Stratégie supply

La base mixte d’Angoulême, nouvelle arme du Groupement Les Mousquetaires

Par Mehdi Arhab | Le | Retail

Elle est le symbole d’une réussite quasi-totale. La nouvelle plateforme logistique d’Angoulême du Groupement Les Mousquetaires inaugurée en septembre 2024 est à elle seule le reflet de toutes les ambitions du distributeur et de son savoir-faire logistique. Moderne, elle embarque des éléments de mécanisation et de robotisation très pointus. Sa surface de plus de 70 000 m² et son dimensionnement en fait un mastodonte. Reportage :

La base mixte d’Angoulême, nouvelle arme du Groupement Les Mousquetaires
La base mixte d’Angoulême, nouvelle arme du Groupement Les Mousquetaires

C’est un travail entamé en 2012 qui prend fin tout doucement. C’est le presque aboutissement d’un plan de transformation logistique (PTL) absolument colossal évalué à 1,7 milliard d’euros. Le Groupement Les Mousquetaires a inauguré le 20 septembre dernier l’un de ses derniers joyaux : une base logistique mixte flambant neuve, située non loin d’Angoulême. Une plateforme moderne et le parfait symbole d’un projet ultra ambitieux poussé et entamé par Éric Le Mignon et parachevé par Pierre-Yves Escarpit, devenu directeur général d’ITM LAI (pour logistique alimentaire Intermarché), ses équipes et bon nombre d’adhérents. La base d’Angoulême, située plus exactement à Roullet-Saint-Estèphe (16), est la quatorzième base mixte développée en une dizaine d’années par le Groupement Les Mousquetaires dans le cadre du plan de transformation logistique qu’il a déployé et qui touchera à sa fin au cours de l’année 2025, avec l’extension de la base d’Heudebouville d’une surface de 19 000 m².

« C’est un large projet de modernisation complète de notre système logistique, qui a nécessité énormément de ressources et d’investissements. La robotisation et la mécanisation nous permettent de trouver des gains de performance économique importants qui entraînent un autre effet extrêmement positif : la baisse de la pénibilité de nos équipes. Notre outil logistique est désormais très bien calibré et occupe comme il se doit le territoire français », a résumé Pierre-Yves Escarpit.

Le groupement, qui a très tôt fait le choix d’une logistique complètement intégrée pour mieux maîtriser l’amont notamment, a totalement transformé sa façon d’opérer de ce point de vue. Un choix osé, risqué, mais payant. La logistique du groupement se démarque aujourd’hui par son efficacité, son agilité et bien-sûr, derrière, un haut niveau de performance. Le groupement a construit en un peu plus de dix ans un large réseau constitué de 31 bases logistiques, mixtes et spécialisées, lesquelles représentent une surface cumulée de quelque 1,9 million de m². De quoi en faire un acteur de premier plan de la logistique en France ? Sans doute, du moins, c’est ce que revendique le président du groupement, Thierry Cotillard. Ce même réseau assure l’approvisionnement de plus de 2 000 points de vente Intermarché et Netto (et désormais, quelques magasins Casino passés ou qui passeront sous pavillon Intermarché) sur l’ensemble du territoire français. En 2024, ce sont près d’1,1 milliard de colis qui devraient être traités par la logistique alimentaire du groupement.

Un investissement conséquent

L’avantage d’avoir un seul ensemble offre un gain considérable en structure et permet d’améliorer le taux de remplissage de nos camions. La massification au niveau des transports est notable

La base d’Angoulême s’étale sur une vingtaine d’hectares de terrain. La plateforme s’étend quant à elle sur 72 000 m², regroupe 12 cellules et approvisionne plus de 160 points de vente, éparpillés dans sept départements de Nouvelle-Aquitaine (Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Vienne, Haute-Vienne, Deux-Sèvres et Dordogne), de 25 000 références de produits frais, secs et gel. De quoi en faire un véritable mastodonte. Elle est le résultat de l’union entre deux anciennes bases logistiques, dont l’une était déjà située sur cette même commune de Roullet-Saint-Estèphe et l’autre à Gournay-Loizé (79). L’une était dédiée au sec et au liquide et l’autre se consacrait au traitement des produits frais, des fruits et légumes et du gel. « Ces deux bases n’étaient pas multi températures, or la logique du PTL a été pensée à travers le déploiement de bases mixtes qui répondent bien mieux à nos enjeux logistiques. L’avantage d’avoir un seul ensemble offre un gain considérable en structure et permet d’améliorer le taux de remplissage de nos camions. La massification au niveau des transports, comme au niveau des appros, est notable notamment », a commenté Pierre-Yves Escarpit. Opérationnelle depuis mars 2023, la plateforme a connu des débuts pour le moins contrastés.

Mais elle est devenue en l’espace d’un peu plus d’une année une référence et un modèle pour ses sœurs. Elle truste en effet aujourd’hui la deuxième place des bases du groupement en termes de taux de service. Un résultat satisfaisant qui fait honneur aux moyens mis par le Groupement Les Mousquetaires pour la sortir de terre et la développer. Ce ne sont pas moins de 100 millions d’euros qui y ont été consacrés, dont 15 millions d’euros pour la robotisation et 9,4 millions d’euros pour la mécanisation, sans oublier 1,5 million d’euros pour l’installation de panneaux photovoltaïques qui assurent 20 % des besoins énergétiques du site certifié HQE.

Un outil dimensionné pour préparer plus de 60 millions de colis chaque année

En 2024, ce sont près de 56 millions de colis qui devraient être traités par la plateforme, soit en moyenne 4,6 millions colis par mois et 180 000 colis par jour. Des chiffres qui donnent le tournis. Elle pourra, en tout et pour tout, à pleine puissance, assurer la livraison de 65 à 70 millions de colis à l’année. Les opérations de l’entrepôt sont pilotées par le WMS Infolog. Mais dans le cadre d’un vaste projet d’implémentation d’un nouvel outil, le WMS Reflex de Hardis Group sera déployé au cours de l’année 2026 et viendra orchestrer les tâches effectuées au sein de l’entrepôt. « C’est un mouvement décidé au niveau du groupement il y a près de deux ans. C’est un choix commun pris avec nos collègues d’ITM Lemi qui lancent le projet », synthétise le directeur général d’ITM LAI.

La plateforme, qui fonctionne 24h/24 et compte 135 quais de chargement, embarque un système mécanisé de Fives Syleps qui occupe à lui seul 10 000 m² (sur une cellule de 16 000 m²) et traitera selon toute vraisemblance 24 millions de colis sur 2024. Le système dispose de 12 postes manuels pouvant injecter 700 colis par heure en moyenne.

La zone dédiée aux produits frais abrite un système mécanisé sur plus de 10 000 m2. - © JulienTuyeras / ITM LAI
La zone dédiée aux produits frais abrite un système mécanisé sur plus de 10 000 m2. - © JulienTuyeras / ITM LAI

Ce trieur intervient sur l’activité frais pour des raisons évidentes : cette activité de type “flux-tendus” (en mode cross-dock) s’y prête parfaitement. Comme l’explique Pierre-Yves Escarpit, les produits qui arrivent dans la nuit ou dans la matinée doivent être expédiés avant la fin de la journée, et ce afin de gagner au moins une journée sur la date limite sur la consommation du produit et de diminuer le taux de casse. La base ne compte donc pas de stock sur le frais et fonctionne uniquement en flux tendus. Travailler de la sorte réclame évidemment d’être extrêmement réactif et agile. Le tri en haute cadence devient une nécessité, puisque les marchandises doivent donc être distribuées directement sans passer par une période de stockage. Et la mécanisation constitue de fait la meilleure des réponses à cette contrainte organisationnelle. « Le frais n’offre aucune latitude. Chaque produit que l’on réceptionne a été commandé par les points de vente », rappelle le directeur général de ITM LAI.

L’aire la plus importante de la base reste celle dédiée au sec. Elle représente plus de la moitié de la surface totale de la plateforme (39 000 m²). Elle est divisée en cinq cellules et compte un système robotisé imaginé encore par Fives. Il conduit les opérations liées aux produits liquides non alcoolisés (plus de 1 500 références), qui pèsent pour un tiers des volumes des produits secs. Il assure aussi bien le déhoussage et la palettisation des 7 millions colis qui doivent être livrés (et qui l’ont été déjà en grande partie) sur l’année 2024. Le reste des préparations ne sort pas de l’ordinaire. Elles s’appuient pour les près de 17 millions de colis restant sur le total (24 millions donc) sur le vocal pour le prélèvement. Entre 55 et 60 tours de chargement et d’expéditions s’opèrent chaque jour pour livrer en produits frais 133 Intermarché, 23 Netto, deux drives et huit relais Les Mousquetaires.

Si les chiffres qui lui sont attachés sont moins impressionnants, l’activité fruits et légumes est elle aussi très importante au sein de la base. La nouvelle base du groupement traite 19 000 colis par jour en moyenne et devrait traiter a priori, sur l’ensemble de l’année 2024, 5,3 millions de colis. La dernière activité à évoquer, celle des produits gel, occupe près de 8 500 m². Dans cet espace où un froid polaire règne, ce sont 2,7 millions de colis, toujours en prévision, qui devraient être préparés sur la base d’Angoulême, via là aussi préparation vocale.

Une approche RH aux petits oignons

La plateforme d’Angoulême vue du ciel  - © JulienTuyeras / ITM LAI
La plateforme d’Angoulême vue du ciel - © JulienTuyeras / ITM LAI

Les systèmes robotisés et mécanisés ne seraient rien sans une organisation « humaine » à la hauteur des défis et enjeux que concentre la base. Sur les 7 800 salariés en France d’ITM LAI, la base logistique emploie, en CDI, 350 personnes. Le groupement espère en employer 90 de plus d’ici 2025. Pour y parvenir, elle promet un cadre de travail à la pointe. La robotisation et la mécanisation bien entendu, pour éviter à son personnel des efforts trop conséquents, mais aussi des espaces dédiés extrêmement agréables : des vestiaires modernes, un vaste espace de restauration et une terrasse. Les opérateurs qui travaillent sur l’activité « gel », disposent de casiers chauffants et de vêtements dédiés. Tous ont l’autorisation (voire la consigne) de prendre 15 minutes de pause toutes les deux heures pour se reposer et se réchauffer.

Nous avons eu un besoin croissant de conducteurs de ligne et de techniciens de maintenance. Et de fait, nous avons permis à certains collaborateurs d’apprendre ces métiers plus qualifiés, à base industrielle plus que logistique

À tout cela s’ajoutent d’autres efforts d’un point de vue des RH. ITM LAI a œuvré pour proposer au personnel des deux précédents sites des parcours de reconversion digne de ce nom. Face à l’évolution des métiers de la logistique, induite par la modernisation constante des process, la filiale du Groupement Les Mousquetaires a veillé à ce que ses collaborateurs puissent faire face à ces mutations en leur offrant des plans de développement des compétences et des modules de formation. « Le déménagement des bases a nécessairement impliqué un accompagnement des équipes. Les métiers évoluent fortement et sont plus qualifiés. Nous avons eu un besoin croissant de conducteurs de ligne et de techniciens de maintenance. Et de fait, nous avons permis à certains collaborateurs d’apprendre ces métiers plus qualifiés, à base industrielle plus que logistique », a exposé Pierre-Yves Escarpit.

Sans entrepôt, sans transport, sans camion, pas d’approvisionnement. La logistique est, avec les achats, un maillon essentiel dans notre métier de distributeur et c’est pour cela que nous en avons fait un pilier stratégique

Une attention particulière qui montre in fine toute l’importance de la logistique pour le Groupement Les Mousquetaires, qui en fait un véritable pivot de sa réussite. Et c’est Thierry Cotillard qui, lors de son discours inaugural, l’a le mieux expliqué. « Sans entrepôt, sans transport, sans camion, pas d’approvisionnement. La Logistique est, avec les Achats, un maillon essentiel de notre métier de distributeur et c’est pour cela que nous en avons fait un pilier stratégique. Notre base d’Angoulême est le symbole de notre savoir-faire qui fait de nous un des principaux acteurs de la logistique en France ».

Le Groupement a par ailleurs fait le choix notable d’internaliser environ une large partie de son transport. Une stratégie assumée par le distributeur, qui est le seul acteur du secteur à avoir opté aujourd’hui pour cette approche. « Nous sommes propriétaires à 100 % des remorques qui opèrent pour nous, ainsi que de 400 moteurs et près de 700 moteurs tractionnaires. Nous employons 800 chauffeurs qui opèrent un tiers de nos flux. C’est une manière de sécuriser une grande partie de nos appros et de ne pas être trop exposé aux tensions sur le transport », a indiqué Pierre-Yves Escarpit.