Biocarburants, report modal … la recette de Cristalco pour décarboner son transport
La filiale commerciale de la coopérative sucrière Cristal Union s’est engagé il y a près de deux ans dans une démarche Fret21. Et les premier résultats enregistrés dépassent toutes les attentes de la direction supply chain qui a lancé d’importantes actions en matière de report modal et d’intégration de carburants alternatifs. Jean-Marc Sarrazin, directeur supply chain de Cristalco, présentera sa démarche sur l’atelier « #Décarbonation : quelles mutations intermodales pour réduire l’empreinte environnementale du transport de fret ? », lors des Supply Days qui se tiendront les 4 et 5 mars prochains.

Si le transport aval n’est pas la composante la plus lourde de l’empreinte carbone de Cristal Union, du fait de ses process industriels particulièrement gourmands, « ce n’est pas pour autant qu’il faut imaginer qu’il ne puisse pas apporter sa pierre à l’édifice et participer à l’atteinte de nos objectifs de décarbonation », nous rappelait dans un entretien Jean-Marc Sarrazin, directeur supply chain de Cristalco, la filiale commerciale de la coopérative sucrière. En ce sens, lui et Thierry Gribet, directeur logistique et S&OP, ont engagé leur structure dans une démarche Fret21.
Alors que ses outils industriels comptent parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et consommateurs d’eau, Cristal Union a entrepris il y a près de 20 ans un important projet de transformation de ses sucreries et distilleries. Son programme vise à verdir en profondeur son activité industrielle. Et les résultats n’ont pas tardé à se faire ressentir. Après être parvenu à réduire de 15 % ses émissions carbone et de près de 10 % sa consommation d’énergie, Cristal Union s’est de nouveau engagé sur un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 23 % entre 2019 et 2030, sur l’ensemble de ses scopes 1, 2 et 3. Cet objectif, validé par l’initiative Science-Based Targets (SBTi), a été dépassé en 2023, avec sept ans d’avance donc. En matière de gestion de l’eau, le groupe se pose aussi comme un précurseur, avec des prélèvements d’eau divisés par 3 entre 2010 et 2024. Dès cette année, toutes ses sucreries seront autonomes en eau. Il s’avère d’ailleurs que cinq sur huit l’étaient déjà à la fin d’année 2024. Dans l’ensemble, à l’horizon 2050, la coopérative vise tout bonnement l’autonomie énergétique de ses sucreries, en utilisant notamment une partie de ses pulpes de betteraves comme combustible.
Dans le cadre de cette démarche, nous nous sommes engagés à réduire nos émissions carbones de 7 % d’ici 2026, soit 3 000 tonnes économisées par rapport à notre année de référence
Le projet Fret21, initié en février 2023 pour trois ans, s’inscrit donc dans cette même volonté d’amélioration et de respect de l’environnement. « Dans le cadre de cette démarche, nous nous sommes engagés à réduire nos émissions carbones de 7 % d’ici 2026, soit 3 000 tonnes économisées par rapport à notre année de référence », expliquait Jean-Marc Sarrazin.
Une trentaine de flux engagés
« Au regard de nos flux, de nos enjeux transports et de la politique menée par la coopérative, Fret 21 apparaissait comme la meilleure solution qui s’offrait à nous. L’engagement dans la charte et cette démarche de labellisation nous permet de passer à un niveau de maturité supérieur », embrayait de son côté Thierry Gribet. En moyenne, Cristalco transporte et vend pas moins deux millions de tonnes de sucres, trois millions d’hectolitres d’alcool et tout autant de bioéthanol. « Le tout représente un peu plus de 100 000 commandes à exécuter par an au départ des 13 sites de production de la coopérative en France, sans oublier de ses quelques centres de stockage », nous précisait Jean-Marc Sarrazin. Les flux de Cristalco sont donc nombreux, mais ils sont aussi variés.
Le ferroviaire gagne du poids mais il est encore assez difficile de le quantifier précisément
Et si la majorité des flux avals sont opérés sur la route (et continueront de l’être en grande partie) par des camions vracs, Cristalco a tout de même lancé une dizaine d’actions, dont certaines intègrent des reports modaux, avec la mise en place de nouvelles solutions multimodales. « La route se prête assez bien à notre activité de distribution directe vers nos clients (…) Toutefois, le ferroviaire gagne effectivement du poids mais il est encore assez difficile de le quantifier précisément », exposait Thierry Gribet. La direction supply chain de Cristalco a ainsi souhaité dans l’ensemble aborder le sujet de la décarbonation du transport dans son ensemble. « Il était important de ne pas se concentrer et s’enfermer sur un simple aspect », confirmait par la suite le directeur logistique.
La distribution des produits de Cristal Union s’opère principalement en Europe, plus particulièrement en France, en Espagne, en Italie, en Allemagne et au Bénélux. « Notre périmètre d’engagement concerne, forcément, tous les flux de produits finis vendus par Cristalco au départ de la France bien sûr, mais aussi de l’Espagne et de l’Italie », énonçait Jean-Marc Sarrazin. Un périmètre qui engage une trentaine de flux distincts qui touchent aussi bien les transferts inter sites de sucre vrac et conditionné - en sac pour le BtoB et le Retail essentiellement ; d’alcool vrac et conditionné ; d’éthanol (en vrac seulement) ainsi que de sirop vierge, d’EP2 et de mélasse.
Les moyens de transport ont dans l’ensemble fait l’objet d’actions fortes, engageantes et particulièrement structurantes. L’intégration de carburants alternatifs dans les transports routiers de Cristalco en est une, tout comme l’a été la mise en place report modal route-fer en collaboration avec des loueurs de wagons et entreprises ferroviaires, mais aussi route-maritime pour le sucre vrac. La mise en place d’une démarche d’achats responsables et le pilotage de relation des partenaires transporteurs se sont aussi révélés particulièrement décisifs.
Des exemples concrets
Pour illustrer son action sur le ferroviaire, Cristalco nous avait indiquait qu’il s’appuyait depuis le milieu d’année 2023 sur une plateforme logistique près de Vichy, vers laquelle il achemine des trains dédiés. « Nous y déchargeons nos caisses mobiles 30 pieds et opérons ensuite la distribution du sucre vrac vers nos clients finaux dans un rayon de 150 km maximum », nous expliquait Thierry Gribet. « En outre, une quarantaine de trains remplis de notre éthanol (15 000 hl) partent de notre usine de Bazancourt, près de Reims, et se rendent vers le port du Havre », poursuivait-il. À terme, la direction supply chain espère y augmenter sensiblement ses volumes.
Pour ce qui concerne le report modal route-maritime, Cristalco a lors de la même année lancé une importante action en Espagne. Depuis son usine de Fontaine le Dun, le sucre vrac transite par le port du Havre jusqu’à Carthagène et est ensuite distribué aux clients établis dans la région de Murcie, dans le sud du pays. « Ce type d’action constitue des leviers d’économies majeures de GES », avait insisté Thierry Gribet. Mais les efforts de Cristalco et de sa direction supply chain ne s’arrêtent pas là.
Dans le cadre de la démarche Fret 21, nous nous sommes engagés à intégrer au moins 10 % de carburants alternatifs dans nos transports et supprimer tout autant de transport au gasoil
Pour décarboner son transport routier, Cristalco a comme indiqué ci-dessus pris le parti d’intégrer davantage de carburants alternatifs, en 2023 toujours. « Nos transporteurs recouraient quasi-exclusivement aux énergies fossiles et au gasoil. Cela ne pouvait continuer ainsi si nous voulions atteindre nos objectifs. Dans le cadre de la démarche Fret 21, nous nous sommes engagés à intégrer au moins 10 % de carburants alternatifs dans nos transports et supprimer tout autant de transport au gasoil », nous avait indiqué Thierry Gribet.
Pour concrétiser le pilotage de ses relations avec les partenaires transport - qui vont de la PME au grand groupe - et conduire le changement sans trop d’accroc, la direction supply chain de Cristalco a multiplié les rencontres et réunions de travail tout au long de l’année 2023 avec eux. Une bonne occasion de leur expliquer leur démarche et les raisons de leur engagement, mais aussi un excellent moyen de leur rappeler à quel point ils sont importants et stratégiques dans l’activité de Cristalco. « Nous les avons invités, à travers plusieurs initiatives, à se tourner vers des énergies alternatives, beaucoup plus propres et respectueuses de l’environnement. Cela n’a pas été difficile de les convaincre, a fait savoir Thierry Gribet. Beaucoup d’entre eux nous avaient fait part de leur envie de s’améliorer et de poursuivre leur travail à nos côtés. » Et bien en a pris à Cristalco de prendre ce virage, puisque les premières mises en place, faites pour la plupart avec des partenaires transporteurs historiques, se sont effectuées à isocoûts. « Nous avons profité d’un effet d’aubaine. Il est vrai que certains nous avaient fait part de surcoûts auxquels ils faisaient face sur le B100, le HVO ou encore le XTL, mais ils ont pris le pari de les absorber, cherchant plutôt à occuper leurs moyens et amortir leurs frais fixes autant que faire se peut », nous apprenait Thierry Gribet.
Il est évident que nos calculs n’auraient pas été les mêmes si nous avions lancé notre démarche en 2022, au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie
Mais s’il faut engager des dépenses supplémentaires à un moment donné, Cristalco assure qu’il le fera, « dans la limite où la structure pourra le faire de façon pérenne ». « Il est évident que nos calculs n’auraient pas été les mêmes si nous avions lancé notre démarche en 2022, au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le coût de la décarbonation n’est évidemment pas neutre, mais il est aujourd’hui moins élevé que ce que certains ont pu connaître à ce moment-là », admettait ce même Thierry Gribet.
Des résultats plus qu’encourageants
Le travail accompli par la direction supply chain de Cristalco en un peu plus d’un an, soit à mi-chemin du projet, est pour le moins conséquent. Dans l’ensemble, le transport mondial de marchandises chez Cristalco a généré 43 000 tonnes de CO2 en 2023. En moyenne, 30 tonnes de marchandises étaient chargées sur chacune de ses expéditions, sachant que les trains embarquent parfois 1 000 tonnes de marchandises, quand certains camions n’en embarquent que 20, voire moins puisque Cristalco fait parfois appel au transport messagerie.
Sur le seul mois de juillet 2024, nous avons évité l’émission de 600 tonnes de CO2
En intégrant davantage de carburant alternatifs, Cristalco a évidemment fini par réduire ses émissions carbones de façon conséquente. « Sur le seul mois de juillet 2024, nous avons évité l’émission de 600 tonnes de CO2 », s’est réjoui Jean-Marc Sarrazin. « Ainsi, avec la simple intégration d’énergies alternatives - B100, le HVO, XTL -, nous parviendrons à atteindre en quelques mois seulement l’objectif de réduction de nos émissions de GES sur le transport que nous nous sommes fixé dans le cadre de cette démarche », a conclu de son côté Thierry Gribet.