Philippe Boutonnet : « Le groupe Saint-Gobain à la ferme volonté d’investir dans la supply chain »
Par Guillaume Trecan | Le | Rh
Philippe Boutonnet, directeur de l’excellence supply chain du groupe Saint-Gobain, explique comment il participe à la montée en puissance de la filière supply chain. Son action porte à la fois sur le mapping des compétences et sur le fait d’introduire des hauts potentiels dans la fonction.
Comment la gestion des ressources humaines s’intègre-t-elle dans votre mission de directeur de l’excellence opérationnelle ?
Ma mission consiste à animer une équipe de conseil interne qui aide les différentes entités du groupe à améliorer leur performance supply chain. J’anime également une communauté supply chain que nous avons créée l’an dernier et je dois accompagner la formation et faire monter en compétences la filière supply chain de Saint-Gobain.
En quoi consiste la communauté supply chain que vous avez créée ?
Nous devons faire travailler ensemble les deux dimensions du groupe Saint-Gobain, l’une plutôt industrielle et l’autre axée sur la distribution. Tous les trimestres nous organisons un séminaire thématique en ligne d’une durée de deux heures pendant lesquelles des collaborateurs du groupe et des pairs mettent en avant des bonnes pratiques. Nous avons créé un groupe Yammer sur lequel nous postons les vidéos de ces cessions et nous mettons à disposition du business toutes les solutions présentées. Nous avons ainsi vu la région Asie interagir avec la région Amérique Latine pour en savoir plus sur l’un de ces sujets. Nous sommes aussi là pour mettre en réseau les expertises au sein du groupe. Les connexions augmentent régulièrement : nous avons démarré avec 80 personnes et nous avons maintenant entre 400 et 500 membres régulièrement connectés dans la communauté.
Nous préparons cette année la première People Review de la filière Supply Chain. Avec cette revue de compétences, nous allons passer en revue les profils pour identifier les besoins de mobilité, les ressources et comment les faire correspondre. Nous devons aussi travailler avec les ressources humaines sur la définition des postes de demain, les plans de formation que nous pouvons proposer pour accompagner cette montée en compétences.
Les métiers de la supply chain ont beaucoup changé ces dernières années, et ces changements ont tendance à s’accélérer avec l’arrivée de nouveaux outils de data science, d’intelligence artificielle…
Pour intégrer des nouveaux talents dans la supply chain privilégiez-vous plutôt l’interne ou des forces vives venues de l’externe ?
Nous devons régulièrement aller chercher sur le marché de nouveaux profils et de nouveaux talents. Les enjeux de la supply chain sont très importants chez Saint-Gobain. Les métiers de la supply chain ont beaucoup changé ces dernières années, et ces changements ont tendance à s’accélérer avec l’arrivée de nouveaux outils de data science, d’intelligence artificielle… Nous avons donc besoin de faire évoluer les profils, tout en conservant des personnes qui maîtrisent les fondamentaux de la fonction, qui ont une connaissance de la supply chain, des processus, du S&OP, du dimensionnement du stock… Au-dessus de cette base de maîtrise des processus, nous intégrons progressivement une dimension technologique au bon moment et au bon niveau de valeur.
Nous voulons également positionner des talents et des hauts potentiels sur des postes de directeurs supply chain. Nous recrutons donc pour ces postes des profils plus élevés. Nous avons des exemples récents de patrons supply chain diplomés des plus grandes écoles, ou de jeunes talents, qui viennent travailler dans mon périmètre pendant deux ou trois ans, découvrir les différents processus supply chain du groupe. Ils peuvent ensuite s’exprimer au sein du groupe, soit en restant dans la filière supply chain soit dans d’autres activités telles que l’industrie, le commerce ou encore la gestion managériale. Des personnes passées par mon équipe sont par exemple devenues patrons de la supply chain d’une BU, DG d’une activité.
La supply chain est vrai un accélérateur à particule pour comprendre comment fonctionne une organisation
Quels atouts acquièrent ces hauts-potentiels en passant par la supply chain ?
La supply chain est vrai un accélérateur à particule pour comprendre comment fonctionne une organisation. Ils travaillent sur un premier axe process qui consiste à accompagner la mise en place de modèle IBP ou S&OP et d’une nouvelle organisation en assurant un rôle d’animation de comités de direction pour aider à créer une dynamique de groupe.
Le deuxième axe porte sur le Design Network Optimisation, que nous réalisons en nous appuyant sur Llamasoft. Nous mappons les processus de la supply chain, créons une sorte de « digital twin » dans l’outil et nous testons différents modèles. C’est extrêmement formateur pour des jeunes qui vont être ainsi amenés à dialoguer avec des directeurs supply chain, industriel ou directeurs généraux business et à les accompagner dans leur vision stratégique. Comme nous travaillons avec tous les business, ils vont voir à peu près tous les modèles possibles.
D’une manière générale le responsable supply chain, tel que je le conçois, est quelqu’un qui dépassionne les prises de décision, qui doit être extrêmement factuel
D’une manière générale le responsable supply chain, tel que je le conçois, est quelqu’un qui dépassionne les prises de décision, qui doit être extrêmement factuel. C’est quelqu’un qui, à partir de faits, va en permanence proposer des arbitrages à une direction générale : la supply chain est vraiment une affaire d’arbitrage permanent.
Quels CV cherchez-vous en particulier ?
Je ne recherche pas particulièrement chez les jeunes talents des compétences en supply chain. Ils vont les acquérir sur le terrain, nous allons les former. En revanche, il faut qu’ils aient la tête bien faite, qu’ils soient à l’aise sur la gestion des données avec lesquelles nous travaillons de plus en plus, notamment sur le Design Network Optimisation. Il faut surtout qu’ils aient une capacité d’écoute, d’accompagnement et d’animation, qu’ils soient capables d’adopter une posture de management indirect pour casser les silos. Ce qui permet d’attirer ces profils tient aussi à la très grande variété de nos missions : un jour nous animons un comité de direction, un autre nous faisons des makigami pour analyser des process, un autre nous faisons une étude de dimensionnement d’un entrepôt.
Cette montée en compétences a-t-elle des conséquences en termes de masse salariale ?
Le groupe Saint-Gobain à la ferme volonté d’investir dans la supply chain, en termes de ressources notamment. Nous savons que nous avons besoin de nous renforcer surtout côté industrie, mais pas seulement. De même la volonté de recruter ne concerne pas seulement les cadres dirigeants de la fonction, mais aussi des personnes qui vont travailler sur les méthodes les organisations les optimisations supply chain avec des jeunes ingénieurs bac + 5.
Le groupe a lancé il y a trois ans une Digital & Analytic Academy pour l’industrie. Nous en lançons une cette année spécifique à la Supply chain
N’avez-vous pas de difficulté à attirer des profils d’experts du traitement de la donnée ?
On retrouve en particulier ce type de profils dans l’activité industrielle de Saint-Gobain. Le groupe a lancé il y a trois ans une Digital & Analytic Academy pour l’industrie. Nous en lançons une cette année spécifique à la Supply chain. Nous essayons en parallèle d’identifier dans nos pays les gens qui ont des appétences pour ces questions, par exemple des gens qui ont fait du développement en python, pour en faire des ambassadeurs en interne du digital.