Imerys : « C’est à travers notre rôle de tour de contrôle que nous détenons une influence »
Par Mehdi Arhab | Le | Industrie
Mercedes Ortiz Garcia a été nommée en mars dernier par Imerys VP Supply Chain et officie sur l’une des quatre branches du groupe, « Réfractaires, Abrasifs & Construction ». Au cœur de sa vision stratégique et de ses priorités : le service client et le working capital, sur lequel la Supply Chain a son mot à dire.
Vous venez tout juste d’entrer en fonction. Sur quel périmètre opérez-vous ?
Imerys est un leader mondial reconnu dans la production et la transformation des minéraux industriels. Le groupe emploie plus de 14 000 salariés et son chiffre d’affaires sur le dernier exercice fiscal s’élève à 4,3 milliards d’euros. Imerys a, ces dernières années, été animé par divers mouvements et des fusions-acquisitions. Le groupe a vu son périmètre d’action évoluer et est aujourd’hui structuré autour de quatre grandes branches d’activité. L’une d’entre elles est baptisée « Minéraux de Performance », pensée dans une logique régionale, avec une implantation en Amérique, une autre sur la géographie Emea et la dernière, en Asie-Pacifique. La branche sur laquelle j’officie est appelée « Réfractaires, Abrasifs & Construction ». Nos clients sont, pour l’essentiel, des industriels de l’automobile, de la sidérurgie et de la construction.
Réfractaires, Abrasifs & Construction est constitué d’une quarantaine de sites industriels répartis sur l’ensemble du globe, notamment en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, au Brésil, aux États-Unis et en Europe. La branche pèse pour 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires et compte 4 000 collaborateurs. La direction supply chain en compte 250. Nous couvrons toute la partie S&OP, la partie exécution, aussi bien sur la gestion des flux amonts que des flux avals, ainsi que la partie service client - processus de prises de commande et suivi des livraisons.
À quels grands enjeux stratégiques d’Imerys devez-vous répondre ?
L’approche customer centric du groupe est très prégnante. Depuis mon arrivée, je la ressens fortement. L’orientation client d’Imerys est importante et imprègne les processus de l’entreprise. Le client final et la vente guident toutes nos démarches et initiatives. Le rôle que joue la Supply Chain est donc fondamental, car nous sommes en lien direct avec nos clients. Pour la petite histoire, le service client a été le théâtre d’une réorganisation globale dans le cadre de la transformation du groupe opérée en 2018 et 2019. Un choix logique, qui n’a pas été sans conséquence pour la Supply Chain, compte tenu du nombre important de divisions à l’époque ; Imerys ayant mené avant cela plusieurs opérations de croissance externe. Certaines divisions se marchaient en effet dessus. Partant de ce constat, la direction a décidé de mieux segmenter le tout pour éviter que les clients du groupe soient sollicités par les commerciaux des différentes divisions ; d’où la déclinaison des activités du groupe en quatre branches que j’évoquais.
Nous devons optimiser tout le panel de services supply chain que nous mettons à leur disposition afin d’accélérer les flux vis-à-vis d’eux
De fait, l’un de nos deux enjeux principaux réside dans la poursuite de l’harmonisation du service client pour offrir ce qu’il y a de mieux à nos clients en la matière. Nous devons optimiser tout le panel de services supply chain que nous mettons à leur disposition afin d’accélérer les flux vis-à-vis d’eux, avec un gros chantier autour de la traçabilité. Nous pouvons donner encore davantage d’informations sur le suivi de la marchandise à nos clients. Sur nos flux maritimes pour la livraison finale par exemple, qui sont nombreux, nous travaillons actuellement pour leur offrir une visibilité plus poussée. Le tout étant de s’inscrire dans une démarche proactive à l’égard de nos clients. L’autre gros enjeu est lié à la notion de fonds de roulement, dans laquelle la Supply Chain a son mot à dire, avec un focus particulier sur la gestion des stocks.
Vous avez évoqué vos flux maritimes. Comment se répartit votre mix modal ?
Nous n’avons pratiquement aucun flux aérien et ce parce que la valeur des produits ne les justifie pas. Nous avons tout de même une segmentation de produits assez différente, certains coûtant seulement 150 euros la tonne, quand d’autres en coûtent 3 000 ou 4 000 euros la tonne. Au demeurant, du fait que la relation client d’Imerys est exclusivement BtoB et qu’elle ne s’inscrit pas vraiment dans une logique de leadtime, rien ne nous force à recourir à des flux aériens.
Nous comptons en revanche beaucoup de flux maritimes et routiers. En fonction des sites et de leur organisation, les flux routiers peuvent représenter 80 % et les flux maritimes 20 %. Certains d’entre eux n’ont tout de même que des flux maritimes. Dans certaines régions, notamment aux États-Unis, nous avons recours au ferroviaire. Et nous menons actuellement une réflexion pour créer de nouvelles lignes de transport de ce type en Europe.
Imerys est reconnu pour ses ambitions en matière de décarbonation. Pouvez-vous nous décrire votre plan d’action en la matière et nous dire si la réflexion dont vous nous faites sur le ferroviaire part s’inscrit dans cette logique ?
Totalement. Miser sur le flux ferroviaire au regard de nos objectifs fait tout à fait sens. Imerys déploie de nombreux moyens pour satisfaire notre trajectoire de décarbonation. Notre programme, SustainAgility, intègre de nombreux axes de travail, dont le scope 3, avec un objectif de réduction de 42 % d’émissions de CO2 à horizon 2030. Le transport est évidemment une source importante d’émissions GES. Il y a de cela quelques jours d’ailleurs, je m’entretenais avec Felipe Sabbadini, directeur des achats groupe, pour échanger sur divers sujets dont ceux liés à nos ambitions environnementales. Achats et Supply Chain travaillent main dans la main sur ces sujets et toutes les directions métiers sont impliquées. Le département achats a des exigences très fortes dans le choix de nos fournisseurs et notamment de nos fournisseurs sur la partie transport.
Plus de la moitié de notre portefeuille de produits compris dans notre chiffre d’affaires est évalué sur la base de critère de durabilité
Imerys a établi une feuille de route pour le moins stricte. Nous agissons en entreprise responsable, en témoigne notre notation EcoVadis en 2022 - 69/100. Près de 75 % des nouveaux produits développés par Imerys sont évalués comme des solutions de notre label et programme SustainAgility et plus de la moitié de notre portefeuille de produits compris dans notre chiffre d’affaires est évalué sur la base de critères de durabilité. Côté Supply, nous devons nous attarder sur l’investigation de notre schéma directeur et veiller, en termes de network planning and design, à ce que notre réseau d’exploitation soit le moins consommateur de kilomètres et, donc, de CO2. Cela passera potentiellement par la massification des flux.
La mutualisation avec d’autres chargeurs est-elle une piste de réflexion privilégiée ?
Ce n’est, pour être honnête, pas à l’ordre du jour. En revanche, la mutualisation du transport entre les différentes branches d’Imerys est un projet qui pourrait prochainement voir le jour.
Dans quelle mesure êtes-vous associée aux décisions structurantes de votre schéma industriel ?
La Supply Chain est une fonction récente chez Imerys, qui a pris du poids à la suite du plan de transformation du groupe.
Je ne suis en poste que depuis un mois et la Supply Chain est une fonction récente chez Imerys, qui a pris du poids à la suite du plan de transformation du groupe. Cela à tel point que la direction que je pilote est hiérarchiquement rattachée à Philippe Bourg, Vice Président Senior de la branche Réfractaires, Abrasifs & Construction et membre du comité exécutif du groupe Imerys. C’est à travers notre rôle de tour de contrôle, fondamentalement joué par le S&OP, que nous détenons une influence. Si nous ne sommes évidemment pas les décideurs finaux, nous apportons à la direction générale les différents scénarios qualifiés et valorisés pour l’aider dans sa prise de décision. Ceci est possible grâce à une forte collaboration avec mes pairs notamment aux Achats et à la direction industrielle. Nous sommes à mes yeux réellement considérés dans notre business area et cela se ressent dans les attentes qui sont placées en nous, aussi bien en matière de service client que sur notre importance sur la bonne santé du fonds de roulement du groupe.
Avez-vous des enjeux en matière de digitalisation et de la collecte de la donnée ?
Nous avons des marges d’amélioration pour augmenter notre performance. Le projet de traçabilité que je souhaite mettre en œuvre va d’ailleurs dans ce sens, avec des processus davantage digitalisés. Le data management, qui m’est rattaché, est aussi un vrai sujet, particulièrement complexe en conséquence des différentes acquisitions réalisées par le groupe ces dernières années. Nous ne pouvons que constater l’hétérogénéité au niveau des systèmes d’information. Dès lors, l’origine de la data est, elle aussi, diverse et cela nous demande beaucoup d’efforts pour la nettoyer et la valoriser. Nous avons donc commencé à déployer au niveau du groupe un programme de migration vers SAP qui avance bien, sans se précipiter.
Imerys est un groupe qui ne fait pas grand bruit malgré sa dimension. Quel est votre rapport d’étonnement ?
Il est très positif. Encore une fois, la proximité avec le client est quelque chose de marquant et plaisant. Imerys est rempli de collaborateurs passionnés et sachants. L’esprit d’équipe est très présent et le plaisir d’agir ensemble est vu comme un vrai levier de performance. La nature discrète d’Imerys est à mon sens liée à l’activité B2B mais pour autant le groupe est de plus en plus visible via les annonces liées au lithium notamment. Et par ailleurs, il n’en est pas moins essentiel et ses produits se trouvent dans beaucoup de choses que nous utilisons au quotidien, dans nos voitures, dans nos lunettes, dans notre mobilier … Nous sommes partout d’une certaine manière.