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RISC : Pourquoi la supply chain de demain sera stratégique, circulaire et innovante

Par Guillaume Trecan | Le | Consultant

En réactivant ses Rencontres internationales de la supply chain (RISC), le jeudi 5 décembre à Paris, France Supply Chain a dressé le portrait de la supply chain du futur avec un panel d’acteurs de premier plan. Témoignages de Philippe Dessertine, Schneider Electric, Carbios, Citwell, Sogestran, VNF et Guerlain.

L’économiste Philippe Dessertine promet un bel avenir à la supply chain. - © Nathalie Vergès
L’économiste Philippe Dessertine promet un bel avenir à la supply chain. - © Nathalie Vergès

Un économiste prophétique, des directeurs et directrices supply chain porteurs d’une vision stratégique et des logisticiens prêts à relever les défis les plus fous, c’est avec tout cela que l’association France Supply Chain a conçu le portrait enthousiasmant d’une fonction actrice de son destin dans un monde en plein bouleversement, lors des Rencontres internationales de la supply chain (RISC) organisées à Paris le jeudi 5 décembre.

Plus on sera dans l’ère de l’horizontalité, plus la question de la supply chain va se poser

Au chapitre inspiration, c’est Philippe Dessertine, universitaire, président du Comité 21, un des rares économistes ayant prédit la crise des subprimes dès 2007, et accessoirement brillant orateur, qui s’est prêté à l’exercice. Ce visionnaire pronostique la « fin de l’ère de la verticalité », soit la fin de l’ère des géants industriels monolithiques et le triomphe de nouveaux acteurs - au succès parfois prêts à remettre en jeu leurs gains pour se transformer. Dans cette nouvelle ère, il promet bien sûr un rôle clé à la supply chain. « On sort de l’ère de la verticalité pour entrer dans l’ère de l’horizontalité et plus on sera dans l’horizontalité, plus la question de la supply chain va se poser. La question fondamentale ce sera : comment relier les structures ensemble. Des structures qui vont devoir être agiles », explique Philippe Dessertine.

Monitorer la valeur RSE

Constatant l’essoufflement de l’innovation technologique de l’ère industrielle, Philippe Dessertine invite les entrepreneurs désireux de mobiliser des fonds à « trouver une autre valeur que : chiffre d’affaires, bénéfices, dividende. » « C’est là que va résider la possibilité d’investir », estime l’économiste, qui considère, à ce titre, que le signal envoyé par la CSRD va dans le bon sens. A charge pour les directions supply chain de maîtriser la data qui permettra aux investisseurs de se déterminer.

Pilote de premier plan dans cette économie horizontale (mais pas pour autant linéaire) où le maillage des différents réseaux revêtira une importance considérable, la Supply Chain va notamment devoir consolider les réseaux qui donnera corps à l’économie circulaire.

Nous ne sommes plus dans un système d’incitations. Nous sommes passés dans une deuxième vitesse qui est celle de la sanction

Pour Anne James, Leader économie circulaire de Schneider Electric pour la France, développer ces réseaux n’est plus une option, mais une nécessité. Le groupe anticipe en effet la hausse constante des matières premières et un risque business évident : « Ne plus être référencé dans les appels d’offres, ne plus être consulté dans les projets, parce que vous n’avez plus les critères qui seront demain exigés », assène Anne James, qui poursuit : « nous ne sommes plus dans un système d’incitations. Nous sommes passés dans une deuxième vitesse qui est celle de la sanction. »

Une équation économique qui va s’améliorer

L’experte en économie circulaire ne masque pas le surcoût de la démarche puisque Schneider Electric l’assume, mais se veut rassurante. « La massification permettra demain d’améliorer l’équation économique. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de questions à se poser, il faut y aller », lance-t-elle, encourageante.

La supply Chain circulaire va créer de nouveaux réseaux d’entreprises, de nouveaux métiers

Pour le directeur général du spécialiste du recyclage des plastiques, Carbios, Emmanuel Ladent, l’économie circulaire n’est pas seulement un risque mais une opportunité de réindustrialiser la France et l’Europe. « La supply Chain circulaire va créer de nouveaux réseaux d’entreprises, de nouveaux métiers », promet-il. « L’industrie textile est en train de renaître de ses cendres aujourd’hui en Europe grâce à la supply Chain circulaire », illustre Emmanuel Ladent.

Anaïs Leblanc, executive partner Citwell et pilote du rapport de France Supply Chain sur l’économie circulaire insiste quant à elle sur l’importance de créer ces réseaux sur des bases équitables. « Le partage de la valeur est absolument nécessaire pour pouvoir avoir une économie circulaire pérenne et adaptable dans le temps », explique-t-elle.

Acteur du défi de la reconstruction de Notre Dame

Sans attendre ces développements, aujourd’hui encore hypothétiques, la supply chain offre d’ores et déjà des illustrations concrètes de sa capacité à relever des défis, notamment en participant à la résurrection de Notre Dame de Paris. Ainsi, comme au temps des bâtisseurs de cathédrale, un partenariat entre l’armateur havrais Sogestran et VNF (Voies navigables de France) a permis d’approvisionner le chantier en combinant RSE et efficacité.

L’acheminement par voie fluviale des 1 500 tables de plomb de la toiture de Notre Dame fabriquées par l’atelier de Gennevilliers du groupe Balas ne s’est pas fait sans surcoût, notamment du fait des deux ruptures de charge supplémentaires imposées par cette méthode sur une courte distance. Mais le transport fluvial a généré de la valeur supplémentaire à prendre en compte sur la baisse de l’accidentologie et du désengorgement des routes.

Une valeur fondée, aussi, sur des soft skills

Le fait est que la fonction supply chain va devoir élargir sa proposition de valeur à l’avenir. Raphaëlle Desindes, directrice supply chain internationale de Guerlain est bien de cet avis et en a d’ores et déjà tiré les conséquences dans sa gestion des compétences. « Je ne vois plus, aujourd’hui, la Supply Chain comme un métier de hard skills », explique-t-elle, avant de préciser ses attentes : « des personnes analytiques dotées de soft skills et d’un bon relationnel. L’enjeu est de développer les personnes présentes dans nos équipes pour avoir toutes ces capacités », précise-t-elle.

Nous sommes au cœur de la stratégie d’entreprise en pilotant les processus S&OP notamment

Pour ce faire, et parce qu’elle a notamment besoin de collaborateurs à l’aise avec le maniement de la data, elle a mis en place un parcours de formations ludiques, avec des grades calqués sur le modèle des médailles d’école de ski. Dans le cadre de ce parcours, les plus gradés participent à la montée en compétences des autres. Preuve de la pertinence du dispositif, la sensibilité de la direction supply chain de Guerlain sur ces sujets a permis d’attirer en stage des étudiants de Central Supelec, dont certains ont été recrutés.

Au-delà de la question de la data, c’est le partage d’une vision stratégique du rôle de la supply chain qui s’avère le meilleur outil de rétention et d’attraction des talents. « Nous sommes au cœur de la stratégie d’entreprise en pilotant les processus S&OP notamment », assure Raphaëlle Desindes qui a à cœur de partager avec ses équipes cette vision d’une supply chain capables d’embrasser en même temps des sujets opérationnels, business et marketing.