Groupe Avril : « La décarbonation de notre supply chain est tout simplement incontournable »
Par Guillaume Trecan | Le | Green
Xavier Roux, directeur supply chain corporate du groupe Avril, coordonne les objectifs de décarbonation de douze directions supply chain, visant à réduire de 60 % les émissions du groupe en France d’ici à 2025. Il s’appuie notamment sur des plans d’actions adaptés à une grande diversité d’activités et sur l’utilisation de l’Oléo 100 dont il est un producteur important.
Que représente la direction supply chain groupe d’Avril et quelle place prend la décarbonation dans ses enjeux ?
Dans mes fonctions de directeur supply chain corporate, je dirige de manière fonctionnelle et transversale les dix directions supply chain du groupe Avril. Avril est organisé autour de deux métiers complémentaires : d’une part, un métier d’industriel organisé autour de la transformation végétale, et d’autre part, un métier d’investisseur. Présent dans des secteurs aussi diversifiés que l’alimentation humaine, les solutions pour le monde agricole, les énergies renouvelables et la chimie verte, le groupe s’appuie sur un portefeuille de marques reconnues et leaders sur leurs marchés en France et à l’international.
Je dépends de la direction des opérations industrielles et mon équipe est composée de deux directeurs de projet supply chain. La rentabilité et le développement du business figurent bien sûr parmi nos objectifs, mais nous avons aussi pour ligne directrice la raison d’être du groupe qui est « Servir la terre ». Cette raison d’être se décline en six engagements : agir pour une agriculture responsable de la planète ; agir pour la protection des ressources naturelles et la biodiversité ; agir pour le développement de filières locales ; agir pour l’impact nos investissements ; agir pour le climat ; et agir pour un projet collectif et inclusif. Nous nous inscrivons, avec toutes les entreprises du groupe dans l’axe « agir pour le climat », en déclinant des objectifs relatifs à la décarbonation.
Quels sont vos engagements en la matière ?
Nous sommes en phase avec l’objectif des Nations Unies de limiter à 2°c le réchauffement climatique. Nous nous sommes donc engagés à réduire de 30 % d’ici 2030 nos émissions de gaz à effet de serre sur les scopes 1, 2 et 3. Dans des activités agro-industrielles comme les nôtres, la partie amont agricole a évidemment un impact majeur. En ce qui concerne la supply chain, nous déployons un certain nombre de plans d’action, entre autres sur le scope 3, pour décarboner nos flux logistiques. Ces plans d’action visent à réduire de 60 % nos émissions de carbone d’ici 2025 sur le territoire français.
Nous avons initié l’an dernier une démarche Fret21 chez Lesieur visant réduire de 26 % les émissions de CO2 sous trois ans
Pouvez-vous développer un exemple de plan d’action déployé dans une des sociétés du groupe ?
Nous avons par exemple initié l’an dernier une démarche Fret 21 chez Lesieur visant réduire de 26 % les émissions de CO2 sous trois ans en exerçant différents leviers : les biocarburants, le report modal, le remplissage de nos véhicules. Entre 2020 et 2023, nous avons augmenté de 12 % nos kilométrages parcourus en train, de 6 % le remplissage de nos véhicules, de près de 7 % les kilométrages parcourus avec du biocarburant et de 70 % notre part de transporteurs engagés dans des objectifs CO2. D’ici quelques semaines nous communiquerons les engagements FRET21 d’autres entreprises du groupe.
Compte tenu de la diversité des activités, des entreprises, des business modèles et des logistiques opérationnelles au sein du groupe Avril, nous ne pouvons pas avoir un seul plan d’action et une seule stratégie. Lesieur, qui travaille avec la GMS, peut par exemple plus facilement accroître le report modal que des sociétés plus agricoles. Tous nos plans d’action sont cela dit bâtis sur la même structure : la raison d’être du groupe, que nous déclinons en déployant des plans d’actions adaptés aux business et territoires ; l’utilisation de biocarburants et en particulier de l’Oléo 100 sur nos transports amont et aval ; les reconnaissances externes type objectif CO2/FRET21, qui nous permettent d’impliquer nos transporteurs et de capter leurs efforts au-delà du seul axe énergétique.
Être producteur d’Oléo 100 est un atout. C’est, à nos yeux, aujourd’hui, la solution qui apporte le plus de décarbonation du puits à la roue pour le transport pondéreux, longue et moyenne distance
Dans quelle mesure le fait que vous soyez producteur d’Oléo 100 facilite-t-il le déploiement de ces objectifs chez vos prestataires de transport ?
Être producteur d’Oléo 100 est en effet un atout. C’est, à nos yeux, aujourd’hui, la solution qui apporte le plus de décarbonation du puits à la roue pour le transport pondéreux, longue et moyenne distance. Nous la préconisons bien sûr à nos transporteurs. Dans toutes nos RFI, nous intégrons un volet développement durable dans lequel nous les interrogeons sur leur stratégie et évidemment nous sommes attentifs à distribuer de la valeur chez les sociétés de transport qui travaillent avec le groupe. Mais nous avons complètement dissocié la stratégie de décarbonation de l’acte commercial de vente de l’Oléo 100. Nous ne relions pas ces deux éléments de manière chiffrée.
Comment pilotez-vous et mesurez-vous ces objectifs de décarbonation ?
Nous avons, au niveau corporate, une direction dédiée à la démarche RSE et au déploiement de notre raison d’être. Nous sommes également accompagnés par des cabinets de conseil pour travailler sur nos émissions de carbone, sur nos engagements tels que le SBTI, ainsi que sur tous les axes d’action de la RSE. La direction supply chain corporate a pour mission de déployer les plans d’action de réduction des émissions de CO2 dans les entreprises. Je travaille sur ces sujets avec les directeurs supply chain et le déploiement des plans d’action est mis en œuvre par leurs équipes transport et logistique.
Nous mesurons ces objectifs de manière macro ou, pour les sociétés les plus matures, en implémentant des modèles fins de calculs dans nos TMS
Nous mesurons ces objectifs de manière macro ou, pour les sociétés les plus matures, en implémentant des modèles fins de calculs dans nos TMS. Cela nous permet de pouvoir mesurer flux par flux les émissions de carbone à l’unité de vente et de piloter finement les plans d’améliorations continues
Quelle part de votre temps cette mission occupe-t-elle ?
Quand la démarche est structurée et que la stratégie et la méthodologie de mesure sont définies, ce n’est pas si chronophage, d’autant que cette mission est partagée. Sur la partie achats responsables, c’est la direction achats qui va intégrer dans ses cahiers des charges nos prérogatives, sur la partie pilotage et management, nous implémentons les bons indicateurs avec la DSI. Reste le management du quotidien. Je ne le prends pas comme une dépense de temps mais comme la déclinaison d’une conviction : si, aujourd’hui, nous ne nous préoccupons pas de mesurer et de diminuer le carbone de nos supply chain, nous n’existerons plus demain. La décarbonation de notre supply chain est tout simplement incontournable, elle est inscrite dans les objectifs stratégiques du groupe.
Nous sommes passés d’une logique de coûts, à une logique coût plus qualité de service et maintenant coût, plus qualité de service, plus impact sur l’environnement et critères sociétaux
Cela sous-entend évidemment de faire évoluer les mentalités, notamment chez nos transporteurs. En dix ans, nous sommes passés d’une logique de coûts, à une logique coût plus qualité de service et maintenant coût, plus qualité de service, plus impact sur l’environnement et critères sociétaux.
Est-ce que cela change le métier de la supply chain ?
Je suis convaincu que plus nous entrerons dans une logique de prise en considération des enjeux environnementaux, plus nous les financiariserons et nous calculerons la valeur du carbone, plus la supply chain sera impactée. Dans très peu de temps cela va modifier nos façons de penser et d’agir dans nos supply chain et pas simplement que sur l’axe logistique opérationnelle. Les enjeux de mesure de carbone vont forcément impacter nos logiques de planification. Certains commencent d’ailleurs à parler de CS&OP pour intégrer une notion de carbone. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous y réfléchissons.