Stratégie supply

Club Supply Chain : Décarboner, une action plus neutre qu’il n’y paraît ?

Par Mehdi Arhab | Le | Green

Le dernier Club supply chain de la saison a été l’occasion, pour une quinzaine de directeurs et directrices supply chain, de débattre des moyens financiers à mobiliser pour décarboner. Certains assurent que c’est un facteur de coût, d’autres non et défendent toutes les opportunités qui découlent des démarches de décarbonation. Compte-rendu, non exhaustif.

Club Supply Chain : Décarboner, une action plus neutre qu’il n’y paraît ?
Club Supply Chain : Décarboner, une action plus neutre qu’il n’y paraît ?

Les entreprises qui croient réellement en l’écologie et en la nécessité d’amorcer leur transition ne débattent pas des coûts

Pour toute entreprise désormais, la réduction de l’empreinte environnementale constitue un impératif. Et la réduction de l’empreinte carbone de sa logistique et de ses transports est un excellent levier pour atteindre ses objectifs globaux. Cela nécessite toutefois une conjonction d’actions de fonds : une transformation en profondeur de ses opérations, un pilotage serré de ses prestataires et un pilotage rigoureux de la data. Et tout cela ne va pas sans investissement conséquent, ou presque. « Nous avons déjà bien progressé, sans dépenser un seul centime de plus. Les entreprises qui croient réellement en l’écologie et en la nécessité d’amorcer leur transition ne débattent pas des coûts. Elles agissent et réfléchissent pour trouver des moyens d’action malins qui permettent de décarboner sans augmenter leurs coûts », introduit l’un des convives, directeur supply chain d’un grand groupe industriel français. « Nous n’avons pas de budget spécifique lié à la décarbonation, mais à travers des projets que nous menons, la décarbonation est un sujet qui est évidemment abordé », poursuit un autre. Le cadre est posé.

Pour le premier, le coût à court terme de la mise en œuvre de stratégies de décarbonation n’est pas aussi prohibitif qu’on le pense. Et le coût, à long terme, de l’inaction, pourrait en revanche être véritablement dévastateur. A priori, le choix est simple. Pour autant, pour beaucoup d’entreprises et de convives autour de la table, décarboner ne se fait pas sans mettre la main à la poche. Toute entreprise définit ses postes d’investissements prioritaires : travaux de rénovation et de modernisation d’une usine ou d’un site logistique, achats de voitures et des camions bas carbone … Tout cela nécessite de bien définir son budget. Et il en résulte souvent, selon certains convives, que les dépenses d’investissements supplémentaires seront conséquentes pour les entreprises.

Entraîner et soutenir ses fournisseurs pour décarboner

Certaines, qui entreprennent de décarboner leur chaîne de valeur, doivent faire avec des hausses de coûts importantes. Équiper ses entrepôts en panneaux solaires, déployer de l’éclairage LED, passer du diesel à l’électrique, voire, un jour, à l’hydrogène, n’est pas neutre économiquement. Et sans moyen, difficile d’adopter de nouvelles initiatives dans ce sens. Et alors qu’elles sont nombreuses à promettre d'être net zéro carbone en 2040 ou 2050, le transport représente pour les entreprises un excellent moyen d’atteindre cet engagement. Ainsi, les chargeurs demandent de plus en plus à leurs partenaires de se positionner sur des motorisations alternatives et de s’engager dans des démarches écoresponsables. Une requête qui implique bien évidemment de lourds investissements pour les transporteurs, lesquels doivent intégrer également la hausse des prix des molécules. Derrière, les donneurs d’ordre doivent s’engager. Beaucoup l’acceptent, faisant le pari de payer plus cher aujourd’hui, d’absorber une partie du surcoût, et de compter sur le fait que ce surplus s’amenuise demain. Le tout étant de travailler pour que ces démarches soient les plus indolores économiquement.

Pour les entreprises, il est donc impératif de travailler sur d’autres éléments de la chaîne de valeur pour dénicher dans l’immédiat des leviers d’optimisation de coûts et trouver des nouveaux moyens de réduire la note. Certains convives indiquent avoir travaillé sur le packaging et le taux de remplissage volumique des camions. La redéfinition de leur modèle en la matière, pour transporter moins de vide notamment, leur a permis de générer des économies. « Le petit surcoût de départ s’amoindrit très fortement. Dans certains cas, nous gagnons même de l’argent », se félicite l’un des invités. D’autres travaillent sur de nouveaux schéma transport, des rotations différentes … In fine, le prix n’est pas le seul paramètre à compter. Les entreprises doivent penser autrement et faire les choses plus intelligemment. En interrogeant leur plan transport et en réduisant les distances parcourues, elles pourront parvenir à concilier plus facilement l’impératif économique et l’impératif écologique.

En somme, le débat démontre une chose : les stratégies mises en œuvre pour construire une chaîne logistique durable font depuis longtemps partie intégrante des initiatives RSE des entreprises. Et si elles le sont, c’est avant tout parce qu’elles sont reconnues comme un facteur décisif pour atteindre les objectifs de décarbonation. Reste à opter pour les bons investissements sans se laisser séduire par des options opportunistes.

Rester constant dans l’effort

Il faut trouver des solutions qui contentent tout le monde : le consommateur, le business, la direction générale et la planète. Et ce n’est pas facile

En ce sens, le rôle des directions générales doit rester constant. Ce sont elles qui doivent indiquer la marche à suivre et prioriser les investissements à mener pour décarboner. « Le sujet est porté en haut lieu chez nous. Chaque cadre dirigeant de l’entreprise ainsi que le PDG voient leur part variable être liée très fortement à l’atteinte des objectifs RSE », indique l’un des invités. Transporter moins vite, renoncer à une partie des services aux clients est un choix d’entreprise. Si les directions supply chain le souhaitent, les directions générales sont-elles de leurs côtés prêtes à bouleverser le business ? Rien n’est moins sûr. Certains convives déplorent le fait de devoir encore faire face à des injonctions contradictoires. Des injonctions contradictoires qui leurs sont aussi imposées, parfois, par les consommateurs. « Il faut trouver des solutions qui contentent tout le monde : le consommateur, le business, la direction générale et la planète. Et ce n’est pas facile », expose l’un des invités.

Mais l’avenir imposera sans doute de porter un business en étant respectueux de l’environnement. « Si l’on refuse de s’engager dans la transition écologique, il sera difficile de continuer à exister », assure un autre. En somme, ceux ne seront pas au niveau attendu vont voir leur carnet de commandes fondre comme neige au soleil et risquent de disparaître ; le sens de l’histoire, sans doute.