Kubota in Europe : « Notre stratégie supply chain repose sur un carré service, qualité, coût, délai »
Par Mehdi Arhab | Le | Industrie
Dimitri Manoussis, VP supply chain de Kubota in Europe, revient sur ses premiers pas depuis sa prise de poste il y a un an. Il nous décrit également ses grands enjeux, ses projets d’investissement ainsi que ses (nombreuses) ambitions pour positionner la supply chain au bon niveau dans l’entreprise.
Le groupe Kubota en quelques mots :
Arrivé en Europe par la France, Kubota fête ses 50 ans de présence sur le Vieux continent en cette année 2024. Le groupe emploie près de 4 000 personnes en Europe et compte un réseau de plus d’un millier de concessionnaires. Il y a enregistré en 2023 près de deux milliards d’euros de chiffre d’affaires (sur un total de 18,6 milliards d’euros). Le groupe est aujourd’hui l’un des mastodontes du machinisme agricole (tracteurs et machines, équipements compacts), de la fabrication d’engin de génie civil, d’équipements de travaux et de moteurs diesel pour application industrielle.
Comment est agencé le département supply chain des unités tracteurs et moteurs de « Kubota in Europe » ?
Mon périmètre d’intervention s’étend sur cinq sites d’assemblage et plateformes logistique en Europe. Cela couvre les achats, la production, la logistique ainsi que le contrôle qualité. Le tout est représenté par un peu plus de 200 personnes (3PL’s y compris). Je rapporte à Satoshi Suzuki, devenu président des Unités Tracteurs et Pièces du groupe en Europe.
En termes de supply chain, nous gérons chaque année plusieurs milliers de flux amont et aval. Nous livrons à la fois des machines en caisse à assembler chez les dealers, ou nous les assemblons sur nos sites ainsi que de très nombreux accessoires selon le même principe. Cela correspond à plusieurs centaines de milliers de lignes de commande.
Chaque année, nous réceptionnons plusieurs centaines de conteneurs de ces deux contrées
Le département est divisé en deux directions : une direction logistique et une direction production planning & procurement qui pilote la production industrielle, le S&OP, les achats et le master data management. Les sites européens d’assemblage de Kubota, situés en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Pologne, sont approvisionnés en sous-ensembles par plusieurs usines au Japon et aux Etats-Unis et achètent les pièces et services complémentaires en Europe. Chaque année, nous réceptionnons plusieurs centaines de conteneurs de ces deux contrées. Notre portefeuille d’achats comprend également du transport, ainsi que diverses prestations logistiques.
À quoi faites-vous face depuis votre entrée en fonction ?
Le fait d’être rattaché au président de la BU donne une excellente vue d’ensemble et permet d’avoir une lecture complète du fonctionnement de l’entreprise et de ses enjeux stratégiques. Du fait de mon périmètre de responsabilité et de mon rattachement, nous sommes complètement associés aux décisions qui concernent notre schéma industriel. Nous sommes réellement impliqués dans tous les grands projets du groupe en Europe et les choix qui structurent son avenir. Les Achats, la Supply Chain et la Production ont des intérêts communs et il est important qu’ils travaillent main dans la main d’autant plus, qu’à mon arrivée, il nous fallait absolument améliorer la satisfaction client à travers la qualité, les délais et les coûts. Nous avons agi en priorité sur ce point. En parallèle, nous avons décidé de réajuster certains de nos process et nous avons également veillé au niveau des achats, compte tenu de la conjoncture, à répondre aux problématiques capacitaires. Le tout était de revenir aux bases et de faire en sorte que notre stratégie supply chain repose sur un carré service, qualité, coût, délai.
Le challenge est de faire encore mieux avec moins
Nous poursuivons aujourd’hui ce travail d’ajustement de nos process et mettons l’accent sur le niveau de performance essentiel que nous devons apporter à l’entreprise. Nous interrogeons notamment notre plan transport de façon à optimiser le parcours de nos flux et trouver si besoin des alternatives. Cette volonté d’optimisation touche aussi notre système de stockage et nos surfaces de stockages ainsi que les déplacements inutiles sur site que nous voulons réduire au maximum. Les possibilités de customisation sont nombreuses et nous devons en faire une force. Nous tâchons de définir différents plans d’action et de remonter encore notre niveau d’exigence. La période actuelle réclame beaucoup de prudence. Il est important que nous démontrions que nous sommes en mesure de produire et de délivrer de façon régulière et qualitative, au coût visé. Le challenge est de faire encore mieux avec moins.
Comment s’articule votre action ?
Notre réflexion s’inscrit dans un contexte plus large qui consiste à savoir comment nous pouvons accompagner la croissance de notre activité sur les cinq prochaines années. Mais nous ne restons pas inactifs pour autant. Nous sommes toujours à la recherche de gains de productivité sur le terrain, avec des choses simples, tout de suite, avec le levier du lean et la méthode Kaizen notamment. Dès que nous identifions une problématique, nous agissons sans tarder. Et la solution est une réponse que nous apportons collectivement.
La supply chain répond présente, mais elle doit continue à faire son trou
La culture du groupe est très concentrée sur la production, pour autant, l’organisation supply chain s’est fait une place depuis mon arrivée. Elle répond présente, mais elle doit continuer de faire son trou. Elle commence à être reconnue car nos premiers résultats sont encourageants. Nous ne cessons jamais de communiquer avec les autres fonctions, notamment le Commerce et le Marketing. Nous avons initié de nombreuses initiatives afin de nous libérer de stocks obsolètes ou de produits qui tournent peu, mais aussi réalisé des actions fortes sur les backlogs vieillissants, et ce, afin de libérer de la place dans nos entrepôts mais aussi dans nos portefeuilles de commande.
Quels seront vos prochains domaines d’investissements ?
La RSE, la qualité et la sécurité seront des sujets que nous allons traiter très prochainement. Il faudra toutefois les prioriser. Pour ce qui concerne le premier, la bonne nouvelle réside dans le fait que nos fournisseurs s’imposent des objectifs ambitieux et agissent pour réduire leur empreinte sur leur scope 1 et 2. Sur le sujet de la Qualité, nous avons déjà commencé à travailler dessus mais nous devons encore aller plus loin. C’est un impératif absolu pour répondre aux attentes de nos clients. Le digital sera également un chantier prioritaire dans les années qui viennent. C’est une brique essentielle. Nous comptons pour le moment des outils très basiques pour piloter nos activités. Pour renforcer la performance de nos flux, de nos opérations et trouver des pistes d’amélioration, il nous faudra adresser ce sujet. Mais avant de penser à l’édification d’une Control Tower, nous devons aller au plus simple d’autant que la migration SAP S4/HANA va monopoliser beaucoup de notre temps et énergie dans les deux années à venir.
Quel est le contour du projet digital que vous souhaitez porter ?
Il nous faudra des applications que l’on pourra coupler facilement à notre ERP SAP et qui nous permettront de gagner en visibilité, en réactivité et en efficience. La communication et l’anticipation sont le nerf de la guerre. Ce qu’il nous faut, à terme, ce sont des outils qui nous permettent de contrer les aléas, de tracker en temps réel les points de tension, les emplacements des produits, les pénuries et les ruptures. En somme, plus que de savoir ce que cela va nous rapporter, il faut penser à ce que cela ne va pas nous coûter. Le coût de l’inaction, d’une erreur ou d’une rupture peut être dévastateur.
Notre travail sur les process et leur formalisation est loin d’être terminé
Sur quoi aimeriez-vous avancer d’ici un an ?
Notre travail sur les process et leur formalisation est loin d’être terminé. C’est un sujet essentiel du quotidien, de chaque instant qui nous permettra de toucher du doigt l’excellence opérationnelle. Notre performance doit davantage être mesurable et mesurée pour être in fine complètement reconnue par l’entreprise. Si les volumes et le contexte nous le permettent, je souhaiterais également développer les quelques initiatives de lean que nous avons mis en œuvre. Celles qui l’ont été ne l’ont pas été à des cadences de référence. C’est ainsi que nous pourrons déterminer les gains de performance et tirer de véritables enseignements.
En définitive, qu’est-ce qui vous paraît être le plus décisif dans le plan de transformation de votre supply chain ?
Il est difficile de retenir une mesure plus qu’une autre. Tout ce qui est inscrit dans ma feuille de route est important et le niveau d’exigence à ce sujet doit être très élevé. Toutefois, si je ne devais retenir qu’une seule chose c’est bien que la supply chain doit occuper un rôle de premier plan. Elle doit continuer de se faire une place, de démontrer son intérêt et son importance. Mon arrivée doit contribuer à son avènement au sein de l’entreprise. C’est la supply chain qui doit devenir décisive et rien d’autre. Ce que nous faisons et ferons doit simplement l’y aider.