Avec l’extension de sa plateforme logistique, King Jouet nourrit de grandes ambitions
Par Mehdi Arhab | Le | Retail
Le distributeur King Jouet a inauguré l’agrandissement de sa plateforme logistique de Rives. Le groupe mise très fortement sur sa supply chain et ses opérations logistiques pour accompagner sa croissance, et notamment le développement de ses activités e-commerce. Reportage :
Après près de deux ans de travaux, la plateforme logistique de l’entreprise King Jouet, implantée à Rives-sur-Fure (38), en Isère, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, est fin prête pour les grandes manœuvres qui s’annoncent. Enracinée sur un foncier de neuf hectares, elle a été agrandie de 18 000 m2 et s’étale désormais sur une surface de 42 000 m2, soit l’équivalent de cinq à six stades de foot ; « une superficie qui en fait la plateforme dédiée au jouet la plus importante de France », assure Philippe Gueydon, directeur général du groupe. Articulé autour de sept cellules de 6 000 m2 chacune, dont trois nouvellement sorties de terre, l’entrepôt compte 25 000 emplacements de stockage en réserve, 30 000 emplacements en picking, sur quelque 160 000 m3 de stockage utile. De nouveaux quais de chargement et déchargement, portant le total à 55 contre 28 avant rénovation et extension, ont été aménagés de part et d’autre pour optimiser les flux, les déplacements, l’organisation de la réception, la préparation des commandes et leurs expéditions.
La plateforme de King Jouet reçoit en moyenne 1 750 containers par an, lesquels transitent à 95 % par train entre le grand port maritime de Marseille Fos et Loire-sur-Rhône ; les derniers kilomètres étant effectués par de gros porteurs. Au plus fort de l’activité, quelque 120 poids lourds de transporteurs bien connus (XPO logistics, Geodis …) pourront se relayer en moyenne chaque jour. Un chiffre qui pourrait être plus important à en croire Abdelatif Karali, directeur supply chain du groupe. « Nous ne recevons et expédions rien dans la nuit. Si cela venait à changer, nous pourrions voir 170 camions affluer sur la plateforme », a-t-il fait savoir. L’extension de la bâtisse, livrée en février dernier par le spécialiste de l’immobilier d’entreprise GSE et inaugurée le 28 septembre, doit ainsi permettre à l’entreprise familiale, qui avait revendiqué en 2022 un chiffre d’affaires HT de 410 millions d’euros, de passer les fêtes de fin d’année au chaud. Et bien plus encore. « Nous avions, dès notre installation ici en 2008, veiller à ce que le terrain soit suffisamment important pour accueillir une nouvelle tranche si le besoin se faisait ressentir », a expliqué Philippe Gueydon.
Un entrepôt centralisé multitâches
Et le besoin s’était justement fait ressentir en 2020. Durant le plus fort de la pandémie de Covid, les Français avaient repris le goût des jeux et jouets en tout genre. Conséquemment, King Jouet a enregistré des résultats records. L’activité e-commerce du groupe a de fait bondi ; le nombre de commandes en ligne ayant littéralement explosé par rapport à la période avant-pandémie. Mais son entrepôt, grand de 24 000 m2 à l’époque donc, se faisait un peu petit et ne répondait pas aussi bien qu’attendu à l’essor de l’enseigne, laquelle avait vu son chiffre d’affaires bondir de 38 %, et de 17 % à périmètre constant, entre 2020 et 2021.
« Nous devions veiller lors de la fin d’année 2019 à ne pas saturer les opérations, au risque de dégrader le niveau de performance de l’entreprise. Ce projet d’extension a fait son chemin, peu avant la reprise de Maxi Toys en 2020 d’ailleurs. Nous n’avions besoin que d’une cellule supplémentaire, mais nous nous rendons compte aujourd’hui que nous exploitons bien plus les nouvelles que ce que nous avions prévu. Dans l’une d’elle, nous entreposons désormais les produits hors gabarit. Mais il n’est pas impossible que nous y ajoutions des racks », a indiqué le directeur supply chain.
Outre le fait d’augmenter sensiblement sa capacité de stockage avec l’extension de sa plateforme, King Jouet accroît plus particulièrement son aptitude à préparer et expédier des commandes en masse grâce à sa cellule dédiée entièrement au e-commerce. Celle-ci permettra d’absorber un nombre de commandes plus conséquent. Pas moins de 24 000 commandes pourront y être préparées et expédiées par jour, contre 8 000 « seulement » aujourd’hui, une croissance d’activité somme toute notable. En moyenne chaque année, ce sont 600 000 commandes e-commerce qui pourront être traitées ; sachant que près de la moitié d’entre elles le seront entre octobre et décembre. Et pour se donner de l’air et « ne plus se sentir à l’étroit », dixit Abdelatif Karali, King Jouet, détenu à 49 % par la famille Gueydon et à 51 % par le groupe italien Prénatal Retail Group, n’a pas lésiné sur les moyens. Le groupe a en effet investi 15 millions d’euros.
Mécanisation et automatisation
Alors qu’il avait déjà retenu Boa Concept en 2019 pour automatiser les flux e-commerce qu’il gère, King Jouet a consacré un million d’euros à l’achat d’une machine d’emballage automatique, la CVP Impack de Sparck Technologies. Cette solution façonne et adapte chaque colis aux dimensions des produits qu’ils contiennent, afin de réduire les quantités de carton consommées et l’encombrement dans le transport des commandes. Respectueuse de l’environnement, la CVP Impack supprime le recours aux matériaux de calages. Les économies en la matière sont de fait colossales, plus aucun papier, ni plastique ne sont utilisés. Désormais, 85 % des commandes e-commerce sont traitées par cette technologie. « Elle nous permet de réduire de 45 % le vide transporté. À terme, nous diviserons par deux, voire trois, le nombre de camions nécessaire pour acheminer nos produits en période de forte activité », s’est félicité le directeur supply chain, qui distingue déjà des gains de productivité sans commune mesure. Et pour cause, elle peut en dimensionner près de 500 par heures.
« Nous attendons un retour sur investissement d’ici à 36 mois », a-t-il ajouté. Avec Boa Concept, King Jouet avait déjà sérieusement amélioré ses opérations et gagné en réactivité pour améliorer le service proposé à ses clients des internets. Le système, un convoyeur modulaire Plug-and-Carry, avait été mis en route à l’été 2019 et compte près d’une dizaine de postes de préparation, en aval desquels les colis sont acheminés vers une station de contrôle puis un système de fermeture automatique. Les opérations d’étiquetage sont ensuite réalisées sur une ligne de convoyeurs que s’effectueront et de tri.
Un entrepôt au régime particulier qui alimente l’ensemble du réseau King Jouet
La mission de cette plateforme ne s’arrête bien entendu pas au seul segment e-commerce. En plus de servir cette activité, devenue stratégique il faut l’avouer, elle dessert également (et surtout) les 330 magasins, succursales et affiliés, que compte désormais l’enseigne sur les terres de France et de Navarre, depuis que les 90 magasins Maxi Toys ont fait tomber leur panneau pour enfiler la peau du lion. À cela s’ajoute également une partie de l’approvisionnement d’une cinquantaine de magasins en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. « Pour ce qui concerne la Suisse, 80 % des livraisons sont opérées directement par nos fournisseurs, en Belgique, cette moyenne frôle 50 %. Cette différence dans l’approche transport est dû au fait que certains d’entre eux possèdent des usines sur ces plaques géographiques ou non loin », a précisé le directeur supply chain de l’enseigne.
Quelques précisions sur l’entrepôt de Maxi Toys, dont l’activité a été stoppé en mai dernier
L’entrepôt de Maxi Toys, implanté en banlieue Bruxelloise et qui devait desservir le Benelux et le nord de la France, a été abandonné par King Jouet au mois de mai dernier. Un demi-échec, comme nous l’a expliqué Patrick Jocteur Monrozier, directeur pôle client pour King Jouet. « Cela a fait l’objet d’un plan social. Ce n’est jamais très agréable, d’autant que nous avions placé beaucoup d’espoirs dans ce site. Cet entrepôt aurait pu nous permettre de mieux répartir les flux du nord de la France et des autres géographies du groupe. Nous voulions redresser les choses, mais nous ne sommes jamais parvenus à atteindre le niveau d’efficacité et de précision requis et cela pénalisait très fortement le taux de détention des produits les plus recherchés en magasin ».
Sous régime particulier d’entrepôt douanier, cette plateforme, dans laquelle les marchandises ne provenant pas de l’Union européenne peuvent être placées par le dépôt d’une déclaration en douane en vue de leur stockage, permet à King Jouet de gagner l’équivalent de quatre à six jours de démarches administratives. Cela sans compter les gains de trésorerie ; l’utilisation du régime de l’entrepôt sous douane permettant de reporter le paiement des droits de douane et de la TVA au moment de son apurement par l’opérateur.
Près de la moitié de notre chiffre d’affaires est réalisé sur les trois derniers mois de l’année
Sur le terrain, 80 préparateurs de commandes, agents logistiques, gestionnaires de stock et manutentionnaires naviguent de janvier à septembre. Un effectif qui prend une toute autre dimension au mois d’octobre pour mieux appréhender l’accélération de la demande et la période des fêtes. Ce ne sont alors plus 80 opérateurs qui viennent garnir les rangs de la plateforme, mais 280. À cet instant de l’année, le ravitaillement des magasins les plus grands et les plus performants s’accomplit deux à trois fois par semaine, contre une fois par semaine entre janvier et septembre. Pour Abdelatif Karali, l’enjeu est d’optimiser les parcours de livraison et de regrouper les arrivages dans les magasins selon leur localisation géographique. « Afin de satisfaire au mieux leur besoin, chaque magasin voit sa commande être préparée à J+1 et être expédiée à J+2 », détaille par ailleurs le directeur supply chain. À partir de fin octobre, trois équipes, ou plutôt « factions » (sic), se succèdent sur place pour assurer le bon déroulement des opérations. La plateforme est alors active 23/24, 6/7. « Près de la moitié de notre chiffre d’affaires est réalisé sur les trois derniers mois de l’année », rappelle Patrick Jocteur Monrozier.
Un parc d’engin au lithium et peu de piétons, pour des questions de sécurité et d’efficacité
L’immense majorité des 200 agents supplémentaires qui se croisent sont des intérimaires. Pour attirer du personnel en travail temporaire, King Jouet peut compter sur l’appui des deux implants des agences Randstad et Manpower, leur laissant assurer le travail de recrutement ainsi que le suivi des missions. Le plus grand nombre d’agents sont postés sur des engins de manutention : chariots retract, élévateurs double fourche et autres chariots élévateurs. Petite particularité de taille à noter, ce parc est constitué de 95 engins fonctionnant au lithium, ce qui en fait le plus important de France. Les seuls piétons qui officient sont présents pour contrôler les stocks. « L’autonomie de ces engins est de 14 heures en moyenne, quand il faut généralement recharger toutes les cinq heures des engins traditionnels », commente le directeur supply chain.
Le maillage du site logistique a par ailleurs été repensé et est désormais calqué sur les six univers de vente aménagés en magasin. Cela pour leur éviter de se mettre en quatre et de perdre du temps à la réception des palettes. « C’était quelque chose de très attendu par nos clients internes et il était de notre devoir d’accéder à leur requête pour les servir au mieux. Désormais, lorsqu’ils reçoivent une palette et la dépotent, plus rien n’est mélangé. Ils peuvent ranger les produits dans l’univers consacré », a souligné Abdelatif Karali.« C’est aussi comme cela que nous donnons à la supply chain une vraie dimension de business partner. Contrairement à un prestataire à qui l’on délèguerait l’activité logistique, nous faisons montre d’une certaine souplesse, d’agilité et sommes en mesure de réagir en conséquence à des situations d’urgence », nous dit-il également.
En coulisses, ce dernier peut compter sur le WMS Reflex, édité par Hardis Group, pour orchestrer, optimiser et superviser son réseau logistique. « C’est une technologie à la pointe, robuste qui intervient sur la gestion de l’entreposage », explique-t-il. En moyenne, un produit reste sur la plateforme six à neuf mois, « un taux de rotation extrêmement satisfaisant pour notre secteur », a affirmé Abdelatif Karali. La valeur du stock, elle, s’élèvera, au moment des fêtes de fin d’année, à 26 millions d’euros.
Une approche vertueuse et de nouveaux investissements prévus
Le chantier a aussi été l’occasion pour King Jouet de rénover l’existant et d’ajouter une brique à sa politique RSE naissante. Une charpente mixte béton et bois, pour une surisolation du bâtiment a été installée, et quelque 18 000 m2 de panneaux photovoltaïques ont été disposés sur les toits des trois nouvelles cellules.
Ce parc photovoltaïque délivre une puissance de 2 000 MW, soit l’équivalent de la consommation de 450 foyers. « Le tout est réinjecté dans le réseau Enedis et permet d’éviter 121 tonnes de CO2 par an », a révélé Abdelatif Karali. Des solutions de recyclage et de triage des palettes en bois, des cartons et plastiques ont été également agencées. « Nous comptons des partenaires spécialisés, mais nous nous demandons également si nous ne pourrions pas internaliser une partie de cette prestation », a poursuivi le directeur supply chain.
Nous voulons renouveler et moderniser notre parc d’engins de manutention
Au demeurant, tous ces investissements en appellent d’autres et des recrutements sont lancés. « Nous voulons renouveler et moderniser notre parc d’engins de manutention. Nous prévoyons de réinvestir également dans un outil CVC impack en 2024, avec mise en route à l’été pour aborder sereinement Noël 2024, sans compter les investissements en infrastructure qui pourraient suivre selon la croissance qu’enregistre l’entreprise », nous a dévoilé Abdelatif Karali.