Club Supply Chain : comment muscler sa capacité de forecast ?
Par Mehdi Arhab | Le | Industrie
Le troisième Club Supply Chain de l’année a vu près d’une trentaine de directeurs supply chain débattre de la notion de volatilité. Au menu : S&OP, collaboration interne, collaboration externe, data, forecast, organisation centralisée et organisation décentralisée …
Face à une conjoncture somme toute capricieuse, avec une activité en dent de scie depuis trois ans désormais du fait de la crise Covid, des ruptures d’approvisionnements et de la reprise brutale de l’activité, la Supply Chain est contrainte de jouer les équilibristes. La fonction doit muscler ses capacités de planification, d’autant plus dans une logique de fonctionnement de flux tendus, pour maximiser les ventes et minimiser les stocks.
Des expertises et des équipes, qui fonctionnaient très bien dans un schéma habituel, fonctionnent aujourd’hui beaucoup moins bien dans un schéma de gestion de crise
Pour autant, les compétences en matière de planification se sont, semble-t-il, quelque peu relâchées. « Il faut remobiliser ces compétences », assène d’entrée Sandrine Torandell, directrice supply chain Europe du groupe L’Oréal, invitée d’honneur de la soirée. « La volatilité n’est pas nouvelle et est partie intégrante de nos process S&OP. Mais elle s’est accrue ces dernières années avec la succession de crises. Des expertises et des équipes, qui fonctionnaient très bien dans un schéma habituel, fonctionnent aujourd’hui beaucoup moins bien dans un schéma de gestion de crise », remarque-t-elle.
Un besoin de collaboration interne évident…
Afin de piloter la production, planifier et dimensionner les lancements, voire définir le périmètre des promotions, la Supply Chain n’a pas d’autre choix que de se rapprocher d’autres lignes de métier au sein de l’organisation. Le Commerce, le Marketing, la Finance … La question étant plutôt comment faire collaborer le tout pour construire un consensus et mieux contrôler la chaîne, aussi bien en amont qu’en aval. « Ce n’est pas nouveau, mais encore plus crucial qu’avant », introduit Sandrine Torandell. En cela, le S&OP paraît bien évidemment essentiel. Si pour beaucoup il apparaît comme un « basique et un indispensable », dixit un directeur des achats d’un grand groupe du luxe présent pour l’occasion, pour l’un des intervenants, le S&OP n’était en rien une évidence dans son entreprise et a même constitué un changement de paradigme.
Jusqu’il y a deux ans, le concept de S&OP n’existait pas chez nous et nous n’avions pas les mêmes objectifs
« Jusqu’il y a deux ans, le concept de S&OP n’existait pas chez nous et nous n’avions pas les mêmes objectifs. De fait, nous n’avions pas la capacité de répondre correctement aux besoins du marché. Les Opérations ont mis en place un projet de ce type avec la Finance et le Marketing. Le fait de se mettre autour de la table a été un changement important. » Encore faut-il ensuite parler le même langage et donc avoir une data commune sur laquelle s’appuyer. « Il faut réconcilier les informations et les chiffres, dont ceux des ventes basés sur une logique de demand et ceux de la Supply basés sur un angle produit », prévient Sandrine Torandell.
…sans oublier les parties prenantes externes
Alain Prudhomme, DSI de Rhenus Logistics (sponsor de la soirée) répond que fournisseurs et logisticiens ne doivent pas être oubliés dans cette équation. « La livraison est essentielle dans le ressenti client », clame-t-il. Une transition finalement toute trouvée. Se pose dès lors différentes questions sur le partage de la data entre fabricants et distributeurs, les potentiels points de tension et de blocage. Or pour que la chose fonctionne correctement, le niveau de confiance doit être élevé. « Ce n’est pas ingérable, mais ce n’est pas facile », tempère Sandrine Torandell.
La croissance d’une entreprise dépend de sa capacité à embarquer ses fournisseurs, à communiquer avec eux sur les besoins et forecast
Toutefois, beaucoup s’accordent à dire que c’est en collaborant avec un maximum de maillons externes que les entreprises peuvent gagner en efficacité. « Il y a beaucoup de valeur à chercher », explique l’un des invités. « La croissance d’une entreprise dépend de sa capacité à embarquer ses fournisseurs, à communiquer avec eux sur les besoins et forecast », poursuit un autre.
Si certaines entreprises souffrent d’une « data limitée », comme le pointe Gabriel Hajjar, supply chain sales manager d’Oracle (sponsor de la soirée), certaines ont tout intérêt à faire du partage de la data et de leurs forecast une habitude. « Les fournisseurs peuvent ainsi réduire leurs coûts et peuvent en contrepartie s’engager, à la demande de leurs clients, sur des objectifs RSE par exemple », expose-t-il.
Penser la technologie comme un bienfait
Les outils peuvent révolutionner les process, amener de la rupture et une vision nouvelle sur le S&OP
En ce sens, Fayçal Djerrab, CEO de Fentech (sponsor de la soirée) assure que les organisations, la Supply Chain en premier lieu, doivent se laisser porter par la force des outils pour améliorer leur fonctionnement. « Les outils peuvent révolutionner les process, amener de la rupture et une vision nouvelle sur le S&OP. Ils sont à l’égard des équipes des challengers et peuvent pousser à instaurer des process qui vont permettre de tirer le meilleur de toutes les parties prenantes. »
Si pour certains il n’existe pas encore d’outil miracle pour améliorer les prévisions, certains convives s’accordent sur le fait que les outils peuvent aider à fluidifier les process. « Sans IA et data, nous ne progresserons pas », assure le directeur des achats présent. Néanmoins, dans certaines organisations, la résistance au changement est prégnante. « Certains affichent des difficultés d’adaptation, il est difficile d’avancer sur ces sujets, car ils n’ont pas confiance et ne croient pas en les outils et l’IA », regrette l’une des convives. Dans ce contexte, la capacité à expliquer les décisions et à embarquer les collaborateurs est impérative. « C’est un vrai travail RH », complète Sandrine Torandell.
Et l’organisation dans tout cela ?
Reste désormais à savoir comment adapter son pilotage des forecast à l’organisation de son entreprise. Si certains optent pour une approche centralisée, d’autres préfèrent le laisser dans la main du marché. Un autre avoue même que son entreprise s’appuie sur un mix, mêlant forecast par business, par zones géographiques et par canaux de distribution. La culture d’entreprise joue finalement beaucoup sur cette question. « Il est parfois difficile de faire changer les lignes », décrit l’une des convives.