Baromètre des risques Kyu : Le temps de l’action
Par Guillaume Trecan | Le | Consultant
Les organisations supply chain vivent une transformation en profondeur pour gagner en capacité à prévoir et amortir des risques de plus en plus intenses, si l’on en croit la quatrième édition du Baromètre des risques supply chain réalisé par le cabinet Kyu Associés en partenariat avec France Supply Chain, l’Amrae et l’école des Arts et Métiers.
Le Baromètre des risques Supply Chain édité chaque année par le cabinet Kyu Associés ne déçoit jamais : chaque année apporte son nouveau contingent de risques, qu’on jurerait plus intenses que ceux des années précédentes. En 2022, 52 % des professionnels interrogés ont subi plus de dix crises majeures. En moyenne, en 2022, ce sont 19 risques majeurs qui se sont matérialisés pour chacun des répondants à cette étude.
Nous nous trouvons en présence de supply chain qui ne sont pas adaptées au monde dans lequel elles évoluent
Force est de constater que la mondialisation n’est plus ce qu’elle était. « Nous sommes passés en quelques années d’un monde assez certain et pour lequel les supply chain avaient été bâties à un monde beaucoup plus turbulent avec une succession de crises qui ne sont pas des épiphénomènes et qui ont tendance à se répéter. Et nous nous trouvons en présence de supply chain qui ne sont pas adaptées au monde dans lequel elles évoluent », assène Thibaud Moulin. Pour ces organisation supply chain, « le défi se joue entre agilité et se transformer de façon durable ».
Risques capacitaires
En tête des risques supply chain figure comme l’an dernier le manque de capacité global des supply chain. Un risque que pourrait aggraver le deuxième de la liste : la hausse des coûts. « Les acteurs de la supply chain n’ont pas forcément la possibilité de répercuter ces hausses sur leurs prix de vente. Il y a donc un risque de défaillances d’entreprise en 2023 », prévient Thibaud Moulin. Cette casse a déjà produit des effets dans le reste du monde et aggrave une situation de rareté des ressources qui nourrit le climat pénurique mondial.
Risques cyber
Le risque cyber demeure à une honorable troisième place et concerne plus particulièrement les petits et moyens acteurs des panels fournisseurs. « Dans des rangs plus éloignés de la supply chain, des entreprises n’ont pas les mêmes capacités d’investissement et n’ont pas les infrastructures qui leur permettent de se protéger vis-à-vis de ce risque », note Thibaud Moulin, qui met en garde : « La fréquence de ces attaques fait craindre sur la supply chain de nombreuses perturbations. »
« Toutes les infrastructures informatiques des grands donneurs d’ordres dépendent de plus en plus de fournisseurs de systèmes d’information souvent dans le cloud qui sont aussi potentiellement sujet à des attaques. Ils sont des cibles privilégiées pour les hackers, qui en les attaquant peuvent impacter le très grand nombre d’entreprises qui les utilisent », complète l’expert du cabinet Kyu Associés.
Risques géopolitiques
Les risques géopolitiques, évidemment, surgissent à la quatrième place. Ils n’avaient en effet pas pu être pris à leur juste mesure dans la précédente enquête, conclue avant le début de l’offensive russe en Ukraine. Mais à en croire Thibaud Moulin, le pire reste à venir. « Les conséquences des tensions entre Chine et Etats-Unis au sujet de Taïwan seraient beaucoup plus importantes », prévient-il, avant de rappeler que Taïwan représente 65 % du volume de semi-conducteurs mondial. Plusieurs entreprises prennent d’ailleurs la mesure de ce risque et commencent à prendre en considération le concept de Friend Shoring pour orienter leur sourcing vers des pays amis.
Risques logistiques
Arrivant à la cinquième place, les tensions logistiques se sont légèrement détendues, du fait d’une baisse des affrètements sur le fret maritime, mais la pénurie de chauffeurs routiers qui demeure patente maintient ce risque à un niveau élevé. Cette situation, combinée à une grande volatilité de la demande, entraine d’ailleurs une envolée du niveau moyen des stocks en Europe de l’ordre de 80 milliards d’euros contre vingt à quarante milliards d’euros avant la crise Covid.
Risques climatiques
La crise climatique a également connu une année faste en 2022 avec des sécheresses en Europe, au Brésil et en Chine, des inondations, au Pakistan en Australie, en Chine et en Afrique du Sud, des tempêtes destructrices en Amérique du Nord. « Les supply chain de demain doivent travailler leur capacité à gagner en résilience face à ces sujets », estime Thibaud Moulin.
Une transformation du sourcing à l’œuvre
Parmi les solutions mises en avant par les répondants à cette étude, l’augmentation du double sourcing et le développement des sources locales demeurent en tête des leviers cités et passent respectivement de 64 % à 71 % et de 54 % à 68 % de citation entre 2021 2022. L’intégration de savoir-faire critiques demeure à un niveau très élevé, cité par 46 %. Tout de suite après, les relocalisations font un bond notable et passent de 25 % à 43 % en un an.
Cité par 54 % des répondants, le fait de déployer un sourcing plus respectueux de l’environnement apparait cette année dans le top 3 des leviers. « La décarbonation de la supply chain a fait l’objet de travaux importants de la part de nos clients. L’effort se porte sur le scope3 », confirme Thibaud Moulin qui rappelle que la taxonomie financière les oblige à définir des trajectoires. C’est une réponse aux risques de conformité mais également un levier de performance supply. « Cela répond aussi à des enjeux d’agilité. Raccourcir ses flux d’approvisionnements améliore les leadtime de l’entreprise », note Thibaud Moulin.
Se transformer pour mieux prévoir
A en croire les experts du cabinet Kyu Associés, de profonds changements sont également à l’œuvre pour gagne en prédictibilité. « Les entreprises travaillent sur leurs modèles de prévision et font évoluer leurs processus de planification pour absorber cette incertitude. Elles doivent acquérir une capacité à s’adapter plus rapidement, mieux connaître leurs marchés, prendre en considération les contextes macro-économiques de façon plus précise », explique Thibaud Moulin, qui précise que ce travail est largement facilité par l’évolution des technologies.
« 2022 est l’année de la maturité. En tant que cabinet de conseil, nous sommes sollicités pour transformer le management de la supply chain, le management de des organisations pour qu’elles soient en capacité de gagner en visibilité. Les grands donneurs d’ordres sont en train de se transformer, de mettre en œuvre des solutions organisationnelles, informatiques, des processus et des stratégies pour être résilients face à ces risques », conclut Laurent Giordani, associé fondateur du cabinet Kyu.