Stratégie supply

Carrefour : « Notre programme de transformation reposait sur la mécanisation de nos activités frais »

Par Mehdi Arhab | Le | Retail

Mourad Bensadik, directeur exécutif supply chain de Carrefour France, revient sur le projet de mécanisation de l’activité « frais » entrepris dans l’entrepôt de Bourges (Centre-Val-de-Loire) et officiellement lancé le 28 mai. Cette installation automatisée, réalisée par Fives, permettra de traiter plus de 8 000 colis par heure. Ce projet de modernisation s’inscrit au demeurant dans un large programme de transformation structurant. Prochaine étape : l’ouverture d’un nouveau centre logistique à Cormelles-le-Royal, dans le Calvados, dont l’activité « frais » sera elle aussi mécanisée. 

Mourad Bensadik, directeur exécutif supply chain de Carrefour France - © D.R.
Mourad Bensadik, directeur exécutif supply chain de Carrefour France - © D.R.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussés, en 2018, à ouvrir un entrepôt à Bourges et à mécaniser l’activité « frais » de cet entrepôt ?

Ce projet s’inscrit dans un programme global de transformation de notre supply chain. Il nous a permis de passer d’une supply chain spécialisée par format (hyper, proximité, Market, franchisé et intégré) à une supply chain plus intégrée, multiformat et multidestinataire. Nous avons, ces dernières années, été amenés à déménager nos installations, prendre de nouvelles positions et moderniser totalement notre parc immobilier logistique. Nous comptions précédemment un site à Bourges, lequel a fermé en 2018. Nous avions alors décidé de l’ouverture d’un nouveau site, dans cette même commune. Ce choix de localiser ce site à proximité de celui qui existait permettait tout simplement à nos collaborateurs de poursuivre leur parcours professionnel au sein de Carrefour.

La polyvalence de nos bases logistiques induit désormais un format capable de desservir tous les magasins et d’absorber un maximum de références

L’ouverture, aujourd’hui, de cette installation mécanisée sur ce site de Bourges est un nouvel ajout à ce programme structurant, qui revêt une très grande importance pour nous, tant notre supply chain est variée. La polyvalence de nos bases logistiques induit désormais un format capable de desservir tous les magasins et d’absorber un maximum de références.

Notre programme de transformation reposait sur la mécanisation de nos activités « frais », le deuxième pilier de ce programme sur l’automatisation de l’ensemble de nos activités e-commerce. Sur ce deuxième point, nous voulions notamment accompagner nos ambitions de croissance en centralisant et en industrialisant notre picking, tout en réduisant le temps de préparation en magasin. Pour ce qui concerne le premier, sept sites ont vu leur activité « frais » être mécanisée. Le site de Bourges est le huitième de cette liste. La prochaine brique de ce plan de mécanisation sur l’activité « frais » sera engagée très prochainement sur notre nouveau site de Cormelles-le-Royal (Calvados), qui sera inauguré en septembre prochain. 

Quelle est la dimension du site et de l’installation ?

Un peu moins d’un tiers de la surface du site, qui s’étale, en tout et pour tout, sur 66 000 m², est dédié au frais. L’installation couvre donc cette portion. Les installations pourront traiter plus de 8 000 colis par heure, ce qui nous permet de faire face convenablement aux pics d’activité structurels que nous connaissons. 

Quelles adaptations cela a-t-il nécessité ?

Il nous fallait calibrer comme il se doit l’ensemble du périmètre d’action. Le site de Bourges doit assurer la livraison de près de 100 magasins, des hypermarchés,ainsi que des Carrefour Market, situés dans 11 départements. Au départ, lorsque nous avons décidé de la mécanisation de cette parcelle du site, nous avions fait le choix de ne traiter qu’une partie de toute notre activité « frais » : celle dédiée aux Market, pour permettre de sécuriser notre co-activité. 

L’activité « frais » des hypermarchés et supermarchés a d’abord été traitée dans d’autres entrepôts, car notre installation à Bourges a été déployée au fur et à mesure. Notre réseau de 75 entrepôts en France nous a permis de ne pas se précipiter, d’éprouver les premiers modules de mécanisation à Bourges et de les faire monter en puissance de façon contrôlée et raisonnable. Ainsi, nous avons pu faire cohabiter les travaux d’aménagement liés à ce plan de mécanisation et une partie de l’activité. L’implantation, désormais achevée, nous permet maintenant de rapatrier l’ensemble de l’activité « frais » des 100 magasins que le site doit livrer.

En quoi l’activité alimentaire liée au frais s’applique mieux à ce programme de mécanisation que d’autres ?

Si nous avons pris le parti de mécaniser l’activité liée au frais, c’est avant tout parce que c’est une activité de type “flux-tendus” (en mode cross-dock)

Si nous avons pris le parti de mécaniser l’activité liée au frais, c’est avant tout parce que c’est une activité de type “flux-tendus” (en mode cross-dock). Nous ne comptons pas de stock sur le frais et fonctionnons uniquement en flux tendus. Travailler de la sorte nécessite d’être extrêmement réactif et agile. Le tri en haute cadence devient alors une nécessité, puisque les marchandises sont distribuées directement sans passer par une période de stockage. La mécanisation constitue alors la meilleure des réponses. Les activités alimentaires liées au sec nous offrent bien plus de latitude. La marchandise, elle, peut être stockée. 

Pourquoi avez-vous jeté votre dévolu sur Fives ? 

Ce qui nous a séduit dans l’offre de Fives, ce sont les capacités d’accélération et de tri des installations ; les moyens mis dans le projet et l’équipe dévolue pour ledit projet ; et, enfin, le rapport qualité-prix

Nous avons décidé de mener un appel d’offres pour les sites de Bourges et de Cormelles-le-Royal. Ce qui nous a séduit dans l’offre de Fives, ce sont les capacités d’accélération et de tri des installations ; les moyens mis dans le projet et l’équipe dévolue pour ledit projet ; et, enfin, le rapport qualité-prix.

Est-ce que le fait que Fives soit un acteur français a joué un rôle dans votre choix ?

La première chose que nous regardons, c’est la valeur ajoutée apportée aux clients finaux. Je vous ai cité trois critères de premier choix, mais le fait que ce soit un acteur français joue aussi. Le fait que l’installation consomme en effet un niveau d’énergie qui est largement conforme à nos exigences a également joué en la faveur de Fives.

Qu’attendez-vous de ce projet de mécanisation Bourges ?

Nous ne sommes évidemment qu’au début de l’histoire. Nous avons tenu le timing, nous sommes rentrés dans le budget et le go live est extrêmement bien maîtrisé pour un projet de ce type. De fait, tous les voyants sont au vert. Nous avons coché toutes les cases que nous voulions cocher. Le projet laisse place désormais à une installation qui devrait atteindre très vite sa vitesse de croisière.

Quels KPI de réussite avez-vous retenu ?

Le premier réside dans l’augmentation de la qualité et de la fiabilité de tri, car le niveau de disponibilité linéaire en magasin dépend de la qualité de tri en amont. C’est ce qui nous fera dire si ce projet est une totale réussite. Les premiers résultats sont encourageants et nous laissent penser que nous avons fait le bon choix.

Le second, rendu possible par la mécanisation, réside dans l’amélioration de la productivité via la rapidité du tri.

L’installation d’un environnement de travail ergonomique est à mon sens un élément extrêmement important quand on connaît les difficultés à recruter dans notre secteur ; et singulièrement dans nos bassins d’emploi

Enfin, le troisième critère de réussite est la forte amélioration de nos conditions de travail. Les métiers effectués sur site logistiques sont d’ordinaire assez difficiles, il était donc important de prendre en considération cette dimension. C’est assurément un levier d’attractivité et de fidélisation. L’installation d’un environnement de travail ergonomique est à mon sens un élément extrêmement important quand on connaît les difficultés à recruter dans notre secteur ; et singulièrement dans nos bassins d’emploi.

Justement, comment se matérialise votre accompagnement d’un point de vue RH ?

Nous avons co-construit ce projet avec toutes les parties prenantes en interne et en externe. Nous avons mené beaucoup de tables rondes et pensé les dispositifs ergonomiques tous ensemble. La dimension RH a été prise en compte dès la conception des postes de travail (réception, injection, mise en palette …). Toutes les dimensions du projet et les potentielles difficultés physiques ont d’ailleurs été adressées une à une et l’environnement de travail est un sujet qui nous a animé tout du long.

Nous avons au demeurant formé les collaborateurs en conséquence et nous avons développé leur polyvalence. Cela a nécessité un plan de formation de plusieurs mois et a permis aux équipes de s’approprier le projet, se familiariser aux changements qu’il a généré. Cet accompagnement ne s’arrête pas là, il va se poursuivre dans le temps afin que nos collaborateurs soient systématiquement dans une bonne dynamique d’apprentissage et de développement. Nous allons entretenir des points réguliers pendant plusieurs mois, voire plus d’une année, afin de recueillir le ressenti de chacun, collecter les retours d’expérience. Cela devrait nous permettre d’identifier de nouveaux axes d’amélioration qui feront grandir notre site de Bourges, nos autres installations et préparera le terrain pour notre futur site à Cormelles-le-Royal. Nous voulons capitaliser sur cette expérience et faire de la plateforme de Bourges une référence.

Quels sont les prochains postes d’investissement sur lesquels Carrefour compte se concentrer pour améliorer encore sa logistique ?

Nous voulons tout d’abord parvenir à renforcer significativement la disponibilité des produits en magasin. C’est pour nous la mère des batailles et l’essence même de notre métier

Outre l’ouverture de notre site à Cormelles-le-Royal, nous comptons adresser dans les prochains mois plusieurs grandes priorités. Nous voulons tout d’abord parvenir à renforcer significativement la disponibilité des produits en magasin. C’est pour nous la mère des batailles et l’essence même de notre métier. 

Il nous faut également trouver des moyens de rationaliser nos stocks et de travailler plus souvent avec des « justes » stocks, tant pour des considérations de valeur de stock, de RSE que de besoins de surfaces. Enfin, entre tous ces chantiers, un autre point majeur ne devra pas être oublié : le volet inclusion. La dimension humaine de la supply chain est primordiale. Elle l’est encore plus dans des projets de transformation comme le nôtre. La supply chain n’est pas un acteur indépendant du reste du groupe, elle s’intègre dans un environnement d’entreprise global, qui nous guide. Nous devons offrir à chaque jeune en quête d’un métier au sein de la supply chain, à chaque personne en situation de handicap qui le souhaite, l’opportunité de de faire carrière au sein des métiers de la logistique.