La direction supply chain de Renault consolide son alliance avec la recherche mathématique
Par Guillaume Trecan | Le | Industrie
Le directeur supply chain de Renault, Denis Le Vot vient de signer un partenariat avec le laboratoire Cermics de l’Ecole des Ponts Paris Tech, au sein de laquelle il vient également de renouveler son partenariat pour les cinq prochaines années avec une chaire Supply Chain du futur. Cap sur le développement d’outils de traitement des big data.
Avec ses flux et ses réseaux infiniment complexes, la supply chain de Renault peut être un casse-tête à organiser au quotidien, mais elle est aussi un formidable terrain de jeu pour les chercheurs en mathématiques, en particulier ceux qui s’appliquent à créer des outils dopés à l’intelligence artificielle pour exploiter le big data. Le constructeur fait circuler chaque jour 300 000 pièces entre ses 6 000 fournisseurs et ses 34 usines, d’où partent également 15 000 voitures par jour vers 22 000 concessionnaires dans le monde. C’est désormais la matière première des chercheurs du Cermics (Centre d’enseignement et de recherche en mathématiques et calcul scientifique), un laboratoire de l’École des Ponts ParisTech avec lequel le directeur supply chain de Renault Denis Le Vot vient de signer un accord de partenariat.
Nous avons une copie en temps réel de tout ce qui bouge dans le monde, partout, tout le temps
« Renault fournit la matière pour l’excellence académique et des questions stimulantes pour nos chercheurs », justifie Anthony Briant, le directeur de l’école des Ponts Paris Tech. Avec les efforts mis en œuvre par le groupe pour concevoir un jumeau numérique de sa supply chain, Renault dispose en effet d’une masse de données colossale. « Nous avons une copie en temps réel de tout ce qui bouge dans le monde, partout, tout le temps », assure Denis Le Vot.
Un laboratoire de pointe proche de l’industrie
Le constructeur travaille déjà avec Google pour progresser en matière de big data, Google Cloud Platform hébergeant les données de son data lake. Si l’on peut se réjouir que la marque ait cette fois trouvé un partenaire français, la question de la souveraineté n’entre pas en ligne de compte, assure Denis Le Vot. « L’Ecole des Ponts est au meilleur niveau et exactement au point de dialogue entre de la recherche académique et fondamentale et l’industrie. Evidemment, nous sommes ravis de travailler avec une école française, mais c’est surtout le partenaire idéal dans le monde, par rapport aux questions que nous nous posons », explique le patron de la supply chain de Renault.
La particularité du Cermics est d’être à la fois positionné sur de la recherche de pointe et en proximité avec l’industrie. Le Cermics regroupe au total 80 personnes dont une vingtaine de chercheurs en comptant les doctorants et travaille déjà avec plusieurs industriels sur des problématiques de réseaux complexes avec des groupes comme la SNCF ou encore RTE.
L’intelligence artificielle permet - moyennant le fait que l’on ait la data, ce qui est notre cas - de faire des choses potentiellement extraordinaires
Construire des outils dans un domaine sans solution sur étagère
L’industriel et les chercheurs entendent dialoguer d’égal à égal, de client à fournisseur sur des sujets de niveaux thèses, sur lesquels Renault serait bien en peine de trouver des prestataires pertinents pour co-construire avec lui les outils dont il a besoin. « L’intelligence artificielle permet - moyennant le fait que l’on ait la data, ce qui est notre cas - de faire des choses potentiellement extraordinaires. Mais il n’y a pas de manuel, par de logiciel tout fait », fait remarquer le directeur de la supply chain de Renault. Le but commun de Renault et du Cermics est de créer des outils permettant à la supply chain d’être « data driven », sur le temps court, pour prendre des décisions tactiques et sur le temps long, pour nourrir des réflexions plus stratégiques.
Un premier cas d’usage a été réalisé par Louis Bouvier, doctorant en contrat Cifre chez Renault. Il a travaillé sur le monitoring des stocks de packagings de pièces que le constructeur doit gérer finement et réexpédier chez ses fournisseurs pour qu’ils les réutilisent. Louis Bouvier a conçu un algorithme qui permet de limiter les coûts de transport et de gestion des stocks. Des données assez complexes puisqu’il existe une vingtaine de type d’emballages circulant entre une trentaine d’usines. Ce travail a permis d’augmenter le taux de service, de diviser par deux le coût du recours à des emballages de substitution et de réduire de 10 % les coûts carbone de ces flux.
Des sujets au cœur de la transformation du groupe
« C’est un partenariat clé pour Renault dans sa transformation », estime Ludovic Doudard General Manager ingénierie des process supply chain au sein du département transformation digital de la supply chain, dirigé par Sébastien Liorzou. Cette équipe associant chercheurs des Ponts Paris Tech et responsables de la direction supply chain bénéficie évidemment du concours de la DSI et s’efforce d’aligner un maximum de partie prenante autour de ses projets pour maximiser l’efficacité de la conduite du changement. Les prochains cas d’usage pourraient porter sur des outils susceptibles d’apporter des réponses aux perturbations dues aux pénuries de composants.
Les métiers de demain de l’industrie automobile redeviennent rocket science
« L’automobile est en train de changer de manière extraordinaire », s’enthousiasme Denis Le Vot, qui poursuit : « les métiers de demain de l’industrie automobile redeviennent rocket science ». Le cap de la décarbonation complète des véhicules fixés par l’Union européenne à 2035 implique un fort enjeu d’efficacité pour les constructeurs automobile, un enjeu déjà brulant dans le contexte économique actuel, particulièrement volatile et incertain. « Nous devons réussir à être prédictif sur un temps long et réactif dans la volatilité des marchés », explique Denis Le Vot.
Et la décarbonation promet de rendre encore plus complexe cette situation. Le directeur supply chain groupe note ainsi qu’elle impliquera le recours à « de nouvelles matières premières issus d’un environnement géopolitique extrêmement complexe ». Les véhicules électriques impliquent la remise en question de toute la chaine de sous-traitance du groupe motopropulsion. « Au niveau de la supply, nous allons devoir gérer une flexibilité colossale sur les filières mécaniques », en déduit Denis Le Vot. La montée en puissance de business modèles du type Refactory, elle-aussi pourrait complexifier encore la supply chain. « Nous allons avoir de nouvelles filières, y compris logistiques, de suivi de la voiture tout au long de sa vie et de recyclage de la voiture », confirme Denis Le Vot. La nouvelle filiale Ampère dédiée aux véhicules électriques, créée en novembre préfigure cette organisation.
La Supply chain au cœur des programmes des Pont Paris Tech
Renault s’est associé il y a cinq ans avec Cdiscount, Michelin et Louis-Vuitton dans la création de la chaire Supply chain du futur et vient de renouveler son partenariat pour cinq nouvelles années. Deux partenaires font leur entrée dans le tour de table - Décathlon et le cabinet Argon & Co - et un autre se retire : Cdiscount. Cet engagement permet aux cinq partenaires de participer au volet formation, de participer à des projets de recherche en finançant des post-doc et d’échanger des bonnes pratiques.
Dans les programmes pédagogiques de l’Ecole des Ponts Paris Tech, la supply chain est représenté par un Mastère Spécialisé Supply Chain Design and Management (SCDM).