Stratégie supply

Umiami : « Le bon fonctionnement du S&OP ressort de l’intérêt général »

Par Guillaume Trecan | Le | Industrie

Laurent Weinberg, directeur des opérations du spécialiste de la viande végétale explique comment et pourquoi il fait du S&OP le socle du développement de cette startup industriel qui ne dispose pas encore d’historique de vente mais à la croissance prometteuse. Il sera Grand Témoin de l’atelier « Planification : le S&OP réunit supply, ventes, marketing et DG », lors des Supply Days des 7 et 8 octobre à Deauville.

Laurent Weinberg, COO. - © D.R.
Laurent Weinberg, COO. - © D.R.

Vous êtes partis d’une feuille blanche pour concevoir les Opérations industrielles et supply chain d’Umiami. Qu’est-ce qui vous a incité à faire du S&OP un des piliers de cette organisation ?

L’obligation d’avoir une bonne coordination entre tous les services, notamment entre le commerce et la production, est vite apparue comme une évidence, en particulier la nécessité pour cela d’aligner le Demand et le Supply Planning. Beaucoup des collaborateurs d’Umiami viennent d’ailleurs de sociétés où le S&OP est en place et je n’ai pas eu à me battre pour les convaincre. On ne peut pas se contenter d’une vision à quelques semaines si l’on veut pouvoir engager des équipes ou des moyens nécessaires qui demandent plusieurs mois de formation ou d’approvisionnement. Cela montre bien que le processus S&OP est assez universel et s’applique aussi bien aux grandes entreprises qu’aux petites.

Umiami étant une startup, elle présente la particularité de ne pas avoir d’historique de prévisions de vente

Etant donné la nature de startup industrielle d’Umiami, sur un marché de la viande végétale en création, j’imagine que cela rend le travail de prévision encore plus délicat…

Umiami étant une startup, elle présente la particularité de ne pas avoir d’historique de prévisions de vente. Nous devons donc accepter de travailler dans l’attente d’informations plus précises. Le futur est, qui plus est, assez flou. En effet, les lancements de nos produits sont plus aléatoires que pour une entreprise qui a déjà lancé un grand nombre de références. Notre marché existe déjà, mais nous sommes en discussion chez beaucoup d’intervenants en Europe et en Amérique.

Quel est le degré d’incertitude sur vos ventes ?

Nous sommes en production depuis neuf mois seulement et nous sommes encore en phase de référencement chez plusieurs clients avec des aléas sur les quantités qui seront commandées, la rotation des produits, la demande générée par les points de vente. Nous découvrons au fur et à mesure, en fonction des marchés, comment nous allons devoir fournir nos clients. Nous travaillons avec des comptes assez importants, comme Tesco ou Aldi, aussi bien qu’avec des petites chaînes de restaurants. Ils découvrent eux-mêmes les comportements de consommation de leurs propres clients par rapport à nos produits. Nous sommes donc forcés de prendre des hypothèses. Faute d’historique, nous ne pouvons pas utiliser de modèle mathématique et nous n’avons donc pas d’outil statistique de prévision de vente du type FuturMaster. Nous visons un horizon de dix-huit mois mais nous passons évidemment beaucoup de temps à étudier les trois prochains mois sur lesquels nous avons encore une vision plus précise.

Un comité de direction par mois est consacré au S&OP

Comment se traduit le process supply chain dans l’organisation ?

Un comité de direction par mois est consacré au S&OP. Une première phase de Demand Planning réunit le Marketing et les ventes avec le responsable supply chain qui est l’animateur S&OP. Une deuxième phase réunit des représentants de l’usine avec le responsable supply chain, suivie d’une phase consensus lors de laquelle tout le monde s’accorde sur les arbitrages retenus. La quatrième étape, en comité de direction avec le directeur général, avalise cette décision ou permet de trancher entre deux options en débat.

Tout le monde admet-il, au sein du groupe, que le processus S&OP est de la responsabilité de tous et pas seulement de la supply chain ?

La supply chain a plutôt un rôle de coordination et il est de sa responsabilité de fournir des méthodes. Le bon fonctionnement du S&OP ressort de l’intérêt général. C’est l’intérêt du commerce parce que si l’on ne produit pas au bon moment, on n’a pas un bon taux de service. C’est l’intérêt de la finance qui ne veut pas engager trop de stock. Il est aussi de l’intérêt des ressources humaines et des Achats de pouvoir correctement planifier les besoins. Chacun a donc intérêt à contribuer à apporter un maximum d’informations pour que le processus soit plus le plus efficace possible.

La nature des choses fait que, qu’il s’agisse de la production, des ventes ou de la finance, chacun à tendance à voir la situation de son seul point de vue. Mais, à présent, nous disposons d’un processus neutre qui nous permet d’arbitrer chaque point de vue pour prendre une décision qui tient compte de l’ensemble des éléments.

Est-il plus difficile de faire de la prévision de ventes aujourd’hui qu’il y a dix ans ?

Le délai de réaction de nos clients, en particulier dans la grande distribution, est en effet beaucoup plus court aujourd’hui, lorsqu’il s’agit par exemple de sortir des produits qui ne tournent pas assez. Evidemment, certaines grandes tendances, en particulier le Covid, n’ont pas été anticipées. Les modèles mathématiques ont évidemment une limite. Mais je ne pense pas pour autant que l’art de la prévision soit plus difficile qu’avant, notamment parce que nous avons à notre disposition des outils très puissants, avec des modèles mathématiques sophistiqués.

Pour une petite entreprise, en matière de S&OP, le processus est plus important que l’outil

De quels outils disposez-vous ?

A notre niveau, nous parvenons à construire ce dont nous avons besoin sur Excel, pour mesurer la régularité des commandes, la précision des prévisions de vente, l’adhérence au planning, les taux de services, les ruptures, le taux de réalisation du planning. Je crois que pour une petite entreprise, en matière de S&OP, le processus est plus important que l’outil. Parce que c’est le processus qui fait que les gens se parlent. Cela étant, à partir d’un certain niveau de complexité, on ne peut pas faire l’impasse sur le fait d’avoir des outils de prévisions et des outils de planification.

Comment allez-vous faire évoluer les moyens de la supply chain pour accompagner votre croissance ?

Nous avons prévu d’étoffer nos équipes mais pas encore nos outils. Nous allons nous fonder sur l’humain pour gérer la complexité, l’augmentation du nombre de clients et du nombre de références. Au sein de la supply chain, nous allons ainsi accroître notre équipe dédiée à l’administration des ventes pour une plus grande prise en compte des attentes de nos clients.

Le Programme complet des Supply Days ici