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L’Ameublement français présente son plan pour réindustrialiser la filière

Par Mehdi Arhab | Le | Industrie

L’Ameublement français, organisation professionnelle qui rassemble les 380 principales entreprises d’ameublement, souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre, tout en créant des emplois de valeur sur le territoire français. Et la logistique et le transport sont deux des leviers privilégiés par la filière pour réduire ses émissions carbones

L’Ameublement français a dévoilé son plan de transformation pour les années à venir - © D.R.
L’Ameublement français a dévoilé son plan de transformation pour les années à venir - © D.R.

En moyenne, un meuble produit en France parcourt 916 km en camion ; un meuble importé sur le marché français parcourt quant à lui 1600 km en camion et plus de 2000 km en bateau. Le constat est implacable et les chiffres éloquents. En ce sens, la filière fabrication de l’Ameublement français, organisation professionnelle qui rassemble les 380 principales entreprises d’ameublement, ainsi que près de 20 000 structures de toute taille maillant le territoire métropolitain et l’Outre-mer, a récemment présenté son projet sectoriel 2022-2027. Après avoir généré 3,6 milliards d’euros de valeur ajoutée directe en 2021, elle entreprend aujourd’hui une initiative réfléchie pour apporter sa pierre à l’édifice dans la poursuite des objectifs de décarbonation de l’économie française.

L’organisation a d’ailleurs mandaté le cabinet EY afin de mesurer les dynamiques sociales, environnementales et économiques de la filière, avec l’envie derrière de joindre l’impératif de décarbonation et son souhait de réindustrialiser. Soutenant plus de 60 000 emplois directs, ainsi que 112 000 emplois au total (en prenant en compte les emplois indirects et induits), la filière ne représente qu’à peine 1 % du PIB français. Dans le même temps, elle pèse pour 5 % du déficit commercial du pays. De fait, 52 % des meubles achetés en France étant importés. Autant de données qui lui imposent de relancer « le fabriqué en France ».

Une obligation de survie

Une nécessité absolue, car sans plan d’action, la désindustrialisation de la filière se poursuivra au profit d’importations créatrices d’émissions carbones. Selon les projections de l’Insee, la production française baisserait ainsi de plus de 10 % entre 2020 et 2030, s’accompagnant d’une destruction de près de 10 % des emplois et d’une hausse des émissions carbones des produits importés de 25 %. Un scénario catastrophe, aussi bien sur le plan économique et social, avec une baisse du chiffre d’affaires des entreprises du secteur de 11 %. Or, en tablant sur la relocalisation de ses opérations, la filière parviendrait à réduire de 11 % son empreinte environnementale, tout en créant plus de 10 000 emplois. Cela tout en réduisant son déficit commercial de plus de 30 %.

Des motifs d’espoir pour poursuivre sa trajectoire de décarbonation

La filière dispose d’ailleurs de plusieurs autres arguments de poids pour réindustrialiser une partie de sa production, à commencer par le fait que l’empreinte environnementale d’un meuble fabriqué en France est (déjà) au moins deux fois inférieure à celle d’un meuble fabriqué en Asie, puis importé sur le territoire. L’importation de meubles produits à l’étranger génère de son côté 3,4 millions de tonnes de CO2, quand celles des meubles produits en France n’en génère qu’un peu plus de 2 millions de tonnes CO2 chaque année.

L’impact carbone de ce qui est importé est supérieur à ce qui est produit en France. Cela a des conséquences désastreuses sur les plans économique, social et environnemental

« L’impact carbone de ce qui est importé est supérieur à ce qui est produit en France. Cela a des conséquences désastreuses sur les plans économique, social et environnemental », alerte Yannick Cabrol, senior manager du cabinet EY. Ces deux tonnes sont engendrées à 70 % par les postes « matières premières et approvisionnement » et à 20 % par le poste « transport ». La décarbonation et le développement économique via processus de réindustrialisation de la filière vont donc de fait de pair.

Un bassin de sourcing local et évident

Autre raison de se satisfaire : le bois, matériau peu émissif, représente quelque 85 % du poids total des matériaux utilisés pour la fabrication d’un meuble. « Le plus souvent, ce n’est pas du bois massif qui est utilisé, mais des panneaux issus du recyclage », remarque Yannick Cabrol. « Ces panneaux intègrent jusqu’à 40 % de bois recyclé », poursuit Philippe Moreau, président de l’Ameublement français.

La filière peut en prime s’en remettre à un capital naturel majeur : la surface forestière française qui a doublé entre 1850 et 2019, s’élevant à 16,9 millions d’hectares, soit 31 % de la surface du pays. La production biologique s’élève chaque année à 100 milliards mde bois ; et sur ce total, 60 % en sont prélevés. Pour concourir à une exploitation encore plus raisonnée et réfléchie de cette ressource et, indirectement, au maintien des forêts, qui constituent les meilleurs puits à carbone qui soit, la filière prévoit une utilisation encore renforcée des matières recyclées. Elle emploiera également davantage de matériaux issus d’exploitations durables ou biosourcées, privilégiera des circuits courts et des sources d’approvisionnement en proche import.

« Il est tout de même difficile d’évaluer précisément la chose. Les entreprises sourcent autour d’elles, mais certains types de produits ne se trouvent pas en France, comme les lattes de sommier et ressorts de matelas », rappelle cependant Cathy Dufour, déléguée générale de l’Ameublement français.

La logistique et le transport pour réduire son empreinte environnementale

Dès lors, la logistique est un axe privilégié de la roadmap de la filière, avec en ligne de mire la réduction de la distance de transport et donc du temps de transport. La mutualisation et la multimodalité constituent des priorités de premier ordre ; le ferroviaire et le transport fluvial en tête, en alternative au camion. « Le recours à des modes de transports alternatifs plus propres est évidemment envisagé. Outre le besoin de travailler sur le mix modal, nous devons travailler sur le poids des meubles », évoque la déléguée générale de l’organisation professionnelle.

Les investissements enclenchés s’orientent sur le concept d’usine 4.0, avec intégration de machines numériques reliées à la conception du produit

Autre point sur lequel insiste grandement l’organisation, le processus de fabrication des produits qui est également une piste de réflexion. L’Ameublement français incite ses entreprises à s’approvisionner en énergie verte, à électrifier leurs processus de fabrication et à dépoussiérer leurs lignes de production, en s’orientant sur des équipements économes et moins énergivores. « Les investissements enclenchés s’orientent sur le concept d’usine 4.0, avec intégration de machines numériques reliées à la conception du produit », explique Philippe Moreau.

La filière voit par ailleurs dans l’émergence du design d’usage et de l’économie de la fonctionnalité des solutions bénéfiques en matière de décarbonation de ses opérations.  Elle promet ainsi de travailler sur le mix produits et d’enrichir l’offre avec des produits à plus forte valeur ajoutée, tout en allongeant leur durée de vie. « Notre enjeu est d’allonger la durée de vie des meubles et de réduire les ressources utilisées, pour produire moins de meubles », conclut Cathy Dufour.