Pierre Fabre : « Être au bon niveau d’exigence client et de service »
Par Guillaume Trecan | Le | Industrie
Florent Tronquit, directeur supply chain du groupe Pierre Fabre, détaille le programme de reconfiguration de la supply chain du groupe pharmaceutique et cosmétique qui doit s’adapter aux nouvelles exigences d’une très grande variété de clients, qui vont de professionnels de l’e-commerce jusqu’à des dermatologues ou des officines de pharmacie.
Quel est le besoin initial à l’origine de votre programme de transformation de la supply chain ?
L’idée de départ est de s’adapter à l’évolution de nos clients. Nous devions reconfigurer notre organisation supply chain pour être au bon niveau d’exigence client et de service par rapport à de nouveaux acteurs que nous avons vu émerger ces dernières années. Parmi nos clients, nous comptons des groupements de pharmacies qui se sont renforcés, mais aussi des e-commerçants. Ce sont des sociétés plus structurées, plus exigeantes, plus industrialisées pour lesquelles la fiabilité et la précision des livraisons sont des points fondamentaux. C’est aussi le cas pour beaucoup de nos clients traditionnels qui ne peuvent pas consacrer beaucoup de temps et d’énergie à la réception et au stockage de nos produits. Il est par exemple important pour un pharmacien de savoir précisément quand il va devoir consacrer du temps à réceptionner nos produits. La volonté du groupe de réduire son empreinte carbone est un autre élément déclencheur de cette réflexion.
La complexité de notre supply chain vient en particulier du fait que nous comptons près de 20 000 clients, d’autant plus qu’ils sont divisés en plusieurs segments différents
Que représente la supply chain de Pierre Fabre en termes de chiffre et où se situe sa complexité ?
Nous livrons 20 000 commandes par jour. Dans les cosmétiques, nous avons 1 000 références et 500 en pharmacie. Mais la complexité de notre supply chain vient en particulier du fait que nous comptons près de 20 000 clients, d’autant plus qu’ils sont divisés en plusieurs segments différents, entre les officines, la GMS, la parapharmacie, les e-retailers, les coiffeurs, les dermatologues, les hôpitaux, les grossistes pharmaceutiques, avec des quantités pouvant varier de un à 100, donc des structures de commande très différentes.
En quoi consiste le programme de transformation de vos entrepôts ?
Le programme de transformation de notre supply chain s’étend sur trois ans et à une dimension entrepôt, mais aussi mécanisation et outils digitaux. Hors bâtiment, son enveloppe globale s’élève à 20 millions d’euros. Nous avons actuellement deux entrepôts en propre plus un entrepôt presté, spécialisés pour l’un dans les produits pharmaceutiques et les deux autres dans les produits cosmétiques. Dans le nouveau schéma que nous avons défini, chacun de ces entrepôts livrera potentiellement un même client, que ce soit pour des produits pharmaceutiques ou des produits cosmétiques. L’objectif est à la fois de simplifier la vie du client, en faisant en sorte qu’il ne soit livré qu’une seule fois d’un seul entrepôt. Cela nous permet aussi de réduire nos émissions de carbone de près de 20 %. Nous aurons en définitive deux entrepôts en miroir, stockant les mêmes gammes mais sur des couvertures géographiques différentes.
Fin 2023, nous allons commencer par réinternaliser cet entrepôt, exploité aujourd’hui par ID Logistics. Sachant que nous allons réunir deux activités sur un même site, nous ne souhaitions pas avoir deux exploitants, mais un seul : Pierre Fabre. En 2024 nous allons ouvrir un nouvel entrepôt presté dans le Loiret pour pouvoir stocker et distribuer à l’international un certain nombre de médicaments. L’appel d’offres est en cours. Enfin, entre fin 2024 et 2025, nous allons transformer les deux entrepôts situés à Ussel et Muret, pour qu’ils puissent couvrir une activité multiproduits (médicaments et cosmétiques) la surface restera équivalente, environ 70 000 m².
Pour faciliter l’absorption de ces pics, nous allons augmenter le niveau d’automatisation
Une conduite du changement est-elle nécessaire pour accompagner le passage à des entrepôts capables de traiter indifféremment des cosmétiques et des produits pharmaceutiques ?
Les sites qui gèrent aujourd’hui principalement des cosmétiques disposent déjà du savoir-faire et des habilitations nécessaires pour gérer des médicaments. Nos équipes sur ces deux sites vont en revanche devoir distribuer des gammes qu’elles ne connaissent pas bien aujourd’hui, avec des différences, notamment en termes d’exigences et de variabilité. Le marché des cosmétiques est beaucoup plus cyclique que celui du médicament. Le site qui gère les médicaments va devoir être capable d’absorber des pics d’activité, par exemple liés à des périodes de promotions. Pour faciliter l’absorption de ces pics, nous allons augmenter le niveau d’automatisation.
Avec l’aide notamment du cabinet Citwell, nous étudions actuellement les différentes solutions technologiques existantes pour choisir les plus adaptées à nos besoins. Nos deux sites sont mécanisés par CUUCH et avec un système Savoye de convoyeurs et de gares de picking. Sur l’un, nous allons étendre la mécanisation, sur l’autre, nous allons la reprendre de zéro. Le troisième site, dans le Loiret, confié à un prestataire ne sera pas mécanisé.
Les effectifs dédiés à la supply chain vont-ils évoluer dans le cadre de ce programme ?
La direction supply chain représente aujourd’hui 500 personnes, en comptant 65 personnes que nous allons intégrer dans nos effectifs, dans le cadre de la réinternalisation d’une partie de nos activités. C’est une illustration de la volonté du groupe d’assumer son implantation nationale et même régionale. Alors que Pierre Fabre réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’international, le groupe fabrique en France 95 % de tous les produits qu’il commercialise et notamment une grande majorité en Occitanie, où se trouvent six sites sur sept.
En quoi consiste la dimension digitale du projet ?
Parallèlement à la redéfinition de notre schéma logistique, nous allons remplacer les deux WMS différents que nous avons actuellement - Manhattan et LM7- par un seul. Nous ferons notre choix courant 2023 pour une implémentation en 2024 sur un premier site et début 2025 sur le second. En adoptant un TMS, nous allons aussi digitaliser nos flux de transport sur toute la chaîne, y compris nos flux amont et nos flux internationaux. Le déploiement va démarrer en 2023 et s’étendra jusque début 2025.
Sur quels indicateurs de performance mesurerez-vous la réussite de ces changements ?
Des enjeux de productivité sont associés au déploiement de ce WMS, autant qu’à la mécanisation. Nous visons une amélioration globale de 10 % de nos coûts. Mais ce n’est qu’une des dimensions de ce projet, qui vise aussi à réduire nos émissions de CO2 et améliorer le service rendu aux clients. Nous voulons bien sûr améliorer l’OTIF (On Time In Full). Aujourd’hui, noPour faciliter l’absorption de ces pics, nous allons augmenter le niveau d’automatisationus ne mesurons pas la date exacte de livraison, puisque nous n’avons pas de TMS nous permettant de disposer d’éléments de tracking.
Un indicateur que nous suivrons de près et qui nous permettra de savoir si le projet a réussi, c’est la satisfaction client. Nous suivons régulièrement notre NPS (Net Promoter Score) dans le cadre d’enquêtes de satisfaction client. Améliorer la satisfaction client a un impact direct sur notre chiffre d’affaires.
La réduction des distances de transport représente à elle seule une réduction de 15 % de nos émissions de carbone
Quels sont vos objectifs en matière de décarbonation ?
La réduction des distances de transport représente à elle seule une réduction de 15 % de nos émissions de carbone, sachant que notre objectif global est de -30 %. Nous travaillons aussi sur le dernier kilomètre et la livraison en centre-ville en électrique. Avec le soutien du département du Tarn, nous testons actuellement, en partenariat avec un transporteur local, une solution de transport hydrogène pilote, avec laquelle nous faisons des navettes entre nos différents sites. Il est important pour le groupe de contribuer à faire émerger des technologies qui ont un avenir intéressant. Nous allons aussi déployer des solutions de biocarburants avec des transporteurs locaux. Enfin, grâce à notre TMS, nous pourrons aussi améliorer le taux de remplissage de nos conteneurs.