Pour décarboner, les chargeurs commencent peu à peu à unir leurs forces
Par Mehdi Arhab | Le | Green
La nouvelle année n’est pas synonyme de rupture, aussi bien pour Républik Supply, ses clubs et ses habitués. Ce mardi 10 janvier, une dizaine de directeurs Supply Chain a assisté au premier club de l’année. Et leurs enjeux, eux également, n’ont pas changé. Mutualisation, décarbonation et optimisation des coûts … Les donneurs d’ordres se creusent les méninges pour penser des supply chain durables et un transport plus vertueux. L’exemple de la coalition des chargeurs est en ce sens une parfaite illustration.
L’union fait la force. Du moins, pour les plus audacieux de ce monde. Alors que le transport maritime représente actuellement 3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde selon l’Organisation maritime internationale (OMI), il pourrait, si le secteur n’entame pas de profondes transformations, en représenter 17 % à l’horizon 2050. Par ailleurs, en plus des émissions carbones, les navires relâchent dans l’atmosphère des particules de soufre extrêmement dangereuses pour la santé et toxiques à l’endroit de l’environnement. Pour échapper à un tel désastre, l’OMI estime que les émissions de GES devront être au moins réduites de moitié.
De nombreux chargeurs semblent avoir bien compris les risques et multiplient les initiatives pour décarboner le transport maritime de leurs marchandises, tout bonnement nécessaire pour le bon fonctionnement du commerce international. La plus emblématique : la mutualisation, une tendance qui se diffuse.
Faire ensemble ce que l’on faisait seul
Comme le font remarquer les convives du dîner-débat, mutualiser son transport revient finalement à manœuvrer de manière conjointe sur des opérations menées seul. Un changement d’attitude et de paradigme décidés par plusieurs chargeurs, réunis dans la fameuse coalition des chargeurs. « Nous sommes incapables d’avancer seuls », assure l’un des invités. Celle-ci s’est engagée à verdir la flotte des navires, afin de faire en sorte que les transporteurs décarbonent leur activité plus rapidement. « C’est un levier extrêmement puissant. Cette expérience permet aux chargeurs de promouvoir une technologie d’avenir et de positionner la France sur le sujet », commente simplement l’un des invités.
Le projet, porté par France Supply Chain et l’AUTF, constitue finalement une petite révolution, tant les offres alternatives aux navires traditionnels sont peu existantes. Les démarches. « À ma connaissance, nous sommes les seuls en France à agir de la sorte », avance Valérie Macrez de France Supply Chain et intervenante en qualité d’experte sur le sujet.
Un contexte tendu qui favorise l’innovation
Dans un contexte somme toute tendu ces trois dernières années, France Supply Chain et l’AUTF ont fait front commun et lancé un appel d’offres pour la mise en place d’une ligne régulière de transport à propulsion vélique. Celle-ci lie l’Europe et les États-Unis. Une démarche qui constitue l’étincelle de la création de la coalition des chargeurs et qui prend la forme d’une association baptisée LCMT (Low Carbon Maritim Transport). Au sein de cette coalition, chaque chargeur s’engage sur un volume précis. En effet, ceux-ci s’engagent à remettre un certain nombre de containeurs par semaine. Aujourd’hui, une vingtaine de chargeurs, parmi lesquels Michelin ou encore le Groupe Avril, sont engagés dans ce projet d’envergure.
Réinventer le transport transatlantique
Ledit projet porte sur deux lignes de transport, avec un départ hebdomadaire et une promesse ambitieuse : traverser l’Atlantique avec une capacité de transport de plus de 600 containers en une douzaine de jours, avec une vitesse moyenne de 10 à 11 nœuds. Les deux lignes, Europe du nord et Europe du sud, sont à destination de New-York et Charleston et devraient être mises en service dans les années à venir. Pour rappel, le projet de Zéphyr et Borée avait été retenu l’été dernier parmi les trois candidats présélectionnés.
Un engagement long terme et bénéfique
Pour marquer les esprits, l’engagement des chargeurs est long de 10 ans. Les chargeurs ne connaîtront au demeurant aucune fluctuation de prix due à de possibles variations des coûts de l’énergie. Une manière donc pour ces derniers de lisser sur 10 ans le coût du fret maritime. Sur le plan des économies carbones, intérêt majeur de la démarche, l’association estime réduire de plus de 50 % les émissions carbones. Une véritable prouesse. « Il n’existe que très peu de manière de réduire l’empreinte environnementale du fret maritime », note l’un des intervenants.