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Baromètre des risques Kyu : les soubresauts géopolitiques font trembler les supply chain

Par Guillaume Trecan | Le | Consultant

L’Etat de quasi-guerre économique dans lequel sont plongées la majorité des grandes puissances suscite un maximum de craintes de la part des directeurs supply chain qui appréhendent notamment la remontée des barrières douanières. C’est un des enseignements de la 6e édition du Baromètre des risques supply chain publiée par le cabinet Kyu Associés avec l’Amrae, France Supply Chain et l’Ecole des Arts et Métiers. Thibaud Moulin, partner chez Kyu Associés, sera grand témoin sur le prochain club supply chain qui se tiendra le 12 mars.

Baromètre des risques Kyu : les soubresauts géopolitiques font trembler les supply chain
Baromètre des risques Kyu : les soubresauts géopolitiques font trembler les supply chain

La crainte des crises géopolitiques passe de la troisième à la première place des risques redoutés par les directeurs supply chain et achats interrogés par le cabinet Kyu Associés dans le cadre de la sixième édition de son Baromètre des risques Supply Chain sixième édition de son Baromètre des risques Supply Chain sixième édition de son Baromètre des risques Supply Chain réalisé avec l’Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise), France Supply Chain et l’Ecole des Arts et Métiers. C’est le risque jugé le plus critique pour 41 % des répondants qui redoutent en particulier la multiplication des mesures de protectionnisme.

 Le Baromètre des risques supply chain de Kyu Associés. - © D.R.
Le Baromètre des risques supply chain de Kyu Associés. - © D.R.

Gare au protectionnisme

« La nouvelle partition du monde ne participe pas à fluidifier les échanges », reconnait Laurent Giordani, associé-fondateur de cette étude co-pilotée par Thibaud Moulin, associé également chez Kyu. « Une crainte importante du secteur concerne l’inflation des mesures d’embargo que l’administration américaine est susceptible de prendre contre la Russie qui pourrait avoir des conséquences non négligeables sur la disponibilité d’un certain nombre de matériaux, comme par exemple le titane », précise Laurent Giordani.

Il n’y a rien de pire quand on gère une supply complexe que de gérer de l’imprévisibilité

Aux yeux de nombre de participants à ce sondage, l’élection d’une personnalité aussi imprévisible que Donald Trump à la tête des Etats-Unis représente un véritable casse-tête. « Il n’y a rien de pire quand on gère une supply complexe que de gérer de l’imprévisibilité », juge le fondateur du cabinet de conseil.

Cette nouvelle donne géopolitique aura bien entendu des conséquences en termes de sourcing. En 2025, 51 % des répondants comptent modifier leur sourcing pour des zones moins exposées. En 2024, 54 % des répondants comptaient déjà relocaliser des sources à proximité de la production. Mais sur ce point du nearshoring et de la réindustrialisation de l’Europe, Laurent Giordani préfère tempérer les espérances. « On ne va pas effacer trente ans de mondialisation et de désindustrialisation par un coup de baguette magique. L’économie reste mondialisée et en tout cas très internationale. Des compétences ont disparu et ne vont pas pouvoir être reconstituées aussi facilement. Des relocalisations peuvent être envisageables mais elles doivent avant tout être compétitives et rentables », assène-t-il.

Les risques de pénuries moins élevés

Ces nouvelles craintes décalent d’autres risques, en particulier la peur des pénuries de matières qui dégringole de la deuxième à la sixième place, même si certains secteurs y demeurent soumis. C’est le cas par exemple de l’agroalimentaire susceptible d’être la victime de phénomènes climatiques violents mais aussi des tensions géopolitiques.

Il faut être capable d’avoir des modèles plus agiles pour faire face à des variations de la demande qui risquent d’être de plus en plus erratiques

La perspective de hausses de coûts, en revanche, monte de la quatrième à la deuxième place, suivie, par les craintes liées à la volatilité de la demande. « Il faut faire preuve de plus d’anticipation. Il faut être capable d’avoir des modèles plus agiles pour faire face à des variations de la demande qui risquent d’être de plus en plus erratiques », conseille en conséquence Laurent Giordani

Les attaques cyber restent à un niveau très préoccupant, à la cinquième place, au coude à coude avec les risques de défaillance fournisseur. Suivent les risques de non-conformité RSE qui montent d’année en année, passé en un an de la dixième à la septième place.

Des outils de pilotage du risque de plus en plus utilisés

Confrontés à une omniprésence du risque, directions supply chain et achats semblent faire évoluer leurs pratiques. Cette année 66 % des répondants ont déclaré avoir mobilisé leur plan de continuité face à une crise supply chain. « Nous y voyons deux bonnes nouvelles, d’une part parce que cela montre que nous avons maintenant des outils à activer pour essayer de résoudre les crises et d’autre part parce que ces outils sont opérationnels. Pendant des années, en parlant de PCA on parlait plutôt d’éléments plus normatifs qu’opérationnels », explique Laurent Giordani.

En effet, les outils et process de gestion des risques partent de loin et remontent progressivement la pente. Si, en 2024 65 % des répondants considéraient leur système de gestion des risques supply chain insuffisant, ils restent majoritaires mais ne sont plus que 53 % dans ce cas, cette année.

Pour affronter les défis à venir, Laurent Giordani énonce trois leviers : « cette nouvelle donne géopolitique et climatique ne peut pas être ignorée et oblige à s’adapter à marche forcée. Le single sourcing sur lequel on massifiait un certain nombre d’achats a vécu. Il faut trouver des fournisseurs alternatifs compétitifs dans des zones moins risquées d’un point de vue géopolitique aussi bien que climatique. Il faut inciter ses fournisseurs stratégiques à localiser des capacités à proximité des bassins de consommation, une chose que les Chinois font très bien. Sentant venir le vent du protectionnisme, ils délocalisent des capacités dans des zones proches de leurs marchés clients. Il faut enfin activer des boucles de circularité locales, parce que c’est créateur de valeur ajoutée et c’est un élément différenciant par rapport aux aspirations des consommateurs. »