Dacia : « Notre mission consiste à renforcer la performance de tous les flux de distribution »
Par Guillaume Trecan | Le | Industrie
Dimitri Manoussis, directeur distribution et logistique du constructeur Dacia, travaille à améliorer les délais de distribution des voitures aux clients en coordonnant les différents acteurs de la supply chain à partir de la sortie d’usine. Une tâche particulièrement ardue en ce moment, qui passe par une communication intense et le développement d’une tour de contrôle.
En quoi consiste votre fonction de directeur distribution et logistique ?
La direction Distribution et Logistique de Dacia a été créée il y a un an et demi, lors du lancement du plan Renaulution. Elle est rattachée à la division Ventes et Marketing de Dacia. Je travaille avec une petite équipe de trois personnes réparties en trois pôles : opérations, digital et innovation, process et métier. Nous orchestrons tous les moyens, opérations et métiers qui interviennent de la sortie d’usine de la voiture - en Roumanie, au Maroc et en Chine - jusqu’au client final. Nous devons nous assurer de la qualité de la prestation jusqu’au propriétaire de la voiture, en particulier la gestion des délais. Un retard a des implications sur les ventes, mais est aussi susceptible de générer de l’insatisfaction client.
Nous sommes en position de client de la Supply Chain, dont nous coordonnons les relations avec les pays
Nous sommes en position de client de la Supply Chain, dont nous coordonnons les relations avec les pays. Elle apporte un service de transport en masse d’un point A à un point B, une gestion de flux avec des cartographies précises des produits entre l’usine et le pays et à l’intérieur des pays. De notre côté, nous gérons tous les arbitrages, toutes les priorisations en direct avec les pays. Nous ne traitons pas seulement de transport et logistique, nous gérons également des questions d’endurance parking sur différentes positions géographiques, des suivis particuliers, des opérations spéciales et aussi de nouvelles expériences de distribution, etc…
Nous agissons pour réduire le forecast et nous travaillons en retour d’expérience sur les délais réalisés
Qu’apportez-vous comme réponses aux priorités stratégiques de la marque ?
Notre mission consiste à renforcer la performance de tous les flux de distribution, ce qui passe par une modernisation des process et implique des leviers de digitalisation et d’innovation. Les délais sont notre principal KPI, que nous suivons par modèle et par pays. Nous suivons à la fois les délais annoncés au client et les délais réels. Nous agissons pour réduire le forecast et nous travaillons en retour d’expérience sur les délais réalisés, afin de trouver des pistes d’amélioration, ce qui est très compliqué dans le contexte actuel de crise et de pénuries de transport. Nous nous posons des questions sur le mode de transport, de nouvelles routes, de nouveaux ports et nous réfléchissons à des solutions industrielles impliquant de légères modifications des véhicules.
Dans la situation de crise actuelle, comment pouvez-vous mener à bien votre mission de maîtrise des délais ?
Le responsable du pôle Opérations gère tous les blocages de voiture, à n’importe quel endroit du flux. Avec le contexte que nous connaissons depuis un an et demi, marqué par des pénuries de pièces, ce poste est effectivement extrêmement sollicité. Il travaille avec la Supply Chain et la Logistique Overseas pour trouver des solutions alternatives par rapport aux flux habituels, il travaille aussi avec les équipes S&OP pour savoir ce qui va être réaligné en premier, quel problème va être soldé en priorité. Il accompagne aussi les pays dans leur performance en termes d’immatriculation et de facturation. Nous avons apporté sur ce sujet une vision affinée qui permet de faire des choix précis par rapport aux résultats mensuels des pays.
Nous communiquons deux fois par semaine aux pays sur la situation de leurs véhicules, depuis la fabrication, jusqu’au dédouanement au port
L’un de nos premiers gros chantiers a consisté à travailler sur la Spring, notre voiture électrique produite en Chine, qui rencontre un grand succès en Europe. Nous avons joué un rôle d’intermédiaire avec tous les pays, en communiquant à un rythme quasi quotidien en temps de crise. Aujourd’hui, nous continuons à communiquer deux fois par semaine aux pays sur la situation des véhicules concernés, depuis la fabrication, jusqu’au dédouanement au port.
Comment avez-vous fait pour constituer votre réseau en interne ?
Dès que la création de notre direction a été connue des pays, nous avons été appelés pour résoudre une multitude de situations différentes et complexes. Nous nous sommes aussi positionnés en interface avec la Supply Chain, avec les services douanes et overseas, avec l’informatique et nous avons commencé à mettre en place cette pratique de communication proactive.
Quels sont vos axes de travail en ce qui concerne la modernisation des process ?
Le responsable process et métier a participé à la création du process « Up & Go », qui signifie en substance : « upgrade your car and go with it ». L’idée consiste à proposer rapidement une voiture super équipée, mais simple, avec l’essentiel des options, sans plus, et simplement le choix de la couleur. Ce service a été lancé sur les Duster, Jogger et va être étendu à la Sandero. C’est un moyen de diminuer la diversité et de fluidifier le process industriel. Il y a normalement plus de 400 combinaisons potentielles du Duster en France, avec « up & go », elles sont réduites à quatorze, dont deux choix moteurs et sept couleurs.
Nous aimerions maintenant c’est que les véhicules « up & go » soient vendus en Build to Stock pour renforcer cette rapidité sur les délais
Nous avons beaucoup travaillé avec l’industrie et la supply chain pour faire en sorte que le véhicule soit priorisé à tous les maillons de la chaîne, jusqu’au concessionnaire. Aujourd’hui les Duster « up & go » en France représentent 30 % des ventes et un client « up & go » est livré, en moyenne, en 37 jours de mieux que pour un autre véhicule. Ce que nous aimerions maintenant c’est que les véhicules « up & go » soient vendus en Build to Stock pour renforcer cette rapidité sur les délais.
Quelles sont vos pistes de travail en termes de digitalisation ?
Etant une équipe petite et agile, nous devons aller à l’essentiel et à la simplicité… un peu comme nos voitures. Il nous faut donc travailler sur un axe automatisation. Nous avons commencé par l’existant en nous interrogeant sur l’expérience du pôle Opérations, nos requêteurs, nos systèmes, leur efficience, le temps consommé en retraitement. En distribution, la communication et l’anticipation sont le nerf de la guerre : où sont les voitures, pourquoi elles sont en retard, quand est-ce qu’elles seront débloquées.
Le Track & Trace s’appuie sur des solutions existantes de géolocalisation Inland et Overseas, ainsi que la télématique grâce aux puces GPS dans les voitures
Pour savoir à tout moment où sont nos véhicules, nous avons donc travaillé, en collaboration étroite avec le Supply Chain, à l’édification d’une Control Tower. Le premier module, incontournable, est le Track & Trace, qui s’appuie sur des solutions existantes de géolocalisation Inland et Overseas, ainsi que la télématique grâce aux puces GPS dans les voitures. Le deuxième module porte sur le suivi des blocages partout dans le monde et l’analyse de leur cause. Ce module croise à la fois des données supply, des données financières et différents systèmes internes.
Nous travaillons actuellement sur un troisième module de surveillance préventive. Nous prenons toute notre population de véhicule à un instant T et nous générons des alertes sur le délai voulu à chaque étape, de sorte que si un retard survient, nous recevions un rapport. Nous les partageons avec le transport, avec les pays concernés et, à terme, nous aimerions les partager avec les concessionnaires. Enfin, nous sommes actuellement en train de travailler sur l’interface de cette Control Tower, que nous voulons ergonomique et simple.