Renault : « Nous recherchons des profils spécialisés dans la gestion de la data et l’IA »
Par Guillaume Trecan | Le | Rh
Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial Supply Days d'automne : La fonction supply chain en plein ébullition
Loïc Lassagne, directeur des ressources humaines de la supply chain du groupe Renault analyse la montée en puissance des profils commerciaux et des profils IA au sein de la fonction dans le cadre deu repositionnement de la supply chain. Il sera Grand Témoin de l’atelier « Talents : comment le profil du responsable supply chain évolue-t-il ? », lors des Supply Days des 7 et 8 octobre à Deauville.
Comment évolue l’équilibre des fonctions au sein de la supply chain de Renault ? Quels sont les métiers sur lesquels vous recrutez le plus ?
Un des intérêts des métiers de la Supply Chain, c’est que nous pouvons envisager un sourcing diversifié en allant chercher tant du côté des formations d’ingénieurs que des formations gestion-finance-commerce. Ce qui va nous intéresser en priorité chez les candidats, ce sont leurs soft skills et leur capacité à gérer la transversalité. Plus prosaïquement, nous recherchons des profils spécialisés dans la gestion de la data et l’intelligence artificielle. Nous ne voulons pas nous appuyer uniquement sur des équipes dédiées au sein de la Direction de l’Informatique mais avoir des collaborateurs du métier de la supply chain impliqués sur ces sujets. Etant donné les tensions au recrutement sur les métiers de la data, nous cherchons à trouver des collaborateurs de la supply qui ont un intérêt pour le sujet et les former en interne. Ils apportent ainsi les compétences techniques de leur parcours en supply chain. Les personnes auxquelles nous avons proposé ce type de parcours de formation sont également moins volatiles que des profils venus de l’extérieur.
La réorganisation de la supply chain qui tend, depuis un an à avoir une supply chain de bout en bout a pour conséquence une recherche accrue de profils qui viennent de l’univers du commerce, en mobilité interne. Historiquement, la supply chain de Renault était orientée amont et rattachée à l’industrie. Elle est à présent rattachée au comité exécutif et étend sa vision depuis les usines jusqu’au réseau commercial. Elle pilote donc, entre autres, les stocks de distribution ou encore les délais de livraison au client final. Nous avons créé, dans la partie S&OP de l’organisation, une structure dédiée à ce sujet avec la mise en place de responsables demande et stocks et de chefs de projets délais de livraison en lien avec le commerce.
La supply chain de Renault emploie 2 500 personnes dans le monde et 750 personnes en France
Combien de personnes sont concernées par ces deux tendances chez Renault ?
La supply chain de Renault emploie 2 500 personnes dans le monde et 750 personnes en France. Le développement de ces nouveaux profils commerciaux au sein de l’équipe S&OP représente une dizaine de personnes. Le développement des profils d’experts data IA est un phénomène un peu plus important et concerne une cinquantaine de personnes. Tous les métiers, qu’ils soient en amont ou en aval, sont concernées par la nécessité de comprendre les enjeux de la maîtrise de la data et de l’IA : ce que c’est, ce que l’on peut en faire, ce que l’on veut en faire…
Le développement de ces nouveaux métiers entraîne-t-il la réduction des effectifs d’autres fonctions ?
Pour l’instant, nous ne constatons pas de réduction des effectifs liée à l’arrivée de l’IA. En revanche la manière d’exercer le métier change. Les personnes concernées par le développement de notre tour de contrôle qui, auparavant, appelaient les transporteurs n’en ont maintenant plus besoin parce qu’elles ont une vision en temps réel de l’endroit où se trouvent les camions. Mais elles accordent plus de temps à la gestion de la priorisation des transports, à la réaffectation des routes, etc.
Le marché de l’emploi en Supply Chain est plus tendu. Le nombre de personnes en mobilité se fait donc plus rare
Quelles tendances percevez-vous sur le marché de l’emploi actuellement ?
Lorsque je suis arrivé à mon poste en 2020, nous souffrions d’un turn over assez fort, marqué par deux à trois départs chaque mois. Depuis le début de l’année, nous n’avons enregistré que trois démissions. Le marché de l’emploi en Supply Chain est plus tendu. Le nombre de personnes en mobilité se fait donc plus rare. De notre côté, nous avons peu de recrutements externes et autant le nombre de candidatures par poste que la qualité de ces candidatures se sont accrus. J’y vois un signe, à la fois que les métiers l’automobile et les métiers de la supply chain intéressent.
Quels sont vos moyens de rétention des profils prometteurs ?
Depuis l’an dernier, nous avons créé un programme Graduate pour les jeunes profils. Ce programme se décompose en trois fois huit mois : une première étape en usine, une deuxième en corporate et une troisième dans le réseau commercial. Nous leur proposons un parcours qui va leur permettre de rencontrer beaucoup de collaborateurs du groupe - chacun d’entre eux est notamment suivi par un membre du codir - et qui va leur apporter une vision complète de l’entreprise. Leur trajectoire dans le groupe en sera d’autant plus rapide.
La deuxième promotion va commencer en septembre et nous avons des retours très positifs de la part de la première promotion sur l’intérêt que nous leur portons. Chaque promotion est constituée de trois personnes à la Supply Chain mais sont aussi associés aux autres programmes graduate du groupe (une cinquantaine de personnes) et ils entretiennent entre eux des liens forts.
Nous voulons que 100 % des équipiers de la supply chain aient compris à quoi sert l’IA et quels sont les enjeux
Pour développer nos modules de formation, nous travaillons avec un réseau de huit experts dotés de référents associés. Ils établissent les plans de formation, définissent les modules dont nous avons besoin, les font évoluer et nous aident à les déployer à l’échelle mondiale. Nous travaillons actuellement à démystifier l’IA. Nous mettons en place des sessions de sensibilisation à l’IA pour expliquer comment concevoir un prompt pertinent, quels sont les bons outils, quels gains en attendre. Nous voulons que 100 % des équipiers de la supply chain aient compris à quoi sert l’IA et quels sont les enjeux. Près de 50 % des équipes corporate ont déjà suivi cette formation que 100 % de la population supply devrait l’avoir suivi d’ici la fin de l’année.
En ce qui concerne la gestion des parcours de carrière, nous avons le souhait de permettre à nos collaborateurs d’évoluer d’un métier à l’autre au sein de la supply chain. C’est aussi un enjeu de rétention. En plus d’experts pointus, nous avons besoin de managers aux parcours transverses.
Un autre sujet important de formation s’impose dans le cadre de la réorganisation de la supply chain : le renforcement de la culture économique de nos collaborateurs
Quels sont les facteurs de transformation majeurs de la supply chain ?
Le premier enjeu est de faire de la Supply Chain du Groupe, une vraie Supply Chain de bout en bout en intégrant la vision du client final. Un second enjeu tourne autour de la digitalisation de nos processus dans un univers de plus en plus complexe. Un autre sujet important de formation s’impose dans le cadre de la réorganisation de la supply chain : le renforcement de la culture économique de nos collaborateurs. A l’échelle du groupe, la direction de la supply chain est une direction de taille modeste, mais nous voulons que tous les collaborateurs comprennent que les enjeux économiques de leurs choix sont énormes, au niveau de la trésorerie, de la marge opérationnelle, de la performance globale de l’entreprise. Nous travaillons avec le contrôle de gestion de la supply chain pour mettre en place ces modules.
Le monde dans lequel nous évoluons étant de plus en plus incertain, nous accordons également une place importante à la gestion du risque. Enfin, nous ne pouvons pas oublier les enjeux de décarbonation pour développer une Supply Chain performante et durable.