Transport

Pour Man Truck & Bus, l’avenir du camion sera résolument électrique

Par Guillaume Trecan | Le | Route et fer

Le constructeur allemand de camions Man Truck & Bus a réuni, clients, prospects et partenaires à Paris mercredi 31 février pour vanter les mérites de la mobilité électrique pour le fret routier. En s’appuyant sur l’expérience acquise avec le succès de ses e-bus et sur un nouvel appel à projets de l’Etat d’une enveloppe de 130 millions d’euros le constructeur entend proposer un modèle économique gagnant-gagnant aux chargeurs.

Selon les calculs de Frederik Zohm, CTO de Man Truck&Bus, l’énergie électrique est la plus efficace. - © Républik
Selon les calculs de Frederik Zohm, CTO de Man Truck&Bus, l’énergie électrique est la plus efficace. - © Républik

Si certains considèrent la mobilité électrique comme une option idéologique, c’est dans un style hyper rationnel que le directeur technique de Man Truck & Bus a défendu cette option face à un public de chargeurs, de partenaires et de journalistes réunis à Paris, le mercredi 31 février. « Nous calculons la manière la plus efficace de transformer l’énergie en vitesse », avance Frederik Zohm, qui délivre les résultats de ses calculs, selon lesquels, avec un moteur diesel, l’énergie perdue dans sa transformation en vitesse est de 50 % ; elle est de 75 % avec un moteur à hydrogène, et de 25 % seulement avec un moteur électrique.

Aujourd’hui le diesel paye nos factures et paye aussi celles qui permettent de développer les moteurs électriques 

« Aujourd’hui le diesel paye nos factures et paye aussi celles qui permettent de développer les moteurs électriques », tempère Frederik Zohm, dont les équipes continuent à développer de nouveaux modèles de camions diesel plus performants. L’objectif du constructeur est de livrer une quinzaine de e-trucks de 44 tonnes, les premiers d’ici la fin de l’année. Compte tenu des contraintes de production, si un transporteur commande un de ses camions aujourd’hui, il devrait pouvoir en prendre possession mi 2025.

E-truck Man. - © D.R.
E-truck Man. - © D.R.

Doublement des ventes de e-bus en 2023

Contrairement aux apparences, le constructeur a toutefois déjà une certaine expérience de ce type de véhicules pour justifier ses dires, en s’appuyant sur ses succès dans le domaine du transport de personnes. Entre 2022 et 2023 Man Truck & Bus a doublé ses ventes de e-bus en Europe, avec 780 exemplaires vendus. Le groupe produit désormais ses batteries et vise le cap des 100 000 batteries produites avant la fin de la décennie.

Cette position de leader permet à Man Truck & Bus de faire valoir un certain recul sur le modèle économique du camion électrique. A partir des usages éprouvés sur le marché des bus, le constructeur peut en effet mettre en avant des durées de vie de 12 à 15 ans pour les batteries. « Les véhicules s’usent moins que des moteurs thermiques et cela préfigure le fait qu’ils vont pouvoir être utilisés plus longtemps à condition que les chargeurs accompagnent cette démarche avec des contrats de transport plus longs », avance Jean-Yves Kerbrat, directeur général de Man Truck & Bus en France, un pays qui représente 7 % du chiffre d’affaires du groupe.

Jean-Yves Kerbrat, DG France. - © Républik
Jean-Yves Kerbrat, DG France. - © Républik

Le prix d’un camion électrique sera peut-être deux à trois fois plus cher qu’un véhicule thermique en capex, mais en coûts d’exploitation il sera deux fois moins cher

« Il n’est pas facile de demander à un chargeur de payer plus cher ses coûts de transport. Le prix d’un camion électrique sera peut-être deux à trois fois plus cher qu’un véhicule thermique en capex, mais en coûts d’exploitation il sera deux fois moins cher », promet le directeur général France. Un camion électrique devrait en effet nécessiter deux fois moins d’entretien et de réparation.

Un nouvel à projets véhicules lourds de l’Ademe

Dans l’équation économique du véhicule électrique, le poids des aides de l’Etat occupe bien sûr une place indispensable. La direction de Man Truck & Bus a d’ailleurs invité à s’exprimer Xavier-Yves Valère, chef de la mission fret et logistique, à la DGITM (Direction Générale Infrastructures Transports et mobilité de la Direction générale de l’énergie et du climat), à quelques semaines de la publication d’un nouvel appel à projets véhicules lourds de l’Ademe, doté d’une enveloppe de 130 millions d’euros. Le premier volet de cet appel à projets sera publié entre mars et avril 2024, avec une première date de dépôt des dossiers en juin. A cela s’ajoute un mécanisme de suramortissement avec une déduction exceptionnelle étalée sur la durée d’amortissement du véhicule. Avec ces appels à projet décarbonation successifs de l’Ademe a déjà commencé à promouvoir des solutions de mobilité électriques avec des montants significatifs : 20 millions d’euros en 2022 et 60 millions d’euros en 2023.

Le constructeur se fait fort d’aider les chargeurs à remporter les subventions promises dans les appels à projet de l’Etat en les accompagnant avec le camion le plus performant permettant d’économiser le plus de CO2. L’an dernier quatre grands constructeurs ont trusté les trois quarts des fonds mobilisés par l’appel à projet de l’Etat.

Nous vous accompagnons, mais nous ne pourrons pas accompagner par l’impôt tous les poids lourds électriques 

« Nous avons fait un travail d’amorçage puissant au niveau de l’Etat qui va vous permettre, au moment où vous allez dialoguer entre chargeurs, transporteurs et constructeurs d’amorcer les commandes », confirme Xavier-Yves Valère. Mais d’emblée, le représentant de l’Etat précise son message en forme de mise en garde : « Nous vous accompagnons, mais nous ne pourrons pas accompagner par l’impôt tous les poids lourds électriques ».

Infrastructures et nouveaux services

Le CTO, Frederik Zohm ne s’est pourtant pas privé de lancer un appel du pied au gouvernement pour qu’il prenne sa part dans le développement d’infrastructures de recharge. Le groupe Man Truck & Bus a d’ailleurs commencé à prendre sa part dans cette vaste tâche, en créant en 2022 une JV avec les constructeurs Volvo Trucks et Daimler dédiée au développement d’un réseau européen de charge haute performance.

Le développement du camion électrique implique pour le constructeur une évolution de son propre business modèle. « Ce type de véhicule doit être accompagné de toute une série de services », confirme Jean-Yves Kerbrat, qui cite notamment des extensions de garantie, des contrats d’entretien, et des services digitaux. Parmi ces services on peut compter l’exploitation de données d’utilisation pour la maintenance proactive, une fonction e-manager pour monitorer l’usage du véhicule et une fonction smart route pour intégrer la localisation des stations de recharge dans la définition du plan de transport. « La suite consiste à le faire avec du financement et de la location », ouvre le DG France.