Volvo sort le camion en acier zéro carbone
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Le constructeur de camions Volvo co-développe avec l’aciériste suédois SSAB des véhicules en acier « zéro fossile ». Une première, encore réservée à une clientèle de niche, mais un jalon important pour l’avenir. Un projet distingué par l’or aux Trophées des Achats.
Tout commence en 2016 lorsque SSAB présente une nouvelle technologie pour produire de l’acier zéro fossile à son client Volvo, détenteur notamment des marques Renault Trucks, Mack Trucks et UD Trucks. Une offre qui rencontre la volonté du constructeur de transformer ses modes de production de manière à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. « La convergence était évidente, souffle Pierre Voutsinos, chargé des achats d’acier chez Volvo. Plusieurs chemins mènent à la décarbonation de l’acier : une première voie consiste à optimiser le process existant, une autre consiste en une transition technique et la dernière consiste en une rupture technologique pure et simple. » Volvo décidera in fine de tenter l’aventure de cette troisième voie de concert avec son fournisseur d’acier.
SSAB semblait être le meilleur acteur possible, avec la meilleure technologie à disposition et avec le délai le plus court
« SSAB répondait bien à nos objectifs de décarbonation. Pour nous, cela semblait être le meilleur acteur possible, avec la meilleure technologie à disposition et avec le délai le plus court », explique Pierre Voutsinos, qui est établi à Lyon, comme 400 des 1 300 acheteurs du groupe.
Premières livraisons en août 2021
Le résultat final est à la hauteur des espoirs de Volvo, puisque quelques années plus tard, le consortium Hybrit (Hydrogen Breakthrough Ironmaking Technology), formé en 2016 par SSAB au côté du minier LKAB et de l’énergéticien Vattenfall, a réalisé le premier acier vert au monde. Les premières plaques ont été livrées par l’aciériste au constructeur en août 2021. Celles-ci ont été produites grâce à une technologie de réduction directe du minerai avec de l’hydrogène, dans l’usine pilote Hybrit à Luleå, au nord de la Suède, à proximité de nombreuses mines et barrages hydrauliques. Cette même usine a conçu en juin 2021 sa première éponge de fer désoxydé, qui a ensuite été transformée en acier dans un four à arc électrique de SSAB, sur l’un de ses sites à Oxelösund.
Ce fut un travail de longue haleine et aujourd’hui, nous tenons un client
Depuis, deux véhicules réalisés à partir d’acier vert ont été dévoilés par Volvo. Le premier, Tara, révélé en octobre dernier, est un véhicule de mine autonome et électrique. Le deuxième, un engin de chantier, a été présenté en juin 2022 et a déjà trouvé preneur. « Notre première lettre d’intention date de février 2021. Ce fut un travail de longue haleine et aujourd’hui, nous tenons un client », se félicite Pierre Voutsinos. Prochaine étape : la réalisation de longerons pour camion constitués uniquement d’acier décarboné.
« L’acier nous permet de réaliser les cabines ou encore les châssis des camions. Nous transformons cette matière première aussi bien en interne qu’en externe. La majorité de nos pièces stratégiques sont embouties et formées par nos soins », rappelle Pierre Voutsinos.
De lourds investissements initiaux pour SSABB
Les coûts initiaux dans les infrastructures, essentielles pour permettre de passer du charbon à l’électricité et à l’hydrogène, du gaz naturel au biogaz et des granulés de minerai de fer au minerai préréduit, sont colossaux. « Ce sont de gros investissements pour notre fournisseur, qui se chiffrent en milliards d’euros, d’autant plus qu’il doit revoir ses procédés », assure Pierre Voutsinos.
Ce projet qui a impliqué au côté des achats, la logistique, le marketing, la R&D, ou encore la communication a également justifié la création d’un comité de direction paritaire mêlant des membres de SSAB et de Volvo. Les responsables des achats et responsables techniques du constructeur y siègent et se réunissent une fois par trimestre afin de noter les avancements du projet, les points bloquants et les éventuels besoins de financement. Une nouvelle structure dédiée aux achats des matières premières - acier, ferraille, aluminium - a été créée. Elle a pour mission de fonder une roadmap pour faire en sorte que 10 % de matières premières utilisées par Volvo soit écoresponsables en 2030. Pour ce faire, le groupe recherche de nouveaux acheteurs, au profil pointu et dédié matière première.
100 % d’acier vert en 2040
A l’horizon 2040, Volvo compte se fournir exclusivement en acier vert. Une approche ambitieuse, qui pourrait s’avérer très dispendieuse. Mais qu’importe pour le géant suédois, cet obstacle ponctuel vaut la peine d’être surmonté, tant l’acier vert est un produit de haut vol et novateur, qu’il sera difficile d’obtenir.
Il est probable que nous serons confrontés à un surcoût, admet Pierre Voutsinos. Cela reste pour le moment difficile à évaluer, compte tenu des fluctuations incessantes
« Il est probable que nous serons confrontés à un surcoût, admet Pierre Voutsinos. Cela reste pour le moment difficile à évaluer, compte tenu des fluctuations incessantes. Cependant, nous voulons imposer un nouveau paradigme. Il nous faudra avoir la capacité d’innover avec toutes les parties prenantes, en particulier notre écosystème fournisseur, pour atteindre non seulement nos objectifs de décarbonation, mais également pour garantir notre compétitivité future. Nous pensons que le coût de l’inaction sera beaucoup plus important que celui de l’action. »