Stratégie supply

Avec sa plateforme Nuclear Market Place, Orano met un nouveau pied dans l’économie circulaire

Par Mehdi Arhab | Le | Green

Le groupe Orano a développé il y a quelques années une plateforme sur laquelle ses différentes entités peuvent s’échanger ou se vendre des produits dont elles ne se servent plus. C’est pour elles l’occasion des réduire leur coût et leurs stocks dormants, mais aussi d’optimiser leur supply chain. Cette solution est si appréciée qu’elle est désormais ouverte aux fournisseurs et le sera, à terme, à tout l’écosystème nucléaire français. Olivier Ricard, Supply Chain CSR Project Manager d’Orano, interviendra à ce sujet comme Grand Témoin, lors des Supply Days des 7 et 8 mars à Deauville sur l’atelier #économiecirculaire : sortir de l’économie linéaire par les Achats et Supply Chain, le vendredi 8 mars à 11h30.

Olivier Ricard - © D.R.
Olivier Ricard - © D.R.

Et si, à terme, aucun produit ne se perdait, aucun bien ne s’achetait et tout se troquait ? La chose n’est pour le moment qu’une utopie, il faut bien l’avouer. Orano, opérateur international reconnu pour son expertise sur les combustibles nucléaires, n’y est d’ailleurs pas encore. Mais le groupe français, né à la fin de la décennie 2010 du démantèlement de son ancêtre Areva, s’est lancé dans une aventure qui pourrait faire des émules. Très tôt dans son histoire, dès 2020, le groupe a développé une plateforme interne dénommée « Nuclear Market Place  » qui permet à ses différentes entités de s’échanger ou de se vendre des produits dont elles ne se servent plus. Un large panel d’outils et d’équipements industriels sont présents sur la plateforme NMP. Ceux-ci sont classés dans six catégories représentatives des principales activités nucléaires : manutention (matériel de levage, télémanipulation, échafaudages…) ; mesure RP (matériel de mesure nucléaire ou conventionnel, détection radiologique, balises…) ; électromécanique (équipements industriels permettant de réaliser des opérations de maintenance, démantèlement…) ; outillage : outils manuels ou électrique portatif… ; consommables : tenues d’interventions, EPI, joints, filtres…) ; informatique (matériel informatique ou logiciels).

Nos fournisseurs sont des partenaires clés et viennent travailler sur nos sites, assurant la continuité et la qualité de nos projets. Il était donc normal de leur ouvrir les portes de notre plateforme, eux qui recourent à des outils et installent des matériels sur nos ensembles industriels

Chacun de ces outils et équipements industriels peuvent se présenter dans différents états, à savoir neufs, d’occasion ou pour pièces. « Chacune des entités est en droit de positionner des produits, neufs ou d’occasion, dont elle n’a plus besoin », explique Olivier Ricard, Supply Chain CSR Project Manager d’Orano. Entrée en production en 2022, cette plateforme était à l’origine destinée aux seules BUs du groupe. Mais depuis peu, Orano a décidé de l’ouvrir à ses partenaires stratégiques. Et, à terme, la plateforme sera ouverte à l’ensemble des entreprises de l’écosystème nucléaire français. De quoi donner une toute autre dimension à ce projet d’entreprise. « Nous avons fait le choix depuis quelques mois de l’ouvrir à une partie de nos partenaires fournisseurs, poursuit-il. Nos fournisseurs sont des partenaires clés et viennent travailler sur nos sites, assurant la continuité et la qualité de nos projets. Il était donc normal de leur ouvrir les portes de notre plateforme, eux qui recourent à des outils et installent des matériels sur nos ensembles industriels. Plutôt que de les voir les acheter à neuf et nous les refacturer, il était intéressant de leur faire bénéficier des produits dont ils pourraient avoir besoin pour travailler chez nous. »

Optimisation des supply chain

Nous avons remarqué que la plateforme permettait de réduire considérablement les temps d’accès

Pour Orano, le bénéfice est multiple. Cela lui coûte évidemment bien moins cher et lui permet de réduire ses déchets en remettant sur le marché des produits qui ne servent pas. De la sorte, le groupe parvient également optimiser sa supply chain et, désormais celles de ses fournisseurs, tout en s’intégrant dans une démarche durable de limitation des déchets nucléaires. « Nous avons remarqué que la plateforme permettait de réduire considérablement les temps d’accès. Pour les Business Units du groupe, il n’y a que des avantages à utiliser cette plateforme », nous fait savoir Olivier Ricard. 

Développée en interne donc, à l’initiative de la direction Innovation avec un portage de notre Business Unit Démantèlement et Services, cette plateforme reprend les grands principes de certaines marketplace BtoB bien connues et adopte un fonctionnement assez similaire. Chaque Business Unit peut consulter la plateforme et y recourir pour satisfaire un besoin d’achat. Une équipe projet a été mise sur pied afin de s’assurer de sa bonne gestion et de son bon fonctionnement. « Lorsque le bien est demandé par une BU à une autre, cette équipe veille à ce que la transaction, ou le don, ait bien lieu et supervise l’expédition du produit  », explique Olivier Ricard. 

Plusieurs milliers de produits ont été depuis réemployés, permettant à Orano d’économiser des centaines de milliers d’euros sur les achats neufs et les mises aux déchets. Et la mise à disposition et l’animation d’une telle solution permettra sans doute au groupe de réaliser des économies substantielles sur les achats de produits neufs et sur le coût de traitement de leurs déchets, ainsi que de satisfaire un pan de sa stratégie RSE. Orano, qui a donc vu une partie de ses flux être optimisés très largement, est engagé depuis sa création dans la préservation du climat et de l’environnement au sens large. La gestion des déchets et l’utilisation de produits recyclés font bien entendu partie de son expertise dans le domaine de la transformation et de la valorisation des matières nucléaires, dans une logique d’économie circulaire et d’économie de ressources.

Une démarche d’entreprise vertueuse et duplicable à l’infini

En échangeant, moyennant transaction financière ou non, des produits neufs ou d’occasion, nous limitons également grandement nos déchets, c’est un moyen de valoriser les stocks dormants et de générer des revenus

In fine, cette communauté d’entraide est pour le groupe un moyen efficace de lutter contre la surconsommation d’objets neufs et le gaspillage, de repenser le cycle de vie du produit. « Nous sommes dans une démarche responsable et vertueuse pour la filière nucléaire. La plateforme continue de se développer et ne cesse de monter en puissance. Nous nous sommes fixé des objectifs de façon à diminuer les stocks dormants, réduire les investissements qui n’ont pas lieu d’être, et augmenter la durée de vie des produits. En échangeant, moyennant transaction financière ou non, des produits neufs ou d’occasion, nous limitons également grandement nos déchets, c’est un moyen de valoriser les stocks dormants et de générer des revenus », confirme Olivier Ricard.

En deux ans, la plateforme est entrée dans les mœurs du groupe. La direction générale a d’ailleurs depuis demandé d’intégrer la réflexion du recyclage dans les achats, au point même où, en fin d’année dernière, au cours de la définition des budgets et des volumes prévisionnels pour chaque nature d’achats, la direction supply chain a officiellement intégré cet élément dans sa feuille de route en caractérisant tous les produits susceptibles de se retrouver sur la plateforme. Preuve que pour Orano, comme pour d’autres entreprises dans le futur sans aucun doute, le besoin sur des logiques d’une meilleure utilisation des produits en leur possession est pressant. Toutes se demanderont, évidemment, comment elles pourraient éviter d’avoir des produits dormants dans leur stock et comment ils pourraient réemployer leurs ressources plutôt que de les jeter. Orano leur offre ici une (jolie) piste.