Mars : « Nous avons intégré la supply chain au centre de la stratégie du groupe »
Par Guillaume Trecan | Le | Industrie
Henri Harfouche, directeur supply chain France de Mars, explique comment il réussit à mettre en cohérence un triple objectif : améliorer le service client, l’efficacité de la supply chain et décarboner. Un défi de taille pour un groupe industriel qui traite chaque jour 3 000 lignes de commandes et livre 1 350 tonnes de produits à ses clients.
Quel est le périmètre de la direction supply chain de Mars France ?
Mars représente une trentaine de marques réparties en trois segments d’activité : Pet Care, Confiserie et Food & Nutrition. Ces trois divisions opèrent comme trois business indépendants, mais avec une supply chain commune et transverse en Europe. Nous capitalisons ainsi sur l’échelle du groupe. Tout en ayant un ancrage local pour être proches de nos clients, nous pilotons la supply chain au niveau européen pour plus d’efficacité.
La Supply chain France regroupe une cinquantaine de collaborateurs que nous désignons, chez Mars, comme des Associés pour bien affirmer qu’ils sont associés au résultat et à l’avenir du groupe. Le périmètre de la supply chain englobe le service client, les entrepôts, le transport, le co-packing, le master data, la qualité. Elle s’étend de la sortie d’usine à la livraison chez nos clients.
Nous gérons environ un millier de références actives et nous traitons chaque jour 3 000 lignes de commandes. Chaque jour, nous livrons 1 350 tonnes à nos clients, soit 90 camions, sur 250 points de livraison. Mars possède une trentaine d’usines en Europe, dont huit en France qui exportent beaucoup. Nous distribuons via trois entrepôts. Le principal, dans le Loiret, est piloté par GXO. Nous avons aussi un entrepôt de produits glacés en Alsace, piloté par STEF et nous avons démarré une activité de distribution en direct auprès des consommateurs BtoC, en partenariat avec FM Logistic dans le Loiret.
Qui sont vos clients ?
La grande distribution, des circuits spécialisés pour le Pet Care, le hors domicile (cafés, restaurants etc…) pour la confiserie et de grands acteurs de l’e-commerce.
La Supply Chain a vocation à générer des gains d’efficacité pour préserver la rentabilité de nos produits et permettre au groupe de réinvestir
La Supply Chain a vocation à générer des gains d’efficacité pour préserver la rentabilité de nos produits et permettre au groupe de réinvestir. Nous avons intégré la supply chain au centre de la stratégie du groupe afin d’y contribuer pleinement. Nous nous sommes fixé trois objectifs prioritaires. Le premier consiste à mettre les clients au centre, en ciblant un service de pointe qui nous permet de nous positionner comme leur fournisseur préféré. L’objectif numéro deux consiste à réduire les coûts pour préserver la compétitivité de nos produits et financer les investissements du groupe. Le troisième est tourné vers la décarbonation. La supply chain contribue activement à la trajectoire net zéro de Mars. Tout l’enjeu consiste à mettre en musique de manière cohérente ces trois priorités : perception client, efficacité et décarbonation.
Comment faites-vous pour rendre compatible une trajectoire net zéro, tout en répondant aux attentes de vos clients et sans dégrader la marge du groupe ?
La décarbonation s’inscrit dans les priorités de nos clients. Mars s’est engagé à être net zéro en 2050 et à réduire de 50 % ses émissions CO2 d’ici à 2030. En huit ans, Mars a déjà réduit ses émissions de 16 %, tandis que l’activité croissait de 60 %. Nous agissons sur trois leviers : mettre moins de camions sur les routes en les remplissant mieux, basculer vers des transports verts et mieux collaborer avec nos clients. Nos taux de remplissage sont à 75 % en poids et à 60 % en volume. Nous avons donc une marge de progression en mesurant et en travaillant sur l’exploitation de la data. Nous visons une réduction de 25 % de camions en trois ans entre 2023 et fin 2025, à volume constant.
En parallèle, nous étudions avec nos partenaires transporteurs toutes les pistes pour basculer vers du biocarburant. A l’heure actuelle, près de 30 % de nos transports fonctionnent déjà en biocarburant. Nous explorons aussi l’électrique. Nous avons lancé des partenariats au niveau européen et, en France, nous avons démarré il y a quelques semaines une ligne de transport électrique avec les transports ALAINE entre notre site de Châteaudun et notre entrepôt dans le Loiret. Lorsque c’est possible, nous approvisionnons aussi nos entrepôts par rail depuis nos usines. C’est la combinaison de toutes ces solutions qui va nous permettre d’effectuer cette transition verte.
Avec des clients partenaires, nous pouvons aller plus vite et atteindre 100 % transport vert dans les trois ans qui viennent
Dans quelle mesure vos clients et vos fournisseurs partagent-ils ces objectifs ?
Pour atteindre nos objectifs, une collaboration avec nos partenaires distributeurs est indispensable. Eux-mêmes sont d’ailleurs engagés sur cette trajectoire. Mieux remplir nos camions peut avoir pour effet collatéral des contraintes opérationnelles que nous devons lever ensemble, mais cela débouche sur de l’efficacité et des économies que nous allons réinjecter pour accélérer le transport vert. Nous sommes convaincus qu’avec des clients partenaires, nous pouvons aller plus vite et atteindre 100 % transport vert dans les trois ans qui viennent.
Quels compromis, en termes de vitesse de livraison, par exemple, accepteriez-vous pour permettre cette transition verte ?
L’efficacité est une des valeurs clés de Mars, que nous déclinons sous la forme d’une chasse au gaspillage. Cela permet de construire des solutions pérennes qui ne résultent pas d’arbitrages impliquant des compromis sur la qualité. Cette démarche, qui fait appel à des approches de lean management et de la transformation digitale, s’applique à nos opérations logistiques, autant qu’à nos processus administratifs.
La transformation digitale vise à parvenir à un pilotage en temps réel
Quelle est l’ambition de votre feuille de route digitale ?
La technologie n’est pas une fin en soi. Nous utilisons la digitalisation à l’appui de nos priorités d’efficacité, de décarbonation, de service. La transformation digitale vise à parvenir à un pilotage en temps réel. Le volume conséquent de nos flux explique l’importance de pouvoir utiliser la data pour piloter cette complexité de manière granulaire sans y passer trop de temps.
Un de nos enjeux consiste à avoir une data visible, accessible et exploitable par 100 % de nos équipes. Nous nous sommes appliqués à rendre les reporting Power BI visuels, granulaires, simples, rapides d’accès, pour pouvoir détecter les anomalies, les inefficacités et savoir où agir : sur quel cas, quel client, quel flux…
Avec quels outils digitaux travaillez-vous ?
Nous avons introduit de l’intelligence en temps réel sur certains processus de planification et de la robotisation sur des processus répétitifs de back office. Nous allons aussi chercher des solutions de modélisation innovantes auprès de partenaires externes.
Nous avons par exemple démarré un partenariat avec Shippeo pour le pilotage du transport. Nous travaillons aussi avec Ortec sur une solution de visualisation et d’optimisation des commandes pour mieux remplir nos camions. Ce pilote français a vocation à être ensuite déployé en Europe. La France est un pays moteur sur ces solutions liées à la décarbonation, mais d’autres sont pilotées ailleurs et déployées en France. Nous exploitons également le TMS de la société Malherbe et nous utilisons une solution de gestion partagée des approvisionnements développée par la société Interlog. Enfin, pour planifier le transport entre la sortie des usines et nos entrepôts français, nous utilisons 4Flow comme tour de contrôle.
Quels KPI allez-vous suivre pour arriver à votre cible en matière de NPS ?
Nous mesurons la qualité du service à plusieurs niveaux de la chaîne, suivant le degré de partenariat et la maturité de la relation avec nos clients. Nous mesurons le taux de service sur nos livraisons, pour nos clients, y compris entre leurs entrepôts et leurs magasins, parce que nous contribuons au pilotage de leurs stocks. Nous avons aussi un KPI de taux de service en linéaire avec certaines enseignes. Nous copilotons des niveaux d’inventaire. Nous ajoutons maintenant des indicateurs d’efficacité du transport, comme le taux de remplissage. Cela va nous permettre de mesurer des niveaux d’émissions de CO2 ciblés par enseigne. Au-delà de ces KPI, notre réussite va reposer sur la qualité de la relation et sa dimension collaborative, ce qui a plus trait à du ressenti.
Comment les compétences de vos collaborateurs évoluent-elles pour s’adapter à ces enjeux liés à la data ?
Nous avons mis en place des formations visant à ce qu’une minorité de personnes soit suffisamment à l’aise pour développer de nouveaux rapports et que 100 % des Associés soient capables de consulter, filtrer et exploiter la data. C’est un objectif que nous avons atteint sans changer le profil de nos Associés mais en les formant et en renforçant notre équipe d’experts optimisation process. Nous avons également mis en place un programme graduate en trois ans, qui nous permet de recruter en externe les futurs talents de l’équipe supply chain.