XXII lève 22 millions d’euros et cible la logistique pour grandir
Par Mehdi Arhab | Le | It
XXII, startup spécialisée dans la vision par ordinateur en intelligence artificielle, a levé 22 millions d’euros. Tout un symbole pour cette entreprise qui espère devenir un leader à l’international sur le sujet et cela, sans se renier.
XXII, prononcé « twenty-two », éditeur français de solution logicielle de vision par ordinateur, a bouclé une levée de fonds de 22 millions d’euros. Tout sauf un hasard pour l’entreprise, pionnière en la matière sur le Vieux continent. « Nous sommes très superstitieux, il nous fallait garder les planètes alignées », plaisante William Eldin, co-fondateur et CEO de XXII, qui demeure, avec Damien Mulhem, son associé, à la tête de la startup.
Cette série A, qui fait suite à une première levée de fonds d’1,5 million d’euros en amorçage en 2020, a été menée pour l’essentiel en France par le fonds Innovation Défense de BPIfrance ; 574 Invest, fonds d’investissement du groupe SNCF ; CIB Développement du groupe Colas ; Techmind ; Kima Ventures ; plusieurs business angels et le groupe Duval, investisseur historique de la startup.
Fondée en 2015, elle conçoit et développe en propre une plateforme SaaS qui se caractérise par le paramétrage et la combinaison de différents algorithmes pour analyse de divers flux vidéo en temps réel. XXII emploie plus de 70 personnes, dont les 2/3 sont des ingénieurs, développeurs, doctorants et revendique 2,7 millions d’euros de chiffre d’affaires sur son dernier exercice fiscal à la faveur des licences et abonnements vendus à ses clients. « Il faut y ajouter quelques millions d’euros de chiffre d’affaires sur des pilotes », susurre William Eldin.
Une technologie de pointe et une R&D à la pointe
Le produit de XXII se déploie sur les infrastructures de systèmes de gestion de contenu vidéo (VMS) existants pour décomposer l’espace à partir des captures des caméras. Alors que ce type de technologie est largement décrié par les associations de défense des libertés individuelles, XXII assure de son utilité dans des domaines bien loin de la biométrie et de la reconnaissance faciale, pour le moment interdite en France et susceptible de rendre des outils de ce type discriminatoire. Une manière pour la startup de ne pas renoncer à ses valeurs et sa déontologie ; car si l’aspect sécuritaire a constitué une porte d’entrée, il n’est pas une fin en soi. « Nous ne faisons pas de reconnaissance faciale, nous ne voulons pas en faire et nous nous l’interdisons », clame William Eldin.
La technologie de XXII, boostée à l’intelligence artificielle, permet traiter des images de la même façon que l’œil humain, avant de faire des recommandations et de la classification de manière automatisée. Avec l’objectif d’apporter de l’excellence opérationnelle avant tout pour optimiser et contrôler les actions d’une équipe sur le terrain. Un procédé nouveau pour faciliter la prise de décision et « augmenter » les sens de l’humain, en exploitant la data d’une autre manière. « Nous nous mettons à la place des managers pour les accompagner dans leur quotidien et les aider à voir plus de choses, plus rapidement », explique William Eldin.
Expansion et industrialisation dans tous les sens du terme
Dans un monde où l’intelligence artificielle ne cesse de s’étaler ici et là, XXII espère bien prendre son envol. Ce tour de table récemment opéré doit lui permettre d’enrichir sa technologie et développer des applications spécifiques, de renforcer ses équipes techniques et commerciales, en recrutant notamment une vingtaine d’ingénieurs et de concrétiser son internationalisation dans les 24 prochains mois. Le groupe espère par ailleurs dépasser la barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et devenir rentable dans le même laps de temps.
Si XXII vise prioritairement les États-Unis, la deeptech souhaite également commercialiser son produit dans le reste de l’Europe et au Moyen-Orient également. Après avoir testé sa technologie pendant près de deux ans, l’entreprise compte désormais une cinquantaine de clients, parmi lesquels des communes, des sites privés accueillant du public et nouvellement des grands noms de la restauration rapide. Prochaine étape : sortir des cas d’usage liés à la sécurité et adresser des acteurs du retail, de l’industrie et de la logistique en s’appuyant sur son expertise en tracking multi-caméras.
À la manière de ce qu’elle fait maintenant pour les enseignes du fast-food pour améliorer l’efficacité opérationnelle de leurs points de vente, XXII veut permettre à la Logistique d’améliorer le suivi de colis de valeur et le contrôle de commandes. « Ce sont des marchés nouveaux, sans historique marqué. En intégrant notre technologie à ces secteurs, nous nous ouvrons de nouvelles possibilités et offrons des moyens pour produire mieux. Il peut en effet y avoir de grosses carences dans le suivi des colis et leur traitement opérationnel », soutient William Eldin.
« Un outil révolutionnaire »
Dans marché somme toute porteur et prometteur, mais ultra-concurrentiel, XXII, récente lauréate du French Tech DeepNum20, a donc quelques atouts à faire valoir avec sa technologie brevetée. Cette récente levée de fonds représente d’ailleurs un sacré coup d’accélérateur pour faire rayonner son savoir-faire et son avance technologique. Reste maintenant à les matérialiser précisément et rester dans la course face notamment aux géants américains et chinois du secteur.
Nous voulons être un leader mondial et nous avons tout en main pour le devenir : la technologie, une équipe soudée et qui se connaît sur le bout des doigts, des centaines de cas d’usages qui répondent à des besoins établis et des clients qui nous soutiennent
« Les perspectives sont immenses. Aucun leader ne s’est encore vraiment exprimé. Toutefois, un chat GPT de la vision par ordinateur arrivera à un moment ou un autre. Les acteurs du marché sont des mastodontes, capables de tout renverser en l’espace de quelques mois. Mais nous sommes certains que cet outil est révolutionnaire. Nous sommes sur le bon chemin. Nous voulons être un leader mondial et nous avons tout en main pour le devenir : la technologie, une équipe soudée et qui se connaît sur le bout des doigts, des centaines de cas d’usage qui répondent à des besoins établis et des clients qui nous soutiennent. Notre manière de faire est bien différente de celle des industriels et c’est comme cela que nous parviendrons à nous industrialiser », conclut William Eldin.