Savencia : « La mécanisation est un axe potentiel d’optimisation de la consommation »
Par Guillaume Trecan | Le | Green
Norbert Marchand, directeur supply chain de Savencia, introduit nos Supply Days Green, Transport et Logistique des 7 et 8 mars à Deauville, en resituant les enjeux de la décarbonation des entrepôts du groupe. Norbert Marchand sera Grand Témoin de l’atelier-débat #Logistique, des entrepôts automatisés et rationnalisés pour une moindre empreinte environnementale, le jeudi 7 mars à 17h30.
Quelle est la place des activités d’entreposage dans l’empreinte CO2 logistique totale ?
Il existe aujourd’hui beaucoup de sources permettant de situer rapidement les enjeux du transport dans l’empreinte carbone en Europe et en France. On sait par exemple que le secteur du transport représentait 23 % des émissions de GES de l’UE à 27 en 2021 et que les poids lourds et le transport maritime, ensemble, représentent de l’ordre de 40 % de ces émissions. Il est en revanche extrêmement difficile de trouver des données globales relatives aux émissions des entrepôts logistiques. Sans doute, d’abord, car la frontière entre activités d’entreposage et activités industrielles n’est pas toujours nette. Mais, ensuite, également parce l’empreinte des entrepôts logistiques est très variable, notamment selon leur nature et leur localisation. A titre de repère, la consommation énergétique d’un entrepôt ambiant est classiquement de l’ordre de 100 à 200 KWh/m2 par an, là où celle d’un entrepôt frigorifique peut être de 3 à 5 fois supérieure.
Et les émissions de CO2 liées à la consommation électrique varient de 39g par KWh en France à près de 200g en Espagne, plus de 400g en Allemagne et près de 600g en Chine, ceci résultant directement du mix énergétique des pays concernés.
Nous observons chez Savencia des situations extrêmement disparates quant à la part des activités d’entreposage dans le bilan CO2 de la supply chain
De fait, nous observons chez Savencia des situations extrêmement disparates quant à la part des activités d’entreposage dans le bilan CO2 de la supply chain, celle-ci pouvant aller de quelques pourcents jusqu’à près de 50 % des émissions totales sur un pays donné. L’atteinte des objectifs de l’accord de Paris en matière de réduction de CO2 conduit en tout état de cause à s’intéresser de près au sujet des émissions des activités d’entreposage, même si les approches peuvent être différenciées en fonction du contexte. Il est par ailleurs important de rappeler que la réglementation est engageante sur ce sujet dans certains pays, dont la France.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les dispositifs réglementaires en la matière en France ?
Le premier est le décret tertiaire. Issu de la loi Elan de 2018, il impose une baisse de la consommation d’énergie finale de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050 par rapport à une année de référence fixée au plus tard à 2010, pour tous les bâtiments à usage tertiaire d’une surface de plus de 1 000 m2, avec sanctions financières et réputationnelles en cas de manquement.
Ce dispositif est complété également par la loi Energie Climat de 2019 et la loi Résilience de 2021 qui fixent une obligation de 30 % de couverture photovoltaïque lors de toute nouvelle construction. Enfin, on peut citer la loi 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables qui impose d’équiper d’ombrières de parking sur au moins 50 % de leur surface les parcs de stationnement extérieurs de plus de 1 500 m2. Le législateur a donc à la fois fixé les objectifs et imposé certaines solutions..
Quels sont les leviers pour réduire l’empreinte carbone de vos entrepôts ?
Les émissions de CO2 d’un entrepôt sont, sur les scopes 1 et 2, essentiellement liées à la consommation énergétique, avec parmi les grands postes l’éclairage, la consommation énergétique des équipements de manutention et, pour le cas des entrepôts en température dirigée la production de froid ou de chaleur.
Les leviers d’optimisation sont en fait très nombreux. En matière d’éclairage, on peut citer le passage à un éclairage LED qui amène des baisses de consommation de 50 à 70 %, le travail sur les arrivées de lumière naturelle, la régulation de l’éclairage notamment avec des capteurs de présence ou encore les toits réfléchissants (cool roof). En matière d’optimisation de consommation des équipements de manutention, il y a au moins trois aspects qui peuvent être cités : d’abord la sensibilisation des opérateurs aux gestes d’économie, ensuite le travail permanent sur l’optimisation des flux, permettant d’assurer une minimisation des déplacements, enfin le travail sur les équipements eux-mêmes. Les technologies évoluent en permanence, notamment dans le domaine des batteries avec des réductions de pertes énergétiques importantes ; les progrès peuvent être captés au rythme du renouvellement du parc.
Par ailleurs, pour les entrepôts frigorifiques, le sujet de l’isolation est naturellement un point clé, tout autant que celui de la régulation rigoureuse des températures et de la maîtrise des fuites de fluide frigorigène. Enfin, la mécanisation est également un axe potentiel d’optimisation de la consommation.
Vous citez la mécanisation. N’est-ce pas là un paradoxe ?
Dans la mesure où les équipements automatisés ajoutent des consommations d’énergie, on peut en effet s’étonner. Prenons le cas des transstockeurs : ils permettent d’augmenter très sensiblement la densité de stockage, ne nécessitent pas le même éclairage que les zones classiques et évitent le recours à des déplacements de chariots. C’est donc bien l’équation dans son ensemble qu’il faut regarder.
Qu’il s’agisse d’ombrières de parking ou encore de cellules en toiture, le taux d’auto-production peut classiquement s’élever à 30 %
Et qu’en est-il du photovoltaïque ?
Le recours au photovoltaïque permet à un entrepôt d’auto-produire une part de sa consommation énergétique et de réduire en même temps son empreinte carbone. L’enjeu en matière de réduction de CO2 sera évidemment directement dépendant du mix énergétique du pays dans lequel l’entrepôt est situé. Qu’il s’agisse d’ombrières de parking ou encore de cellules en toiture, le taux d’auto-production peut classiquement s’élever à 30 %. Les pay-backs de ce type d’investissement restent relativement longs et dépendent naturellement de l’évolution du prix de l’énergie sur le moyen-long terme.
D’un point de vue technique, en fonction de la structure de l’entrepôt, il faut signaler que l’équipement en toiture ne sera pas toujours possible et pourra soulever également des questions en matière d’assurance.
Par où commencer ? Quel est le bon chemin pour s’attaquer au sujet ?
La meilleure approche reste de faire effectuer un diagnostic énergétique par un professionnel. Cela permet d’objectiver les points faibles et opportunités propres à chaque situation et de hiérarchiser les actions à mener. Au-delà, il peut être intéressant d’engager ses équipes autour du référentiel ISO 50001 et de viser la certification.