Logistique

JLL : « L’éloignement des bassins logistiques des marchés historiques est une tendance forte »

Par Guillaume Trecan | Le | Immobilier

Olivier Durif, directeur France leasing Supply Chain Logistics Solutions chez JLL souligne l’effet d’essaimage des projets d’immobiliers logistiques XXL au-delà des grandes métropoles, où les mètres carrés disponibles se font rares.

JLL : « L’éloignement des bassins logistiques des marchés historiques est une tendance forte »
JLL : « L’éloignement des bassins logistiques des marchés historiques est une tendance forte »

Avez-vous été surpris par les résultats de cette étude qui révèlent que le marché de l’immobilier logistique français a continué à croître au premier trimestre 2022 ?

La confirmation, par cette étude, du dynamisme du marché des entrepôts logistique de classe A placés, au premier trimestre 2022 est allée au-delà de nos attentes. Nous constatons une très forte dynamique depuis cinq ans, après qu’une marche a été franchie et, depuis 2020, année de la pandémie, l’activité de l’immobilier logistique a encore retrouvé de l’intensité. Après la croissance du marché en 2021, nous nous attendions à une certaine stabilité au premier trimestre 2022 et au lieu de cela, nous enregistrons une progression de 23 % par rapport au premier trimestre 2021. Sur douze mois glissants, on approche de quatre millions de mètres carrés transactés, alors qu’en 2021, on était à 3,6 millions.

Qu’est-ce qui vous faisait attendre un atterrissage du marché ?

Sur l’ensemble du territoire hexagonal, il devient très compliqué de trouver chaussure à son pied. Sur l’île de France et sur la région Rhône-Alpes, le taux de vacance des entrepôts existants est d’environ 2 %, ce qui est extrêmement faible. Nous avons peut-être trop tendance à réfléchir sur les principaux marchés - Paris, Lyon, Marseille, Lille - et nous voyons qu’il y a une vraie dynamique à l’œuvre en dehors de ces marchés, sur des territoires jusqu’alors peu étudiés.

Les développements logistiques à proximité de l’île de France aujourd’hui se font sur la « route des cathédrales », un concept de quatrième cercle qui inclut Troyes, Reims, Orléans, Chartres, Rouen, Amiens

Jusqu’où les clients de l’immobilier logistique s’éloignent-ils des grandes métropoles ?

L’éloignement des bassins logistiques des marchés historiques est une tendance forte montrée par cette étude. Ce phénomène d’irrigation au-delà des grandes métropoles était déjà acté avec l’émergence du marché d’Orléans, devenu un marché logistique mature. Nous mettons maintenant le département de l’Oise dans l’île-de-France. Les développements logistiques à proximité de l’île de France aujourd’hui se font sur la « route des cathédrales », un concept de quatrième cercle qui inclut Troyes, Reims, Orléans, Chartres, Rouen, Amiens… C’est sur ce périmètre que l’on trouve actuellement les développements XXL qui stimulent la dynamique de notre marché. Le même phénomène se produit autour de Lyon. Comme plus un seul mètre carré n’y est disponible, la demande se déplace vers Roanne, Valence, Mâcon… On peut noter au passage que c’est assez dommageable du point de vue de l’empreinte carbone. Mais il n’y a pas eu de programmation foncière pour accueillir de la logistique.

Retrouve-t-on le même phénomène sur l’arc atlantique ?

L’arc atlantique est effectivement également en forte croissance démographique, autour des villes de Nantes, Poitiers ou encore Bordeaux. Il est difficile de trouver des fonciers pour développer des projets logistiques autour de Bordeaux et même plus au sud mais à l’inverse des projets sont à des stades très avancés du côté de Cholet, Poitiers, Nantes ou encore Angers.

Nous sommes sur un marché très tendu et les prix progressent quotidiennement

Comment évoluent les prix locatifs dans ce contexte tendu ?

Nous sommes sur un marché très tendu et les prix progressent quotidiennement. La parfaite illustration de ce phénomène c’est que les valeurs les plus élevées sur chacun des principaux marchés - Lille, Paris, Lyon, Marseille - ont toutes été actées en 2021 sur des bâtiments existants et non pas sur des bâtiments à construire, pour la simple raison que ce sont ces bâtiments qui étaient disponibles dans les meilleurs délais. C’est contre-intuitif mais la réalité est là.

Doit-on s’attendre à un atterrissage à court ou moyen terme ?

Non, nous pensons que, sur le marché français, nous sommes aussi en train de rattraper un retard par rapport à nos voisins Européens en termes de valeur locative. A l’instar de l’Allemagne, tous les autres pays frontaliers affichaient des valeurs locatives bien plus importantes, avec les mêmes acteurs, les mêmes locataires, les mêmes occupants et des investisseurs internationaux qui, eux, ont une vision globale et qui sont en train de rattraper ce retard. Entre 2019 et fin 2021, en l’espace de 24 mois les valeurs locatives ont crû de 10 à 20 % et même 25 % sur certains points. À Lyon, par exemple, la valeur « prime » en 2019 était de 48 euros du mètre carré, aujourd’hui, les propriétaires nous demandent de la commercialiser au-delà de 60 euros.

Quels sont les secteurs d’activité qui dopent la croissance du marché ?

Outre l’e-commerce, la grande distribution est un des moteurs de la demande avec un phénomène de mutualisation d’un certain nombre de sites sur un seul. Il y a aussi quelques cas particuliers d’industriels comme par exemple le groupe Seb qui s’est fait construire un entrepôt de plus 100 000 mètres carrés dans le Nord de la France l’année dernière.