GSE : « La Logistique est devenue un secteur stratégique, loin des a priori »
Par Mehdi Arhab | Le | Immobilier
Damien Vernier, directeur de la business unit logistique France de GSE, dévoile quelques éléments de sa feuille de route et revient sur les enjeux logistiques qui animent les acteurs du secteur. Le groupe, qui fait du développement durable et de la digitalisation des axes structurants pour se développer, a mené à bien bon nombre de projets emblématiques. Et d’autres devraient encore arriver.
GSE a profité d’une très forte croissance cette année. Dans quelle mesure la BU Logistique y a-t-elle participé ?
Le secteur de la logistique, aussi bien en France qu’en Europe, est extrêmement remuant
Nous avons en effet vu notre chiffre d’affaires croître de manière très importante sur notre dernier exercice fiscal, clôturé au 31 mars dernier. Nous avons enregistré un peu plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2022, contre un peu moins de 750 millions d’euros en 2021. La BU Logistique pèse pour près d’un tiers du chiffre d’affaires du groupe et est un vrai vecteur de croissance. Le secteur de la logistique, aussi bien en France qu’en Europe, est extrêmement remuant. Le e-commerce n’y est pas pour rien. Il a impulsé une dynamique très favorable au marché de la logistique, tout comme les habitudes de consommation qui ont beaucoup évolué dans le même temps et qui ont obligé les acteurs à revoir leur approche. La Logistique est ainsi devenue un secteur stratégique, loin des a priori et des idées reçues qu’elle véhiculait, notamment sur son intérêt économique, jugé peu important à une époque. Ce changement de prisme est donc très favorable pour les activités des logisticiens. Les investissements sont nombreux et persistent du fait des taux de rentabilité des projets logistiques, qui ne se sont pas dégradés contrairement à ceux d’autres projets immobiliers, comme le bureau.
La Logistique est devenue un outil d’investissement à part entière pour beaucoup d’acteurs. Le bâtiment logistique, bien qu’il soit un produit immobilier simple et qu’il ne fasse pas vraiment vibrer, est devenu un outil de travail complet à l’architecture plus soignée. Sa valeur ajoutée est réelle.
En matière d’investissement, les risques y sont plutôt limités. Dans un schéma promoteur tel que nous le proposons, nous apportons une sécurisation globale du projet à l’investisseur, qui va acheter un produit immobilier sur lequel il pourra obtenir des taux de rentabilité bien plus importants que ce que le marché peut lui donner. Toutefois, il faut avouer qu’ils tendent à s’estomper. Les taux d’emprunt explosent, les prix des terrains ont fortement augmenté du fait de leur raréfaction ; les coûts de construction également. L’équilibre global des projets, bien qu’intéressant, n’est plus aussi facile à trouver.
Quels sont vos projets les plus emblématiques ?
Le plus important reste sans doute la plateforme logistique sur deux-étages livré par GSE Allemagne à proximité du port d’Hambourg. Nous comptons quelques autres réalisations de premier plan en France, comme celle sur le port de Gennevilliers notamment, avec la plateforme logistique Air2, sur deux étages et grande de 63 000 m2, livrée à Vailog pour Ikea et Leroy Merlin. Nous avons livré en 2022, pour Argan, un bâtiment de quatre niveaux de 186 000 m2 et dont le locataire est Amazon. Nous avons aussi tout récemment livré deux grands entrepôts de plus de 100 000 m2 chacun, le premier à Bully-les-Mines pour le groupe Seb, le deuxième à Ablaincourt-Pressoir, près d’Amiens. Une autre plateforme logistique a été livrée récemment par nos soins à Montbartier pour Argan encore. Elle sera occupée en partie par Decathlon.
À cela s’ajoute aussi la construction d’une plateforme logistique d’un peu moins de 50 000 m2sur le port de Dunkerque pour la Société de Développement Axe Nord (SDAN). Nous travaillons actuellement sur la nouvelle plateforme logistique de Panattoni, qui se situera à Meaux. Nous signerons également la construction d’une plateforme logistique urbaine à Lezennes, dans la métropole de Lille, pour La Poste Immobilier. Le projet se veut un peu différent de ce que nous faisons généralement, avec un enjeu précis derrière : réaliser un bâtiment emblématique et adapté à la transformation des activités du groupe, tout en contribuant à désenclaver le quartier. Le rez-de-chaussée sera dédié aux activités logistiques, tandis qu’à l’étage se tiendra un parc d’activités. Les travaux démarreront à la fin de l’année. Aldi, qui est dans une logique de refonte de sa logistique sur le marché français, nous a également choisi pour cinq de ses projets. L’idée est de prendre les plateformes logistiques actuelles du groupe, de les rénover et de les étendre de 15 000 à 20 000 m2.
Pourquoi recentrez-vous vos activités sur le bâtiment multiniveau ?
Le bâtiment multiniveau est une solution de choix pour répondre à la problématique foncière actuelle
Le bâtiment multiniveau est une solution de choix pour répondre à la problématique foncière actuelle, qui touche les alentours des centres-villes. Nous avons en effet de moins en moins de foncier à disposition et le multiétage apparaît comme une bonne réponse à cette difficulté. Pour accompagner certains segments qui se sont développés, comme le e-commerce dont je vous parlais, il nous faut donc trouver des solutions pour les aider à servir les centres urbains.
C’est l’un des axes prioritaires de notre développement. Nous nous inscrivons dans une logique d’intégration des compétences que nous avons développées, en Chine puis en Europe, depuis quelques années désormais. Et nous devons continuer à engager ce processus. Nous sommes l’un des rares acteurs à avoir cette compétence technique, avec l’expertise associée pour réaliser ce type de projet d’envergure. Nous avons d’ailleurs créé une cellule spécifique au multiniveau qui intervient sur toutes nos filiales. Comme cela, à chaque nouveau projet multiniveau, nous pouvons capitaliser sur notre expérience et s’assurer de la qualité de l’exécution et de la livraison. Nous avons également créé une filiale il y a quelques années, Confluence, dont l’objectif est d’offrir une opportunité foncière et immobilière aux clients du groupe souhaitant développer une opération logistique, industrielle ou tertiaire.
Les friches industrielles représentent d’excellentes opportunités pour développer de nouveaux projets de bâtiments logistiques
Nous misons sur d’autres axes de développement, dont ceux de la rénovation et de la mise aux normes d’exploitation des bâtiments logistiques, en lien avec les évolutions réglementaires connues. Certains parcs sont vieillissants et nombre d’entre eux doivent être rénovés pour répondre aux exigences réglementaires. Les friches industrielles représentent d’ailleurs d’excellentes opportunités pour développer de nouveaux projets de bâtiments logistiques.
Sur quel autre aspect votre feuille de route se concentre-t-elle ?
Le développement durable est un enjeu de taille et constitue un vecteur de croissance. Nous avons, très tôt, misé sur le développement d’une offre écoresponsable à tous projets auxquels nous répondons. Nous avons annoncé il y a peu que tous les projets que nous traiterons intégreront du béton bas carbone, notamment sur les dallages. Chacune de nos réponses en phase de proposition commerciale intégrera d’ailleurs des solutions avec du béton bas carbone, au coût d’un projet classique. Et ce n’est qu’un aspect parmi d’autres de notre offre écoresponsable.
La digitalisation est un autre élément sur lequel nous avons beaucoup travaillé ces dernières années. Tous nos projets sont désormais traités en BIM (Building information modeling) ; cela nous permet d’optimiser la réalisation de nos projets, la gestion des interfaces entre les corps d’État et ce, dès la conception du projet, en passant par sa mise en œuvre. Comme cela, nous pouvons augmenter sensiblement la qualité de nos réalisations et diminuer toutes les problématiques en phase chantier.
De quelle manière évoluent vos délais de livraison ?
Les coûts de construction ont explosé ces deux dernières années, augmentant d’au moins 20 % du fait de la crise sanitaire puis de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le tout se stabilise peu à peu, mais des tensions se font encore ressentir sur le marché. À cela s’ajoutaient, suite au démarrage de la guerre en Ukraine encore, certaines craintes quant à la disponibilité de certains matériaux, de matériels et matières. De nombreuses entreprises étaient et restent encore surchargées. Néanmoins, la situation s’est aujourd’hui largement stabilisée. Les tensions sur les plannings existent, mais ne sont pas aussi importantes qu’il y a quelque temps. Nous présentons des plannings de réalisation similaires à ce que nous faisions avant le début de la guerre.