Bontaz : « Développer en Low Code des dizaines d’applications correspondant à nos besoins métier »
Par Guillaume Trecan | Le | Industrie
Matthieu Bails, directeur de la supply chain de l’équipementier automobile Bontaz, poursuit un programme de digitalisation qui s’appuie notamment sur un laboratoire d’ingénieurs consacrés à l’acquisition et au développement d’applications digitales dédiées. Son objectif à terme : pouvoir prendre des décisions fondées sur l’analyse de données.
A quel niveau la fonction supply chain contribue-t-elle à la stratégie du groupe Bontaz ?
Dans les dix prochaines années Bontaz veut doubler son chiffre d’affaires qui doit passer à 600 millions d’euros. Pour y arriver la transformation digitale de l’entreprise est indispensable, en interne, pour dégager de la marge, elle l’est aussi d’un point de vue attractivité pour attirer de nouveaux collaborateurs et, en externe, vis-à-vis de nos clients, les constructeurs automobiles, qui sont très exigeants sur la fiabilité de nos process. Parallèlement à cela, nous avons décidé de mettre en place des pôles d’excellence dans chaque département de l’entreprise.
Nous avons créé un laboratoire digital en Tunisie qui a pour mission de sourcer des applicatifs ou de les développer en interne via une stratégie Low Code
La stratégie Smart Supply Chain 2020-2030 qui accompagne ces objectifs se décline en trois étapes. La première passe par l’affirmation des fondamentaux de la fonction supply chain, qui a été créée chez Bontaz en 2017 : livrer à nos clients le bon produit, au bon endroit, au bon moment et à moindre coût. Cela implique le déploiement de process supply chain robustes, avec des organisations et des outils standards. La deuxième étape consiste à placer le digital au cœur de nos opérations. Pour atteindre cette ambition nous sommes en cours de changement d’ERP (Infor LN suite automotive), avec un déploiement mi 2023, et nous avons créé un laboratoire digital en Tunisie qui a pour mission de sourcer des applicatifs ou de les développer en interne via une stratégie Low Code.
Le troisième volet de notre stratégie Supply Chain vise à être capable, à terme, de prendre toutes nos décisions en nous fondant sur l’analyse de scénarii proposés par le système à partir de la data. Cette ambition repose sur une composante technologique - IOT, intelligence artificielle, tour de contrôle, blockchain… - et une composante humaine : Data Analysts, Data Scientists.
Dans quelle mesure la fonction supply chain contribue-t-elle aux objectifs de croissance du groupe ?
Nous avons dans l’équipe corporate de la Supply chain, un collaborateur spécifiquement dédié au développement et à la R&D, dont le rôle est de faire en sorte que, sur l’ensemble des nouveaux projets sur lesquels le groupe candidate, nous puissions proposer à nos clients des designs supply chain optimisés en termes de coûts et répondants au mieux à leurs spécificités en termes de process industriels et logistique. Les offres que nous remettons à nos clients ont maintenant un volet technique, un volet chiffrage économique, mais aussi un volet logistique.
Modéliser nos flux et nos opérations en temps réel pour produire des scénarios prédictifs et préventifs
Qu’avez-vous mis en tête de liste de vos besoins digitaux ?
Le plus simple serait l’IOT, mais ce qui me semble apporter le plus de valeur, c’est la tour de contrôle : une capacité à modéliser nos flux et nos opérations en temps réel pour produire des scénarios prédictifs et préventifs. Nous avons à l’heure actuelle un module de BI (Business Intelligence), que notre laboratoire digital a aussi pour mission de développer pour nous apporter des états de situation sur les points clefs de la supply chain. Avec la DSI, nous avons engagé une refonte complète du data warehouse où nous stockons la donnée entre l’ERP et la BI pour servir de socle à notre future tour de contrôle.
Sur quel type d’applications travaille votre Laboratoire Digital ?
Ce laboratoire existe depuis un an et demi et fonctionne en rythme de croisière depuis six mois. Trois applications ont déjà été sourcées, deux ont été développées et deux autres vont sortir avant l’été. Une de ces applications permet aux clients à qui nous envoyons des prototypes de scanner un QR Code sur le packaging pour en accuser réception et évaluer la qualité de la prestation. Le chef de projet reçoit chez nous ces remarques en temps réel et a la possibilité de réagir instantanément. Une autre application porte sur un processus d’audit interne et la troisième permet la gestion des opérations douanières (flux documentaire, relation avec les transitaires) de manière intégrée, fiable et non redondante.
Quels moyens sont alloués à votre laboratoire digital ?
Nous disposons de moyens limités qui nous obligent à être créatifs. Avec un budget de 100 000 euros par an en moyenne, ce dispositif nous permet de développer en Low Code des dizaines d’applications correspondant à nos besoins métier. Nous pouvons le faire parce que nous avons chez Bontaz une filiale en Tunisie où se trouve un foyer d’ingénieurs de très bons profils qui ont une appétence pour le numérique. Le Laboratoire digital est composé d’un collaborateur à temps plein et de six ingénieurs utilisateurs qui contribuent à hauteur de 15 à 20 % de leur temps. L’intérêt est justement que ces développements sont faits par des utilisateurs pour des utilisateurs, dans un cycle agile très court, en mode test et correction.
Nous allons créer une Supply Chain Académie, qui va permettre de prendre en charge la formation continue et de centraliser l’ensemble de nos connaissances et nos savoir-faire
Comment allez-vous engager la transformation humaine de la fonction supply chain ?
Ces ambitions impliquent une transition qui implique la montée en compétences des collaborateurs de la fonction supply chain et le recrutement de profils plus expérimentés. D’ici la fin de l’année, nous allons créer une Supply Chain Académie, qui va permettre de prendre en charge la formation continue et de centraliser l’ensemble de nos connaissances et nos savoir-faire. Un système de trophées permettra de distinguer les collaborateurs experts sur chaque sujet, susceptibles de devenir des référents pour le groupe et d’aider les autres à progresser.
Dans quelle mesure le contexte actuel de crise vous impacte-t-il ?
Depuis le mois de mai 2021, nos coûts de fret ont explosé. Cela représente au total un surcoût de 300 000 euros. Entre le Maghreb et le les Etats-Unis, ces coûts ont été multipliés par cinq. Cela nous oblige à être très innovants. Nous avons revu nos fréquences d’expédition et nos packagings pour augmenter la densité de nos conteneurs. Nous avons également remis à plat tous nos partenariats au niveau du transport et de la logistique et nous avons sourcé de nouveaux prestataires. Entre le Maroc et les Etats-Unis, nous faisions jusqu’ici appelle à un transitaire. Nous avons supprimé cet intermédiaire pour travailler directement avec la compagnie maritime. Cela nous a permis de revenir sur des coûts de fret, certes deux fois supérieurs au nominal, mais deux fois et demi inférieurs à ce que nous avions en passant par un transitaire.
En ce qui concerne l’Ukraine, nous serons impactés au niveau de nos fournisseurs de rangs deux, trois et quatre. Nous sommes en train d’évaluer l’ensemble de notre chaine d’approvisionnement jusqu’au rang 3 pour prévoir à quel moment précisément nous serons impactés par cette crise. L’Ukraine est notamment un important fournisseur de coke de charbon, qui sert dans la production d’acier, ou encore de gaz néon de qualité semi-conducteur essentiel pour les lasers utilisés pour fabriquer des puces…
EN CHIFFRES
Chiffre d’affaires : 300 M d’€
Effectif total : 4 500 personnes
Effectif Supply Chain : 150 personnes sur neuf pays, dont cinq personnes au niveau corporate : Demand & Material Planning ; Process ; logistique transport et douanes ; packaging ; développement de nouveaux projets.
PORTRAIT
Matthieu Bails (MS Supply Chain Kedge BS) est directeur supply chain du groupe Bontaz. Il couvre les supply chain amont et aval, soit l’ensemble des fonctions approvisionnement et distribution. Par le passé, il a commencé chez Gefco, avant de travailler à la planification industrielle chez Valeo, puis successivement chez Akwel et GMD comme supply chain manager, avant de rejoindre Bontaz en 2018.
Concepts clés et définitions : #Transitaire : définition de cette profession, #Supply Chain : définition, caractéristiques et optimisation