loin d’Amsterdam. Cela nous aide, évidemment. De plus, le lieu de travail est un lieu de sociabilisation. Les personnes peuvent s’y faire des amis et nouer des liens.

Par ailleurs, nous tentons de satisfaire tous nos employés sur site en leur garantissant un emploi du temps qui empiète le moins possible sur leur vie personnelle. Cette flexibilité et cette souplesse sont appréciées. Ils sont partie intégrante de l’entreprise et nous aident à progresser. Sans eux, certains procédés et nos opérations n’auraient pas autant progressé et nous ne serions pas aussi efficaces.

Grégoire Borgoltz : C’est une chose qui pourrait paraître complètement insensée en France, mais beaucoup de sites et de bureaux aux Pays-Bas ne comptent pas de cantine. Nos sites en disposent, et celui d’Utrecht aussi évidemment. Le fait de nourrir ses employés à midi et le soir n’est pas commun ici. Nous accordons vraiment une importance toute particulière au bien-être de nos employés et c’est aussi ce qui nous aide à attirer.

Michiel Muller : Les métiers de la logistique ne sont pas les plus simples et nous nous donnons les moyens de les rendre moins pénibles.

Grégoire Borgoltz : Autre point important : nous faisons de la promotion interne un levier de rétention du personnel. Et cela fonctionne. L’écrasante majorité de nos chefs d’équipe, aussi bien aux Pays-Bas qu’en France et aussi Allemagne, ont démarré comme livreurs ou préparateurs de commande et ont fini par gravir les échelons.

Quels seront vos prochains postes d’investissements ?

Grégoire Borgoltz : Notre expansion en Allemagne est un sujet prioritaire. Nous ne couvrions il y a encore un an qu’une seule région du pays, la Rhénanie du Nord-Westphalie. Désormais, nous sommes implantés dans de nombreuses grandes villes du pays comme Brême, Hambourg. En l’espace de douze mois, nous nous sommes établis dans quatre nouvelles régions du pays. Nous comptons également ouvrir de nouveaux marchés dans le pays, en particulier à Berlin, Munich et Leipzig.

Michiel Muller : L’Allemagne pourrait clairement devenir à terme notre marché le plus important. La couverture d’un tel pays prend du temps, mais nous y avons déjà fait des avancées notables. L’automatisation est un autre sujet prioritaire pour nous, sur lequel nous avançons. Nous devrions d’ici quelque temps compter quatre centres automatisés.

Quelles sont vos perspectives ?

Michiel Muller : À l’aune de nos résultats et de notre croissance aux Pays-Bas, je pense que nous pouvons être confiants en l’avenir. La même chose pourrait se produire en Allemagne et en France.

Nous allons voir ce que nous réserve les prochaines années, mais, comme je vous le disais, il n’est pas impossible que l’Allemagne devienne notre marché le plus important et ce, dès l’année prochaine. La croissance en France suivra également, j’en suis persuadé. Notre modèle a fait ses preuves. Notre application est simple d’utilisation, nos prix sont compétitifs. Nous finirons donc par convaincre de plus en plus de monde.

Des ouvertures dans d’autres pays sont-elles envisagées ?

Michiel Muller : Non, pas pour le moment. Nous voulons d’abord consolider ce qui doit l’être. Comme aux Pays-Bas, nous devons avant tout atteindre la rentabilité dans les pays au sein desquels nous nous sommes implantés. Nous sommes pleinement concentrés sur nos objectifs en Allemagne et en France.

Grégoire Borgoltz : Nous avons commencé à nous étendre en France, mais in fine, nous ne sommes que dans les Hauts-de-France et nous ne couvrons qu’une partie de l’Île-de-France. Tout reste encore à faire. Il en va de même en Allemagne. Il nous reste encore beaucoup de villes à conquérir. Avant d’avancer pays par pays, nous devons avancer ville par ville, région par région. Le modèle peut être rentable, dans les Hauts-de-France pour commencer, mais aussi dans toutes les autres villes et régions où nous sommes. Le tout étant d’avoir plus de volumes à traiter.