JJA : « Nous vendons aux clients de nos marques une prestation complète qui inclut la logistique »
Par Guillaume Trecan | Le | Retail
Nicolas Souraqui est directeur des Opérations du spécialiste de la décoration de la maison JJA et d’Eeasy Logistique la filiale du groupe qui réalise près de 1,2 Md d’€ de chiffre d’affaires. Il décrit la raison d’être de cette entité logistique dédiée à 100 % aux marques du groupe et à ses clients, qui expédie plus de 20 millions de colis par an.
Qu’est-ce qui a incité le groupe JJA à filialiser le pilotage de sa supply chain dans la société Easy Logistique ?
Au fil des années, JJA a évolué d’un rôle de grossiste importateur à celui de créateur de marques, en se distinguant sur le marché grâce à une double promesse client : des produits différenciants et un très fort niveau de disponibilité de l’offre. Dès l’origine, nous avons donc considéré le stock comme un asset, plus que comme un poids financier, à charge pour nous de le gérer intelligemment et de le rendre disponible. C’est pour cela que le groupe a décidé de développer sa propre filiale logistique au début des années 2000. Les événements se sont aussi chargés de nous faire comprendre à quel point le maillon de la logistique est clé en termes de maîtrise des coûts et des opérations. La filiale Easy Logistique travaille à 100 % pour JJA. Nous ne sommes pas prestataires logistiques mais nous vendons aux clients de nos marques une prestation complète qui inclut la logistique.
Quelles sont les autres composantes du groupe JJA pour lesquelles vous travaillez ?
Le groupe JJA, représente près de 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires. La principale branche, JJA, distribue ses marques (Atmosphera, Hespéride, 5five, Secret de Gourmet…) à des acteurs du retail. Le groupe réunit également d’autres entités rachetées ces dernières années - telles que Luance et Tendance, ou encore STOF - dont les modèles sont assez proches : commerce B to B, création de produits, logistique intégrée… Le Groupe JJA détient aussi un réseau de 50 magasins de décoration, hôma, situés au Portugal et en Espagne.
Nous expédions un peu plus de vingt millions de colis par an et gérons la logistique de près de 200 millions de produits
Quels moyens mettez-vous au service de la logistique ?
Nous expédions un peu plus de vingt millions de colis par an et gérons la logistique de près de 200 millions de produits, avec 27 000 containers de quarante pieds importés. Au niveau de la logistique nous avons deux métiers : le premier, tourné vers la vente en colis, en palette, ou en camion, destinée à des acteurs BtoB et le second, vers la vente unitaire en BtoC. Pour être capable d’expédier des produits à l’unité, nous avons un entrepôt dédié et nous nous sommes fortement digitalisés. Nous nous appuyons sur quatre plateformes d’environ 100 000 m² et une plateforme dédiée au digital de 50 000 m2. Trois de ces entrepôts sont proches d’Amiens, à Flixecourt, Croixrault et Argœuves. Le quatrième est à Sandouville, sur la plateforme portuaire du Havre. Chaque plateforme est dédiée à un univers de marque.
Quel est le périmètre de responsabilité de la direction des Opérations ?
La direction des Opérations comprend les équipes approvisionnement, pilotage des flux, transport et logistique. La fonction supply chain est découpée en plusieurs entités. La première, le pôle prévision planification, a un rôle crucial car nous avons une grande diversité de clients et des leadtime d’environ cinq à six mois entre la production et le transit. Cela représente 750 personnes dont 600 dédiées à la logistique. Elle est aussi composée de la Qualité (conformité réglementaire, conception produit, maîtrise de la production et qualité fournisseur), de la RSE, des Achats et de la Supply Chain.
Nous devons être capables de livrer des magasins et des entrepôts, des clients indépendants et de grandes centrales
Quelle est la particularité de votre logistique intégrée ?
Nous avons beau avoir une logistique interne, elle est comparable à celle d’un logisticien classique de par la diversité des interlocuteurs potentiels. Nous devons être capables de livrer des magasins et des entrepôts, des clients indépendants et de grandes centrales. La diversité des tailles de colis que nous expédions est aussi très large. Le propre de notre logistique est d’être très souple et très agile pour s’adapter à toutes les demandes de nos clients tout en étant capable de livrer sous 48 heures.
Quels sont les KPI de performance qu’Easy Logistique transmet au groupe ?
Easy Logistique doit apporter de la productivité, de l’efficience et de la réactivité, tout cela au bénéfice des clients. Nous monitorons donc principalement deux choses : notre capacité à produire dans les délais et notre efficacité sur en termes de coût. Pour gagner en efficacité, nous avons décidé de nous appuyer sur la mécanisation et la digitalisation, afin de faire en sorte que le geste de nos opérateurs soit à la fois moins contraignant et plus efficace.
Nous devons aussi gagner en flexibilité pour accompagner la croissance du groupe. Si JJA développe ses activités en Europe, nous devrons conserver notre capacité à porter du stock et à le distribuer rapidement. Avant d’ouvrir d’autres entrepôts en Europe, nous commençons par travailler sur une gestion intersite de nos stocks, afin de pouvoir pré-avancer des marchandises d’un site à l’autre. Même si nos entrepôts sont organisés par univers de marque, nous opérons des mouvements entre entrepôts pour maintenir tout le temps le bon niveau stock au bon endroit.
Nous manageons nos process et nos décisions en nous appuyant sur de la data et des outils digitaux dont beaucoup ont été développés en interne
Comment gérez-vous cette complexité ?
Nous manageons nos process et nos décisions en nous appuyant sur de la data et des outils digitaux dont beaucoup ont été développés en interne, du moins en ce qui concerne la conception fonctionnelle. Nous avons un APS, des outils de gestion de commande, un portail partenaires auquel accèdent quotidiennement nos fournisseurs mais également nos transitaires. Parmi nos chantiers récents ou en cours, nous avons dernièrement amélioré nos modules de gestion des flux entrants, nous avons développé un outil de planification des livraisons par containers, ainsi que des outils d’optimisation de nos plans de palettisation et de nos process de réceptions par des outils digitaux . Nous travaillons aussi actuellement à un outil d’ordonnancement des ordres de préparation pour rendre plus optimales les vagues de préparation en logistique tout en donnant une plus grande visibilité à nos clients et département commerciale sur la réalisation des commandes et probable dates de livraison.
La conjoncture actuelle ne complique-t-elle pas l’exercice de la planification et de la prévision ?
Fort de nos process et outils digitaux, nos équipes travaillent à agréger l’ensemble des prévisions de notre carnet de commandes et de l’exprimer chaque mois en quantité et en valorisation. Nous exploitons cette data pour projeter, sur un horizon de 18 mois, nos ventes, les achats, les stocks par entrepôt, par univers de marque.
Nous accordons beaucoup d’attention à cet exercice de prévision sur lequel nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables de l’offre au sein des marques, avec le commerce, voire nos clients. Nous cherchons à trouver pour chacun de nos articles la stratégie adéquate en matière de potentiel de ventes, de niveau de stock et de cadencement des approvisionnements. C’est un process que nous avons quasi automatisé en définissant une cinquantaine de combinaisons. Cette data est accessible de tous. Nous l’avons mise au cœur des opérations et elle est infusée à tous les niveaux, depuis les fonctions de planeur en lien avec les responsables de l’offre qui effectuent des analyses de chiffres quasi hebdomadaires jusqu’au codir qui vient également piocher dans cette data.
Le degré de fiabilité des prévisions de vente ne me semble pas plus faible aujourd’hui qu’avant. Ce qui a vraiment changé c’est le travail avec le grand import. Depuis quatre ou cinq ans, nous devons composer avec beaucoup d’aléas de capacité et de délais. Mais tous les outils digitaux que nous avons mis en place, toutes ces connexions en temps réel que nous avons développées avec nos fournisseurs, nos transitaires, nos entrepôts, ou encore nos clients, tout cela nous aide à accélérer les opérations.
L’Asie représente 95 % de nos imports et nous constatons au fil des années, que cela reste - et la Chine en particulier - le bassin industriel le plus compétitif, le plus qualitatif, le plus efficient
Les difficultés liées au grand import nourrissent-elles une réflexion sur une relocalisation de vos fournisseurs ?
Notre sourcing est constamment ouvert, notamment vers des pays d’Europe du Sud, de l’Est, du Maghreb. Mais l’Asie représente 95 % de nos imports et nous constatons au fil des années, que cela reste - et la Chine en particulier - le bassin industriel le plus compétitif, le plus qualitatif, le plus efficient, malgré les aléas, notamment liés au transport que nous avons appris à gérer.
Quelle est votre feuille de route en matière de RSE ?
Nous avons accéléré sur ce sujet en recrutant, en 2020, une directrice RSE intégrée dans les Opérations. Nous avons travaillé ensemble pour mettre en place une stratégie RSE complète, baptisée The Good Living Project, au-delà du seul angle de la décarbonation. Nous avons notamment étudié et évalué l’impact social et environnemental de nos produits depuis leur création jusqu’à leur acheminement et leur vente, en intégrant six critères. Et nous avons développé une appli permettant de mesurer ces impacts de chacun de nos produits.
Nous avons par ailleurs rejoint l’association amfori en 2014. Cette association, qui regroupe 2 400 importateurs, nous aide à nous assurer que nos fournisseurs respectent 13 critères de base dans les conditions de fabrication. Notre parc de fournisseurs a presque été intégralement audité par cet organisme externe.