Gabriel Franc : « Les contraintes réglementaires poussent à un renchérissement des projets »
Par Guillaume Trecan | Le | Immobilier
Le directeur général du groupe Franc Architectures revient sur les évolutions du marché de l’immobilier logistique, marqué par des contraintes environnementales plus importantes, qui poussent ses équipes à développer des compétences supplémentaires, notamment en AMO.
Quelles sont les particularités du bâtiment A5 Actilogis que vous avez livré dernièrement à Nexity sur la commune du Réau (77) ?
Ce bâtiment de près de 70 000 m2 se différencie, dans sa conception, par le fait de proposer des cellules dos à dos, avec une rangée de cellules de chaque côté disposant toutes de leur propre quai de chargement. Le bâtiment est très épais et a été construit avec des cellules de différentes tailles. Il est aussi particulier par sa qualité. Il intègre des bureaux qui peuvent faire fonction de siège social en support de l’activité logistique. Il est certifié BREEAM Very Good, détient le label Biodivercity et il est équipé avec une couverture de panneaux photovoltaïques permettant de couvrir plus de 11 % de la consommation électrique du site. Ce projet a été livré au fonds d’investissement Clarion Partners Europe par Nexity, selon un schéma qui se répète régulièrement à présent, le terrain étant acheté et les bâtiments construits en blanc, sans que l’on connaisse les clients. L’intégralité de ce bâtiment vient d’être louée à XPO, qui va pouvoir tirer parti de sa modularité.
Comment ce type de projets s’inscrit-il dans l’ensemble des projets développés par le groupe Franc Architectures ?
Le standard des projets sur lesquels nous travaillons aujourd’hui, ce sont des bâtiments de plus de 60 000 m². A Rouen, nous avons par exemple obtenu un permis de construire pour un bâtiment à étage pour Amazon de 200 000 m². Avec Pitch Promotion (filiale d’Altarea) avec qui nous travaillons, nous avons un projet de 45 000 m² à Béziers. Nous avons aussi obtenu un permis de construire dans le Nord pour un projet de 100 000 m². Le groupe a pivoté dans les années 2000 vers des projets de parc d’activités et de bâtiments dédiés à la logistique. La logistique et les parcs d’activités représentent aujourd’hui 60 % des projets à l’échelle de l’agence Franc, 40 % à l’échelle du groupe. L’agence Franc a ainsi construit, ces quinze dernières années, cinq millions de mètres carrés d’entrepôt et 800 000 m2 de parc d’activité. Nous travaillons aussi sur de plus petits projets de 5 000 à 20 000 m2 pour des bâtiments destinés à des PME ETI dans des parcs d’activités.
Il y a deux ans, dans la logistique, les taux de capitalisation étaient de plus de 6 %, aujourd’hui ils sont de 3 %
Comment voyez-vous évoluer le marché de l’immobilier logistique ?
Il y a deux ans, dans la logistique, les taux de capitalisation étaient de plus de 6 %, aujourd’hui ils sont de 3 %. Cela rend le marché de l’immobilier logistique très attractif pour des investisseurs et il devient possible de construire des bâtiments plus chers et également d’acheter des terrains plus chers. Nous avons une typologie de clients qui s’intéresse à des fonciers de plusieurs dizaines d’hectares, charge à eux de les aménager, sur lesquels plusieurs bâtiments seront construits.
Parallèlement à ces évolutions, les contraintes réglementaires poussent également à un renchérissement des projets. Auparavant, il était admis de pouvoir rendre des zones constructibles, soit parce qu’elles étaient identifiées comme des réserves foncières dans les PLU, soit parce qu’il s’agissait de nouvelles zones à aménager. La loi de non-artificialisation des sols change la donne. Il n’est plus possible de transformer des terres agricoles ou forestières en zone logistique ou de commerce.
Quelle influence cela a-t-il sur vos projets ?
Tous nos projets viennent s’insérer dans ces contraintes avec un volet lié à la partie pollution. Ce sont des étapes qui rallongent le processus. La plupart du temps ces friches industrielles sont à proximité de villes et il faut en tenir compte dans la construction, en construisant le plus souvent à étage. Il faut aussi faire face au paradoxe d’une volonté affichée par le gouvernement et les autorités territoriales de densifier, mais de volontés locales divergentes, notamment du fait du trafic généré par les bâtiments logistiques. Le tout a tendance à rallonger les projets et à les rendre plus coûteux mais cela va quand même dans le bon sens. Quand nous construisons un bâtiment, nous devons penser que ce sont des outils qui peuvent être rasés, reconstruits, modifiés.
Nous estimons quel sera l’impact carbone de la démolition dans nos projets
Intégrez-vous la notion de fin de vie de vos bâtiments dès leur conception ?
Non seulement nous l’intégrons, mais les promoteurs investisseurs l’intègrent également financièrement dans leur bilan. Nous estimons aussi quel sera l’impact carbone de la démolition dans nos projets, mais nous n’utilisons pas de matériaux polluants ou nécessitant des déconstructions compliquées. L’impact de nos projets tient surtout à l’artificialisation et à la perméabilisation des sols.
Ces nouvelles tendances vous incitent-elles à rechercher de nouvelles compétences pour vos équipes ?
Cette tendance a comme effet de réduire la part de notre activité réellement dédiée à l’architecture. Avant que cette phase débute, nous dépensons beaucoup d’énergie dans la gestion de projet en discutant avec les collectivités locales, les pompiers, la Dreal, les autorités environnementales, le bureau d’études qui s’occupe de la certification environnementale, celui qui traite les dépollutions, etc. Les sociétés dédiées à cette gestion de projet, les AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage) sont de plus en plus nombreuses, mais c’est un rôle que nous assumons aussi sur 20 % de nos projets logistiques. Les architectes que nous engageons doivent donc avoir ces capacités d’organisation, de synthèse, de gestion de projets et une bonne dose de courage et de pro-activité pour être capables de mobiliser tous ces interlocuteurs. Les aspects juridiques et réglementaires sont aussi très importants.