TD Synnex : « Je recherche 80 % des gains de productivité tout de suite, sur le terrain »
Par Guillaume Trecan | Le | Retail
Cédric Derville, directeur logistique de TD Synnex France, révèle les gains de productivité qu’il tire du déploiement du lean dans son entrepôt proche de Marne-la-Vallée. Une recherche de productivité jouant sur des solutions concrètes rapidement déployable qui porte ses fruits et permet aux équipes de monter en compétences.
Quel est votre périmètre de responsabilité ?
Je dirige la logistique de TD Synnex en France. TD Synnex est un grossiste informatique leader mondial qui distribue en France 10 000 colis, et entre 300 à 800 palettes par jour en BtoB pour un chiffre d’affaires annuel de 2,8 milliards d’euros. Nous expédions nos produits depuis un entrepôt dont de 48 000 m2 dont nous sommes propriétaire, situé à proximité de Marne-la-Vallée. L’équipe logistique varie entre 150 et 200 personnes en fonction de nos pics d’activité.
La productivité est aussi un sujet de management
Sur quels axes de performance travaillez-vous ?
La productivité est une de mes principales priorités. Gagner en productivité implique de la flexibilité, ce qui dépend en grande partie du confort utilisateur. La productivité est aussi un sujet de management, les équipes travaillent dans de bonnes conditions et sont impliquées. La réduction des coûts de transport fait également partie de mes préoccupations. J’utilise pour cela des leviers de consolidation des expéditions mais aussi un approfondissement du travail avec nos clients pour trouver les meilleures combinaisons. La baisse des coûts de transport s’inscrit également dans la démarche Fret21 dans laquelle nous nous sommes engagés en vue d’une labellisation en 2024.
Avez-vous mis en place des solutions technologiques d’amélioration de la productivité ?
Nous faisons tout pour lutter contre les déplacements inutiles. Notre équipement actuel est assez léger. Nous avons un convoyeur d’environ trois kilomètres. Nous avons aussi adopté des préparateurs de commandes T-Mote de Toyota qui suivent l’opérateur lorsqu’il évolue dans les allées de l’entrepôt. Nous avons globalement fait tout ce qu’il était possible de faire en low tech et nous sommes en réflexion pour des solutions medium ou high tech d’automatisation. Cette réflexion s’inscrit dans une réflexion plus large consistant à savoir comment nous pouvons accompagner la croissance de notre activité sur les dix à quinze prochaines années. Sans attendre l’aboutissement de cette réflexion, nous avons entrepris d’agir sur tout le reste pour avoir un retour sur investissement immédiat. Je recherche 80 % des gains de productivité sur le terrain, avec des choses simples, tout de suite, avec le levier du lean.
Un entrepôt est une usine en mouvement, avec des flux
Comment appliquez-vous à la logistique ce levier du lean prévu pour des usines ?
Un entrepôt est une usine en mouvement, avec des flux. L’un des leviers du lean repose sur la combinaison de trois principes : Gemba, Gembustu et Genjitsu. Ce sont trois réalités sur lesquelles peut naître toute décision éclairée : les données, les process et le terrain. C’est sur le terrain que les choses se passent et que l’on peut résoudre les problèmes, très souvent en agissant sur ce qui semble un détail. Dès que nous identifions une problématique, nous agissons tout de suite, pour appliquer une solution. Nous recherchons collectivement une bonne idée, nous la testons, nous la dupliquons de sorte à obtenir 80 % de gain immédiat et nous passons au sujet suivant. Les 20 % restants seront le fruit de prochains chantiers d’amélioration. C’est ça, l’amélioration continue. Par exemple, nous avons installé un grand panneau dans l’entrepôt sur lequel chaque opérateur ou manager peur inscrire ce qui lui semble être important pour progresser et nous y répondons dans l’immédiat sans tabou. C’est le « Voice of Employees » ou « l’anti-boite-à-idées.
Comment introduisez-vous ce temps de réflexion dans le temps opérationnel ?
La réflexion part du terrain et remonte jusqu’au management. Chaque jour, réparties par atelier, les équipes consacrent cinq minutes à un briefing qui permet de remonter de l’information et d’en redescendre. Dix minutes sont consacrées à l’information des managers par les chefs d’équipe et je prends trente minutes avec ces managers, directrice transport, directeur d’exploitation, etc.
Nous sommes en train de déployer l’outil Mappsy de HLP, une solution française qui permet de piloter la performance des opérations dans l’entrepôt
Pour gagner en efficacité sur ce sujet, nous avons implanté des solutions digitales. Nous sommes en train de déployer l’outil Mappsy de HLP, une solution française qui permet de piloter la performance des opérations dans l’entrepôt, avec un tableau de bord dynamique qui intègre comme des widgets tous les éléments que l’on souhaite y mettre. Nous implantons des QR Code dans l’entrepôt qui permettent aux opérateurs de valider la réalisation de différentes tâches ; comme par exemple le fait de libérer les couloirs piétons, ou encore de vider les chutes de colis… Toutes les missions à exécuter dans l’entrepôt remontent ainsi sur le tableau de bord visible par tous les opérateurs et les managers qui sont ainsi responsabilisés. Cela permet aussi de déclarer des incidents et d’engager une action de la part de l’équipe en charge de la sécurité. Grâce à cet outil, nous sortons du mode action réaction et nous passons en mode proactif. Grâce à cette méthode, nous avons enregistré 30 % de performance additionnelle.
Pouvez-vous présenter un exemple d’idée venue du terrain dont vous avez tiré des gains de productivité ?
Nous avons par exemple suivi la suggestion d’un opérateur qui injecte les colis sur quatre convoyeurs à la fois et a proposé qu’on lui installe un écran de contrôle et des caméras sur chaque convoyeur, afin de gérer plus rapidement et plus efficacement l’injection des colis. Cette idée a permis de synchroniser le remplissage de ces convoyeurs et qu’il n’y ait pas de temps mort en bout de chaine. Nous avons ainsi gagné près de 30 % de productivité sur ce flux.
Comment mesurez-vous les résultats de cette démarche lean ?
En 2018, l’entrepôt français était classé dernier d’Europe en termes de productivité et qualité, parmi les entrepôts du groupe au Royaume Uni, au Benelux, dans les pays ibériques, en Allemagne, en Pologne, et dans les Pays Scandinave. Deux ans plus tard, nous étions classés à la première place. TD Synnex France a également été désigné Distributeur de l’année dans la catégorie logistique du Contextworld Channelwatch, fondé sur les NPS attribué par ses clients, en 2019, 2020, 2021 et 2023.
Comment faire en sorte que ce déploiement du lean soit accepté par les équipes et pas perçu comme un gain de compétence et pas un excès de contrôle ?
Les idées viennent de nos collaborateurs. Ils sont écoutés, leurs remarques sont prises en compte et leurs idées sont récompensés. Tous les collaborateurs peuvent notifier la performance d’un de leur collègue et lui attribuer des points sur la plateforme Celebrate, sur Workday. Avec un certain nombre de points le collaborateur peut s’acheter des goodies sur Celebrate.
Nous avons aussi fait en sorte que cette démarche se traduise par de la montée en compétences
Nous avons aussi fait en sorte que cette démarche se traduise par de la montée en compétences, en formant nos 18 encadrants de la logistique ainsi que qu’une quinzaine de managers d’autres fonctions de l’entreprise à la certification Green Belt. Cette formation, dispensée en 2018, leur a permis de prendre conscience que leurs 20 à 25 années d’expérience dans l’entreprise avaient de la valeur. Entre 2022 et 2023, ils sont ensuite allés former les 650 autres collaborateurs du groupe avec une certification interne White Belt.
Quelle est l’étape suivante ?
Nous travaillons maintenant avec Celonis pour développer un outil de mesure du taux de service client. Cela va permettre de piloter l’ensemble de l’organisation en identifiant systématiquement les chantiers d’amélioration à déployer capable d’améliorer la qualité de service perçue par nos clients.