Manutan améliore sa logistique en confiant ses retours clients à l’ESS
Par Guillaume Trecan | Le | Retail
A l’issue d’une année de tests réussis, le distributeur en ligne Manutan réoriente désormais tous ses retours clients traités par son entrepôt des Deux-Sèvres vers l’entreprise sociale et solidaire Raivalor. Résultat, Manutan réduit sa démarque, son coût de traitement des retours clients et libère son prestataire logistique d’une activité perturbatrice.
Depuis juin dernier, la branche Collectivités du distributeur Manutan réoriente vers l’entreprise de l’économie sociale et solidaire Raivalor ses flux de retours clients destinés jusqu’ici à son site logistique de Bressuire dans les Deux-Sèvres. Des produits refusés par les clients, du fait d’une avarie de transport affectant le colis ou d’une erreur de commande. « C’est une importante cause de démarque pour les distributeurs à distance et nous devions trouver une solution pour être plus responsables sur le traitement de ces retours, aussi bien d’un point de vue économique, qu’écologique et sociale », résume le directeur général adjoint et ancien directeur des opérations de Manutan Collectivités, Vincent Sans, qui se réjouit d’aller plus loin avec Raivalor spécialisée dans la réinsertion de personnes durablement éloignées de l’emploi.
De deux à dix salariés en réinsertion employés
Les volumes de rebuts à traiter mobilisent pour l’instant deux salariés de Raivalor et pourraient à terme nécessiter neuf à dix salariés. Vincent Sans fera le point dans un an, mais les perspectives sont prometteuses. « Pour l’instant, nous n’avons réorienté que le flux de notre entrepôt dans les Deux-Sèvres, mais nous envisageons également d’intégrer l’intégralité de nos flux retour, y compris ceux de nos fournisseurs », se projette le DGA de Manutan Collectivités.
Au total, Manutan Collectivités réalise 130 000 livraisons par an pour un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros (850 millions d’euros pour le groupe). Environ 20 % des flux de cette branche du distributeur en ligne passent par l’entrepôt européen du groupe à Gonesse (93) ; 30 % sont stockés chez un partenaire à Niort sur 12 000 m2 et les 50 % restants sont pris en charge par les fournisseurs de l’entreprise. Manutan distribue ses produits à ses clients en direct ou via des partenaires installateurs.
Sur le seul site de Bressuire, nous avions à peu près 60 bennes de 40 m3 de déchets par an, liés à du rebut de produits ayant fait un aller-retour
A l’origine de cette initiative, Manutan a effectué une analyse de ses produits refusés avec l’éco-organisme Valdelia. Verdict ? « Sur le seul site de Bressuire, nous avions à peu près 60 bennes de 40 m3 de déchets par an, liés à du rebut de produits ayant fait un aller-retour », révèle Vincent Sans. Avec Raivalor, son ambition n’est rien moins que réduire à deux bennes par an, les déchets issus de ses retours.
Un an de test pour définir le bon fonctionnement
Lancé en mars, ce projet de recyclage des rebuts a d’abord été interrompu par les conséquences d’une cyber-attaque qui a frappé le groupe fin février et dont il a mis plusieurs mois à se rétablir. Il a été repris en fin d’année 2021. « Nous avons commencé par envoyer vers eux plusieurs semi-remorques, sans changer le flux durablement, pour leur permettre de tester leur capacité à traiter les retours et pour que nous puissions écrire le cahier des charges, les procédures et bien caler le fonctionnement. »
Depuis fin juin, tous les flux messageries de petits colis sont déroutés vers Raivalor. Suivant les cas, l’ESS reconditionne les produits qui n’ont pas été abîmés, identifie ceux susceptibles d’être revendus en seconde main. Les produits retournent ensuite sur l’entrepôt de Bressuire pour qu’ils soient réintégrés dans le stock. Se faisant, Manutan Collectivités réduit ainsi sa démarque et améliore donc sa marge.
A l’avenir une activité de réparation ou de repeinte des produits légèrement détériorés dans le transport pourrait aussi être développée. « Pour les produits qui ne peuvent être ni revendus, ni réparés, nous faisons dont de la matière à cette entreprise spécialiste du recyclage », complète Vincent Sans.
Délester le prestataire logistique d’une activité perturbatrice
Réduction des déchets, coup de pouce à l’insertion sociale, réduction de la démarque, mais aussi diminution du coût de traitement des retours. « Le traitement d’un retour coûte aujourd’hui légèrement moins cher que ce qui était facturé par notre prestataire logistique de Bressuire pour la réception, le déchargement et le traitement des produits retournés par les clients. Cela a également permis de délester notre logisticien de ces flux en vrac relativement consommateurs en m2 qui perturbaient son fonctionnement. Le traitement des retours est un irritant non négligeable dans le processus logistique d’un entrepôt classique et il est difficile de prendre le temps nécessaire sur ces produits pour leur donner une autre issue », analyse Vincent Sans.
Ce projet nous permet de constituer une base de produits pour tester une activité de revente de produits d’occasion
Un cinquième avantage ressort de l’expérience lancée avec Raivalor, qui permet à Manutan d’étoffer son offre de produits de seconde main. « Ce projet nous permet de constituer une base de produits pour tester une activité de revente de produits d’occasion », note ainsi Vincent Sans. Cette expérience de reverse supply chain est d’autant plus intéressante que l’article 63 de la loi Agec impose au distributeur la reprise de matériel usagés. Une obligation qui doit être précisée, puisqu’elle n’est pas évidente à mettre en œuvre pour des produits encombrants qui nécessitent un démontage. « c’est plus simple pour une transaction en magasin où le client peut revenir avec son produit, que pour une transaction de vente à distance, a fortiori pour un produit monté. »
Prendre du recul par rapport à une culture de l’immédiateté
De cette expérience, Manutan retire une autre retombée positive au niveau de sa culture d’entreprise. Les équipes, traditionnellement focalisées sur la rapidité et le digital ont dû apprendre à admettre un autre mode de fonctionnement. « Nous sommes toujours dans la quête de l’immédiateté et de la performance et travailler avec une association comme Raivalor force tous ceux qui vont travailler sur ces flux à changer de paradigme, mais cela suscite de l’élan parce que cela a beaucoup de sens pour nos collaborateurs. » La responsable logistique est par ailleurs devenue marraine de l’association.
Pour que ce genre d’initiative fonctionne, toutes les parties prenantes doivent y voir leur intérêt et c’est le cas en l’occurrence
« Pour que ce genre d’initiative fonctionne, toutes les parties prenantes doivent y voir leur intérêt et c’est le cas en l’occurrence : Raivalor a plus d’activité pour pouvoir réinsérer des personnes éloignées de l’emploi, notre entrepôt gagne en efficacité en se voyant enlever un flux qui le pénalisait et en diminuant notre démarque, nous améliorons notre marge », conclut Vincent Sans.
Cette initiative complète beaucoup d’autres projets lancés par le groupe dans le champ de la RSE : sélection d’une offre de produits verts, réduction de l’impact carbone de ses flux logistiques avec Fret 21, reconditionnement de matériel informatique.